Produit par le réalisateur de Black coal, un film noir tortueux divisé en deux périodes - 1997 et 2005 - qui raconte brillamment la jeunesse chinoise broyée par le système
C’est le genre de polar tortueux dont le cinéma chinois nous gratifie régulièrement. Produit par le cinéaste Diao Yi’nan, un maître en la matière, auteur notamment de Black Coal et Le Lac aux oies sauvages, ce thriller, premier long-métrage de Ji Zhang, porte le sceau de cette filiation. Sa puissance visuelle dessine les contours d’un pays-monde que les grandes mutations économiques à l’orée du nouveau millénaire auront déboussolé. Quant au récit, ses circonvolutions traduisent une perte constante de repères tant psychologiques que physiques. Celui qui sonde avec le plus d’acuité ce moment d’histoire pris dans le chaos d’un espace-temps reconfiguré est assurément Jia Zhang-ke dont le récent Les feux sauvages fait lui-aussi écho à ces Feux dans la plaine. C’est dire si le présent long-métrage porte en lui une incandescence particulière.
L’action débute ici en 1997 pour se poursuivre en 2005. Entre ces deux boussoles, un vide existentiel. Tout ici a une odeur d’apocalypse avec les fermetures d’usines qui laissent des êtres exsangues, sans but. « Tu crèveras de ta banalité ! » entend-on dans les premières minutes du film. La lumière signée du même chef opérateur que le pénétrant Only the river flows, Chengma Zhiyuan, reprend cette idée de couleurs désaturées pour mieux recouvrir d’un voile un décor qui ne respire plus. Une série de meurtres inexpliqués diffusent sur ces plaines du Sud de la Chine une odeur malsaine. Qui ? Pourquoi ? Dans cet entrelacs d’intrigues et de chausse-trappes, une jeune femme marquée dans sa chair sera le visage sacrificiel de toute une société de vaincus. La beauté insidieuse de la mise en scène est au diapason de ce vertige enténébré. Fort.
De Ji Zhang. Avec Zhou Dongyu, Liu Haoran, Yuan Hong… Durée : 1h41. Sortie le 9 Juillet.
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