Cloclo
StudioCanal

Le biopic porté par Jérémie Renier a demandé énormément de travail à Florent Emilio Siri.

Connu pour ses films d’action musclés (Nid de guêpes, Otage, L’Ennemi intime), Florent Emilio Siri tournait une page avec Cloclo, en 2012, son biopic très attendu de Claude François, interprété par Jérémie Renier. Il commentait alors pour Première les moments clés d’un tournage électrique. Nous republions ses propos à l'occasion de la rediffusion du film, ce soir sur TMC.

Propos recueillis par Christophe Narbonne

Cloclo divise la rédaction

CLOCLO, JÉRÉMIE & MOI

"Quand je me suis lancé dans le projet, j'ai émis deux conditions : je voulais Jérémie Renier, un acteur que j'admire, et Julien Rappeneau au scénario - j'avais bien aimé le travail de ce dernier sur 36 Quai des Orfèvres et Largo Winch. Avec Julien, on avait envie de raconter la même histoire, c'est-à-dire de montrer Claude François dans toute son ambiguïté et ses contradictions. L'hagiographie était exclue, en accord avec les deux fils de Cloclo, producteurs associés du film. Moi qui étais bourré d'a priori sur lui, j'ai non seulement découvert une personnalité complexe mais un showman à l'américaine... Dès l'écriture, j'ai pensé à la mise en scène. La trajectoire de Claude François étant basée sur le rythme et avançant comme dans un entonnoir, j'ai travaillé sur les ellipses et des blocs de vie de plus en plus resserrés. À l'arrivée, le film dure 2h20 mais le spectateur aura l'impression, j'espère, qu'il fait une heure de moins."

JÉRÉMIE, ANA & MOI

"J'ai découvert Ana Girardot lors des essais. C'est une grande actrice en devenir, qui dégage une lumière rare. Elle est habillée en jaune pour apparenter son personnage à un petit oiseau que Cloclo veut mettre en cage, d'où la chemise et les lunettes noires de prédateur que porte Jérémie Renier. Cette photo a été prise lors du tournage au Moulin de Dannemois, la célèbre demeure de Claude François. On avait tourné ce jour-là un plan-séquence complexe qui révèle un élément nouveau et mystérieux de la vie de l'artiste... Lorsque je voulais créer de l'empathie avec le personnage, je découpais beaucoup, et quand j'en voulais moins, je filmais en plan-séquence."

BENOÎT MAGIMEL EN PAUL LEDERMAN

''J'ai toujours été intimement convaincu que Benoît Magimel (à gauche sur la photo, avec Vincent Nemeth dans le rôle de Bruno Coquatrix) devait jouer Paul Lederman même s'il n'existe aucune ressemblance entre eux. Jérémie lui-même m'en avait parlé car Benoît est un peu son grand frère de cinéma. Je trouvais intéressant de travailler cette relation-là, bien que François et Lederman n'entretenaient pas de rapports fraternels dans la réalité. Benoît m'a répondu : ''OK, je le fais, mais je veux que personne ne me reconnaisse.'' Il porte donc une prothèse nasale, une sur le menton pour cacher sa fossette, une autre ventrale, des fausses dents, un appareil qui lui élargit la mâchoire, des faux cheveux et des fausses dents ! Il a par ailleurs bossé un léger accent pied-noir. Le résultat est stupéfiant."

BÊTE DE SCÈNE

"Claude François a toujours vécu avec la peur que tout s'arrête, il va tout sacrifier à son public. En concert, il se met ainsi régulièrement en transe pour s'oublier. Le public en profite, d'ailleurs. Jérémie n'a, encore une fois, pas triché pour cette scène... Je tiens au passage à démentir une rumeur persistante : non, Cloclo n'était pas gay, c'est même tout l'inverse. Lorsqu'il est devenu photographe de charme, pour son magazine Absolu, et patron de presse, il en a agacé plus d'un. On dit que certains rivaux auraient balancé ces rumeurs pour le discréditer. Il est le seul chanteur en France à avoir fait quarante tubes, ça crée de la jalousie..."

