Cannes Jour 10
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Tous les jours, le point à chaud en direct du 77e festival de Cannes.

Le film du jour: L’Amour ouf de Gilles Lellouche (en compétition) 

Quinze minutes de standing ovation. Gilles Lellouche a pu savourer hier soir son entrée en compétition qui lui offre un nouveau statut avec cette adaptation d’un roman de Neville Thompson qu’il avait en tête depuis près de 15 ans et que le succès du Grand bain lui a permis de concrétiser. L’histoire d’amour sur près de 20 ans, des années 80 aux années 2000, entre Clotaire et Jackie, un petit voyou intrépide et une lycéenne studieuse, que rien ne pourra jamais totalement détruire en dépit des obstacles et des tragédies mis sur leur route.

Pendant 2h45, Lellouche filme cette fresque aussi romantique que violente, où coup de foudre rime avec coups de poing, avec une générosité débordante à grand renfort de zooms, d’envolées de caméra et de musique omniprésente (d’Yves Simon à The Cure en passant par le "Nothing compares 2 U" version Prince). Un parti pris qui en épuisera sans doute beaucoup mais qui épouse au fond l’énergie inépuisable de personnages tentant d’échapper à un certain déterminisme social, dans ce Nord de la France ouvrier où ils ont grandi. Et c’est cette générosité qui finit par emporter le morceau comme l’interprétation vibrante de ceux qui incarnent Clotaire et Jackie au fil des années, Malik Frikah et Mallory Wanecque d’un côté, François Civil et Adèle Exarchopoulos de l’autre. Un quatuor de choc.

Notre critique de L’Amour ouf

Cannes jour 10 : Gilles Lellouche et ses deux interprètes de Clotaire, François Civil et Malik Frikah
Abaca

La perf du jour : Charlotte Le Bon dans Niki (Un Certain Regard)

Quand elle a eu envie de se plonger dans la vie de Niki de Saint- Phalle après avoir découvert une vidéo d’elle sur l’Instagram de… Juliette Binoche et de lui consacrer son premier long métrage de réalisatrice, Céline Sallette a eu un seul et unique nom en tête pour l’incarner: Charlotte Le Bon. Et au-delà de sa ressemblance assez dingue avec elle, la comédienne livre la composition la plus pleine, la plus emballante, la plus riche de toute sa carrière de comédienne au fil d’un film qui repose entièrement sur ses épaules. Puisque Céline Sallette a pris le parti audacieux et pertinent de ne jamais montrer les oeuvres mais de donner voir Niki de Saint-Phalle se transformer en les créant et en voyant peu à peu remonter à la surface des traumatismes de son enfance. Cannes 2022 avait marqué la naissance de Charlotte Le Bon réalisatrice avec Falcon Lake, découvert à la Quinzaine des Cinéastes. Cannes 2024 marque la renaissance de l’actrice qui, faute de rôles forts, avait fini par en perdre un peu le goût et l’envie.

Niki de Céline Sallette
Cinéfrance Studios et Wild Bunch

Trois questions à Pierre Niney 

Alors qu'il cartonne actuellement dans la série Fiasco, sur Netflix, Pierre Niney change de registre avec Le Comte de Monte-Cristo, présenté hors compétition à Cannes. Dans le numéro Spécial Cannes de Première, l'acteur nous explique son approche pour ce rôle de "super-héros" à la française. 

Première : Avant de jouer dans ce film, que représentait Le Comte de Monte-Cristo pour vous ?
Pierre Niney :
Je l’avais lu jeune. C’est l’un des premiers livres qui a vraiment fait chavirer mon cœur. En le refermant, je m’étais dit que la littérature pouvait être cet endroit d’évasion extraordinaire. Et en même temps, c’était plus qu’un simple roman d’aventures car on avait l’impression d’être plus mature après l’avoir lu. Pour la première fois, en tant que lecteur, j’avais touché du doigt un truc profond sur l’âme humaine, sur ce que l’homme a de meilleur en lui et de plus noir aussi. Mais, pour être honnête, je ne l’avais pas relu depuis très longtemps. Je l’ai fait pour préparer le film et ensuite je ne l’ai plus ouvert et je n’ai travaillé que d’après le scénario.

Est-ce que Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière ont écrit
le scénario en pensant à vous ?

C’est ce qu’ils m’ont dit. Je ne pourrai jamais vérifier. (Rires.) Peut-être qu’un jour, au détour d’un dîner, un acteur me dira qu’il avait été approché avant moi... Ce serait très embarrassant. (Rires.) Mais je leur fais confiance. Honnêtement, le roman est déjà tellement iconique, tellement fort que je pense que le script a surtout été écrit en pensant à Alexandre Dumas !

Iil y a un lien évident entre le cinéma américain et ce film. Monte-Cristo au fond, c’est Batman. Vous l’aviez en tête sur le tournage ?
Oui, on y a pensé. Il y a les masques, le changement d’identité. Les deux ont connu l’injustice. Les deux ont des moyens colossaux pour accomplir ce qu’ils pensent être la justice. Et dans les deux cas, il y a la question de la légitimité : qui a le droit de suppléer la justice des hommes ? Ce que je trouvais excitant, c’était de montrer que, à l’heure où les superhéros continuent de cartonner aux États-Unis – même si ça s’essouffle un peu –, on a aussi les nôtres. La différence, c’est qu’ils sont européens donc plus cabossés, plus proches du diable, plus ambigus.

