Warner Bros. Netflix
Warner Bros. Netflix

Un deal historique est en vue. L'industrie hollywoodienne est en panique. Mais rien n'est encore fait.

Hollywood retient son souffle.

Netflix vient d'entrer en négociations exclusives pour racheter Warner Bros. Discovery : son studio cinéma, son studio TV, l’intégralité de la bibliothèque Warner et HBO, ainsi que HBO Max. Une info confirmée par Variety, après plusieurs semaines d’une guerre d’enchères d’une rare agressivité.

Paramount Skydance (David Ellison) avait ouvert le bal avec une offre cash pour l’ensemble de Warner Bros. Discovery, estimée autour de 27 dollars par action, avec le soutien financier de trois fonds souverains du Moyen-Orient. Netflix et Comcast, plus prudents, ne ciblaient eux initialement que les activités studios et streaming. Mais l’appétit de Netflix pour un catalogue légendaire — Warner, HBO, tout un pan de l’histoire d’Hollywood — a fini par prendre le dessus. Lundi, les offres finales ont été déposées.

Et le choix de WBD s’est donc porté sur Netflix... mais le feuilleton est loin d’être terminé.

D’abord, parce que Paramount, recalé, a dégainé une accusation choc visant Netflix, évoquant des irrégularités dans le processus et des conflits d’intérêts possibles chez certains dirigeants de WBD. Ensuite parce que ce virage représente un changement total de doctrine pour Netflix : Ted Sarandos et Greg Peters ont toujours affirmé que la plateforme n’avait pas besoin d’un catalogue patrimonial pour croître. Mais Warner Bros. — de Casablanca à Friends en passant par Superman et Harry Potter-  possède un nombre de licences fou, trop pour ne pas voir qu'il y a un coup à faire pour le géant du streaming.

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Saud que Hollywood est déjà vent debout. Le symbole est trop gros : une plateforme qui s'offre un studio historique comme Warner Bros., ce serait un marqueur énorme pour les années à venir, pour le futur déjà fragile des salles obscures. Dès l’annonce des négociations officielles, un consortium de talents a signé une lettre ouverte envoyée au Congrès — anonymement, par crainte de représailles — avertissant qu’un tel deal permettrait à Netflix de "tenir un nœud coulant autour du marché des salles", en réduisant la production destinée au grand écran et en tirant vers le bas les fenêtres de diffusion en streaming.

Jeudi soir, la Directors Guild of America a publié un communiqué incendiaire : 

"La nouvelle de négociations exclusives entre Netflix et WBD soulève des préoccupations majeures pour la DGA. Une industrie vibrante et compétitive est essentielle pour protéger les carrières et les droits créatifs des réalisateurs. Nous rencontrerons Netflix pour exposer nos inquiétudes."

Le syndicat des réalisateurs craint une concentration qui étoufferait les opportunités et la concurrence artistique.

Salle de cinéma
DR

Encore plus alarmiste, Cinema United — l’organisation représentant les exploitants de salles américains — a dénoncé "une menace sans précédent pour l’exploitation mondiale". Son président Michael O’Leary rappelle que Netflix ne fonctionne pas selon un modèle cinéma :

"Le succès de Netflix, c’est la télévision, pas le grand écran. Une véritable politique en faveur des salles implique une offre robuste, une exclusivité significative et un marketing adapté. Ce n’est pas ce que Netflix propose."

Il insiste aussi sur l’effet domino : la fermeture de salles entraînerait la chute d’un écosystème local — restaurants, bars, commerces — "une industrie Main Street", dit-il. Chaque dollar dépensé dans un cinéma génère en moyenne 1,50 dollar dans les commerces voisins. Moins de films = moins de flux = des villes entières fragilisées.

Mais le groupe WBD a, de toute façon, une situation interne explosive à gérer. Une scission pour séparer les entités Warner Bros. et HBO Max des chaînes linéaires (CNN, TNT, TBS…) est en cours. Une opération prévue pour mi-2026 destinée à enrayer la chute du titre en Bourse. 

Si Netflix conclut le deal, le groupe sera plus que jamais le centre de gravité du divertissement mondial. A tel point que l'administration Trump et l'autorité de régulation antitrust pourrait s'en mêler et bloquer la transaction. Pour l’instant, tout n’est qu’une "fenêtre exclusive" de négociation. Mais Hollywood, lui, a déjà arrêté de respirer.