JÉRÉMIE BACKSTAGE

"Jérémie s'isolait des autres pour arriver sur le plateau en Cloclo. Il était tellement dans le personnage qu'il se comportait en boss alors qu'il est plutôt réservé dans la vie... La ressemblance, contrairement à ce qu'on pourrait croire, a été travaillée. Jérémie subissait deux heures de maquillage par jour ! On s'occupait tantôt des sourcils - au début de sa carrière, Claude François les avait plus épais et moins blonds -, tantôt du nez, Jérémie portant une prothèse pour les scènes dans les années 60, période où Cloclo avait son gros nez rond naturel. Pour les proches, c'était parfois troublant. Cloclo Junior et Michel Drucker, qui est passé sur le tournage, ont eu des flashes en découvrant Jérémie."

CLOCLO ET LES CLODETTES

"Jérémie a dû se préparer pendant cinq mois en amont du tournage pour approcher un minimum le perfectionnisme de Cloclo. Quatre heures de danse quotidiennes avec Mya Frye, des cours de batterie, du coaching vocal... Cette photo est doublement symbolique : elle correspond à la première apparition dans le film des Clodettes et, historiquement, à la première fois où des gens de couleur passaient à la télévision française. Au moment où Cloclo se produit dans cette émission, il a renouvelé son répertoire en y injectant de la soul, sa chanson 'Reste' étant une reprise du tube 'Beggin'de Frankie Valli. Cloclo, il faut le savoir, est le seul artiste blanc à avoir enregistré à la Tamla Motown à la grande époque."

Depuis Podium, les "Claudettes" de Benoît Poelvoorde sont devenues célèbres

CLOCLO CHANTE MARCHE TOUT DROIT SUR SCÈNE

"Tous les live d'époque ont été réarrangés avec des sosies vocaux de Claude François. Il fallait respatialiser en 5.1 pour immerger le spectateur dans l'ambiance... Malgré le playback, Jérémie gardait le micro ouvert pour qu'on entende ses respirations et ses dialogues. Là, il chante et, en même temps, il engueule ses musiciens qui font des fausses notes ! Ce concert de 1967 marque un tournant pour Cloclo et son producteur Paul Lederman : à la suite de la représentation, ce dernier affirme à la star qu'il tourne en rond et que s'il continue comme ça, il sera bientôt mort. Cloclo se souvient alors avoir vu Otis Redding sur scène, en 1965, avec des danseuses autour de lui. Il va importer le concept et relancer sa carrière."

CLOCLO ET SA SŒUR JOSETTE À LA PLAGE

"Cette scène se situe à un moment où ils sont tous les deux perdus. Nous sommes en 1961, leur père - qui mourra peu après - ne parle plus à Claude depuis deux ans et Josette (Sabrina Seyvecou) est sur le point de divorcer. Au-delà d'un portrait de Claude François, j'ai réalisé un film sur la famille. Sans les parents qu'il a eus, le chanteur ne serait pas devenu cet homme froid, un peu dépourvu d'émotions. Sa mère, Chouffa, était trop aimante et l'a étouffé ; du coup, il n'arrive ni à s'aimer, ni à tomber amoureux. Son père n'a jamais accepté qu'il devienne artiste. Toute sa vie, il sera en quête de la reconnaissance que celui-ci lui a refusée."

CLOCLO EN STUDIO

"L'enregistrement de 'Comme d'habitude', en 1967, année de la rupture de Claude François avec France Gall;, jouée par Joséphine Japy, qui est une révélation pour moi. Il est malheureux mais transforme cette tristesse en chanson, ce qui est le propre d'un artiste. On ne le sait pas assez mais il a écrit le premier couplet de 'Comme d'habitude' et a eu l'idée du crescendo final. Il se retrouve donc en studio à Londres, accompagné d'Isabelle Forêt (Ana Girardot), ici de dos. Pour l'anecdote, c'est l'un des 230 décors du film, record européen ! Claude François a rencontré Isabelle Forêt lors d'un gala alors qu'il était encore avec France Gall. Il va ensuite chercher à la revoir et à la persuader qu'elle est la future mère de ses enfants."

BAIN DE FOULE

"Nous avons bloqué le boulevard Exelmans pendant 24 heures afin de tourner cette scène. On y voit Cloclo sortir de chez lui et monter dans une voiture qui l'amène à ses bureaux... 200 mètres plus loin ! C'est un plan-séquence qui intervient dans le film après une ellipse de trois ans. Nous sommes au début des années 70, il fait beau, Cloclo est ultra blond, entouré de groupies... On découvre qu'il dirige le magazine Podium et qu'il organise ses tournées, bref, qu'il est devenu un véritable chef d'entreprise. Juste après, il reçoit un coup de fil exaspéré de sa femme et on comprend qu'il mène une double vie amoureuse."