Cannes jour 9 : Et Pierre Niney a ensuite embrassé la foule !
Abaca

Le mot du jour : Fotogenico (ACID)

Quel beau mot, Fotogenico. Ça rappelle ce Dino Risi de 1980, Sono Fotogenico – Je suis photogénique. C’est le titre du film qui faisait hier soir la clôture de l’ACID, co-réalisé par Marcia Romano (scénariste que tout le cinéma français s’arrache, d’Emmanuelle Bercot à Audrey Diwan) et Benoît Sabatier (grande plume de la critique rock hexagonale, qu’on peut lire notamment dans Rock & Folk). Fotogenico raconte la déambulation marseillaise d’un quinqua hagard, parti sur les traces de sa fille, morte un an plus tôt. Entre deux gorgées de côte-roannaise (son carburant), il va faire la connaissance de quelques excentriques locaux (Roxane Mesquida en roller-girl, le grandiose John Arnold en dealer-écrivain fantasque…) et, surtout, découvrir la vérité sur la vie secrète de son enfant. A commencer par ce groupe, Fotogenico, qu’elle avait monté avec une bande de copines… Le film, poétique, allumé, débraillé, à la fois très drôle et super émouvant, est une merveille de film rock funambule, qui a regonflé à lui seul les batteries bientôt à plat de la rédaction de Première dans la dernière ligne droite du festival. Il est porté par un acteur magique, Christophe Paou (L’Inconnu du lac), à la présence lunaire et à l’élégance infaillible, même quand il erre dans la cité phocéenne seulement vêtu d’un slip rouge. Un homme merveilleusement… hum, quel est le mot ? Cinegenico

Fotogenico
JHR Films

La ville du jour : Mumbai dans All We Imagine as Light (en compétition)

"La cité des rêves ? Non, la cité des illusions...", dit l’une des deux protagonistes à sa copine désespérée. Avant d’ajouter : "Tu dois y croire, sinon tu perds la tête..." Les deux femmes décideront finalement de quitter Mumbai et ses trottoirs grouillants. Dans cette ville-monstre, la solitude se vit au milieu de la multitude. Elles iront au bord de la mer où peut-être leurs rêves pourront enfin s’incarner. All We Imagine as Light est la première fiction d’une cinéaste indienne de 38 ans, Payal Kapadia, lauréate en 2021 de L’œil d’Or (Prix récompensant le meilleur documentaire du Festival de Cannes) pour Une nuit sans savoir. All We Imagine as Light s’envisage comme le portrait de la mégapole indienne à travers le visage de deux femmes, deux infirmières malheureuses en amour. Le cinéaste ouvre d’abord son film avec des vues documentaires de Mumbai sur lesquelles elle superpose en voix off le témoignage de quelques-unes de ses habitants. Cela procède d’emblée d’un rapport intime à l’espace. Les sensations de la ville sont palpables. Le travail remarquable sur le son n’y est pas pour rien. L’incarnation, elle, se fera par paliers, comme si la caméra devait d’abord chercher où poser son regard. All We Imagine as Light est bien la promesse d’un ensorcellement.

La vidéo du jour : Noémie Merlant

Venue présenter son deuxième long-métrage en tant que réalisatrice, Les Femmes du balcon, en séance spéciale, Noémie Merlant nous raconte ses souvenirs cannois, à commencer par sa première venue au Festival alors qu'elle était encore mannequin et rêvait de devenir actrice... 

Aujourd’hui à Cannes

La Plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius est le premier film d’animation du cinéaste d’OSS 117 - et le premier en compétition pour la Palme depuis Valse avec Bachir en 2008. On a écrit avec pudeur que le réalisateur a connu des "fortunes diverses" à Cannes (The Search, Coupez !). Est-ce que ce conte où des bûcherons recueillent un bébé jeté d’un train pour les camps de la mort va renverser la vapeur ?

Le premier événement du jour, c’est la masterclass de George Lucas, la veille de la remise de sa Palme d’or d’honneur. Le réalisateur, présent à Cannes avec son premier long THX 1138, n’était pas venu sur la Croisette depuis La Revanche des Sith en 2005. Est-ce que son vieux pote Coppola sera dans la salle ? On vous tient au courant…

Le deuxième événement, c’est la projection des Graines du figuier sacré, le nouveau film de Mohammad Rasoulof qui raconte le dynamitage de l’intérieur d’une famille iranienne pendant les manifs "Femme, vie, liberté". Énorme attente en soi suite à ses deux derniers bangers (Un homme intègre et Le Diable n’existe pas), mais surtout à cause de l’actu du cinéaste, condamné à de la prison et du fouet en Iran et qui s’est exilé pour venir à Cannes présenter son film. Énorme attente - du film comme de l’artiste.