Elio Pixar
Pixar

Après le départ d'Adrian Molina sur Coco 2, les deux réalisatrices ont repris les rênes d'Elio, l'histoire d'un garçon obsédé par l'espace qui découvre une utopie galactique avant de réaliser que sa vraie place est sur Terre. A l'occasion de la présentation du film à Annecy, rencontre avec deux cinéastes pas comme les autres.

Comment décririez-vous l'univers d'Elio ?

Domee Shi : C'est une aventure spatiale de science-fiction sur ce garçon obsédé par l'espace qui rêve d'appartenir quelque part dans l'univers, mais pas sur Terre. Quand son rêve se réalise, il découvre cette espèce extraterrestre incroyable qui vit dans le Communivers - c'est comme l'ONU spatial ! Une utopie idyllique où tous les aliens, peu importe leur origine ou leur espèce, travaillent ensemble en harmonie. Ils s'entraident, se soutiennent, vivent ensemble. Pour lui, c'est le paradis personnel. Mais il y a des conditions cachées, et toute l'histoire tourne autour de sa prise de conscience qu'il appartient finalement à la Terre.

Adrian Molina a initié le projet. Comment avez-vous pris le relais ?

Domee Shi : Adrian avait développé l'histoire pendant quelques années, en s'inspirant de sa propre expérience - sa mère travaillait dans l'armée, comme celle d'Elio. Mais il a dû passer sur un autre projet prioritaire, il a été annoncé comme co-réalisateur de Coco 2. Il nous a fait confiance, à Maddie et moi, pour l'aider à terminer le film.

Madeline Sharafian : Ce qui est génial, c'est qu'on était toutes les deux sur le projet depuis sa création. Adrian s'inspirait de ce sentiment d'être un enfant vraiment bizarre en grandissant - on a toutes les trois vécu ça. Quand Elio arrive dans le Communivers, Adrian compare ça à l'arrivée à l'école d'animation pour la première fois : soudain, tu es entouré de gens qui te ressemblent ! Adrian et moi, on a fait CalArts, Domi a fait Sheridan. Ce sentiment, on s'y connecte toutes les trois. Je ressens encore ça en travaillant chez Pixar.

Pixar serait donc une communauté alien pour le reste du monde ?

Madeline Sharafian : Ça y ressemble ! Des gens merveilleux et bizarres, tous au même endroit, avec une douceur partagée et un désir commun d'amélioration.


Domee, comment avez-vous abordé cette transition quand vous avez pris la direction ?

Domee Shi : Maddie et moi, on a immédiatement cliqué et on a super bien travaillé ensemble comme co-réalisatrices. Elle était responsable story sur Red, on avait déjà collaboré. On partage beaucoup de goûts et d'humour. On a fait équipe sur tout le film. C'était unique pour moi de reprendre un projet en tant que réalisatrice au lieu de le commencer from scratch. Mais je me suis immédiatement connectée à Elio. J'étais aussi cette gamine bizarre fan d'art au lycée, vice-présidente du club anime - un club de deux membres ! Quand je suis arrivée à l'école d'animation puis chez Pixar, c'était : "Mon dieu, j'ai trouvé mes gens !" Je ferais tout pour rester ici, même mentir sur moi-même. C'est le cœur du problème d'Elio : il fera tout pour appartenir quelque part. Mais il réalise qu'il doit juste être lui-même pour attirer l'amour qu'il désire tant.

Le film semble rendre hommage à Contact de Zemeckis...

Madeline Sharafian : On voulait vraiment que ce film soit une lettre d'amour à la science-fiction ! On a référencé ces films dans l'intrigue, mais aussi visuellement. Notre directeur photo Jordan Rempel s'est plongé dans cette atmosphère brumeuse d'E.T. et Rencontres du troisième type, en essayant de la recréer avec notre esthétique Pixar. Ça crée cette empreinte visuelle riche et unique qui ajoute de la gravité et un facteur nostalgie au film.

