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Attention les yeux quand vous irez voir Le Loup de Wall Street le 25 décembre prochain. Tout au long de ses trois heures (ou presque), le dernier film de Martin Scorsese, qui raconte l'ascension et la chute d'un trader (Leonardo DiCaprio) aux dents longues et aux appétits immenses dans la finance des années 80, est un véritable festival défouloir. Drogues en tous genres, de sexe et de nudité, de fuck à go-go (à la fois le mot et l'acte) à tel point qu'on a arrêté de compter. Il y a des chances que ce grand méchant Loup dépasse Casino de Scorsese au compteur du nombre de fois où le mot "fuck" est prononcé (398 dans Casino -le record pour un film de fiction serait détenu par Gutterballs en 2008, avec 625 occurrences). Et on ne vous spoilera pas la scène dite de la "bougie". D'après notre critique du film, Le Loup est "une frénésie de cul, de drogue, de pipes, de bites, d’avidité, d’argent obscène littéralement jeté à la poubelle, de lancers de nains, de partouzes dégénérées".Avec un tel contenu, le film aurait dû recevoir un classement NC-17 (interdit aux moins de dix-sept ans sans exceptions) de la part de la Motion Pictures Association of America, qui autorise les films à être distribués sur le territoire américain après visionnage. Et Dieu sait que le mot fuck effraie la MPAA. Mais voilà, la MPAA ne lui a octroyé "que" le label R, pour restrictif, interdit aux moins de dix-sept ans non accompagnés d'un adulte. C'est un soulagement pour Scorsese, car l'étiquette NC-17 est un repoussoir (Killer Joe de William Friedkin, certes moins glam mais classé NC-17, n'a connu presqu'aucun succès), alors qu'un film R fait moins peur aux exploitants de salles de cinéma et peut donc trouver son public. Généralement, les studios cherchent au maximum le classement PG-13 (interdit aux moins de treize ans non accompagnés), qui n'exclut pas les ados -cibles juteuses- des salles. Ils n'hésitent pas à couper dans le film les scènes qui choquent la MPAA afin d'avoir un label moins contraignant… Rien de tel a priori pour Le Loup, qui dure trois heures en salles.Alors comment Le Loup de Wall Street a-t-il été seulement classé R ? La réponse tient à un homme, Tom Sherak. Ancien cadre à la 20th Century Fox, et président de la Motion Pictures Academy Arts & Sciences (qui décerne les Oscars, entre autres) de 2009 à 2011, Sherak aurait été engagé par Le Loup de Wall Street pour servir d'intermédiaire entre la production du film et la MPAA. Sa mission : obtenir le label R. Homme de l'ombre, Sherak est depuis septembre 2013 patron, nommé par le Maire de Los Angeles, du tout nouveau bureau dédié à l'industrie du cinéma à LA. D'après Deadline, c'est grâce à lui et à son sens de la diplomatie que Le Loup n'a obtenu "que" le classement R. "je crois que c'est vraiment un film fortement classé R", a déclaré Sherak à Deadline, qui juge le film être "pour adultes". "C'est un film de Martin Scorsese, et quand vous allez le voir, vous savez à quoi vous attendre", s'est justifié Sheral. Les films de Scorsese sont en effet bourrés de flashs de violence et de scandale : la tête dans l'étau de Casino, les coups de couteau des Affranchis, la polémique autour de la représentation de Jésus dans La Dernière tentation du Christ… Le talent de Sherak, habitué de jouer les diplomates en matière de classification de films, a été déterminant pour que Le Loup n'écope pas d'un NC-17, une décision qui aurait sans doute amené des coupes sévères dans le film. Résultat : un an après le très violent Django Unchained, DiCaprio joue de nouveau dans un film classé R qui est bien parti pour cartonner.Bande-annonce du Loup de Wall Street :