Domee Shi : Ce qui m'a inspirée dans Contact, c'est cette représentation positive du contact alien, cet espoir de pouvoir créer une connexion avec des êtres différents. Beaucoup de films de science-fiction dépeignent les aliens de manière effrayante, comme des antagonistes. Mais Contact, E.T., ces classiques montrent l'aspect positif de la connexion avec une créature très différente de vous. C'est ce qu'Elio vit quand il rencontre Gordon.

Est-ce plus difficile de reprendre un projet qui n'était pas le vôtre au départ ?

Domee Shi : C'est juste différent. Maddie et moi, on a travaillé comme storyboard artists sur plein de films Pixar. La beauté des films Pixar, c'est qu'ils sont pour tout le monde et il y a un thème universel dans chacun. Quand tu travailles sur un film Pixar, tu trouves inévitablement une connexion émotionnelle avec un aspect de l'histoire. Même si tu n'es pas un garçon de 11 ans enlevé par des aliens, tout le monde s'est senti seul, tout le monde a eu l'impression de ne pas avoir sa place. Et tout le monde est excité par l'idée d'aliens dans l'espace !

On a rencontré Michel Gondry à Annecy !

Vos derniers films comme Elemental ou Red parlaient intimement de l'expérience des réalisateurs. Continuez-vous cette approche avec Elio ?

Madeline Sharafian : Même si ces personnages viennent d'Adrian, Domi et moi on a trouvé nos propres façons de se connecter. Je me reconnais vraiment dans Olga, cette perfectionniste coincée - personnalité difficile quand tu réalises un film ! Regarder son expérience d'élever Elio, ce gosse inadapté qu'elle ne comprend pas... Elle n'était pas préparée à la parentalité, mais en regardant sa transformation, je revois ma propre transformation en faisant ce film.

Parlez-nous du design des aliens et du Communivers...

Madeline Sharafian : Harley Jessup, notre chef décorateur, s'est inspiré de la photographie macro - ces photos de la nature terrestre, cellules, petites bactéries. Gordon s'inspire d'un tardigrade ! Même sur Terre, il y a des trucs complètement bizarres. Il aimait ce contraste saisissant entre la Terre et le Communivers. Elio grandit sur la base aérienne de Montez, où tout est structuré, monochrome, et il est la seule bizarrerie vert fluo. Puis au Communivers, tout devient organique, coloré, en mouvement permanent. Même si c'est technologiquement avancé, la technologie a toujours quelque chose de gluant, de malléable. Ça doit vraiment exploser tes sens quand tu arrives !

L'univers rappelle Soul ou Vice-versa...

Domee Shi : Une des plus grandes forces de Pixar, c'est créer des mondes ! Le Communivers est particulièrement immense - c'est une planète entière. On peut mettre une caméra et voler à travers comme dans un vrai lieu physique. Ça fait trois kilomètres de large ! Ils ont fait un boulot si réfléchi : ça ne fait pas que paraître cool, c'est fonctionnel. Des espèces de toutes formes, tailles, à sang froid ou chaud peuvent y vivre. Harley l'a conçu avec différentes sections aux climats variés. Quand Elio arrive, tu comprends immédiatement pourquoi il se dit : "Je ferai tout pour rester ici !"

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Comment vous inscrivez-vous dans l'héritage visuel Pixar ?

Domee Shi : On approche chaque film par ce qui aide à raconter l'histoire, à entrer dans l'esprit du personnage principal. Chaque couleur, chaque design doit soutenir l'histoire du personnage. Dès le début, on avait cette sensation de "deux mondes" : sur Terre, dans sa vie normale et triste sur la base militaire, on désature les couleurs, on ajoute des textures réalistes plus nettes pour qu'il se sente mal à l'aise. Puis dans l'espace, on explose l'audience avec les couleurs et les formes !

Madeline Sharafian : Nos animateurs adorent les défis maintenant ! Avec les aliens, ils ont travaillé avec des personnages qui ont des limitations. Gloodon a neuf pattes, pas d'yeux - juste des oreilles, des moustaches et une bouche gigantesque terrifiante. Nos animateurs sont devenus des acteurs si avancés qu'ils adorent ça : "Génial, un personnage sans yeux ni sourcils !" C'est l'héritage Pixar : tirer des émotions de personnages compliqués, comme Hank la pieuvre dans Le Monde de Dory, ou Wall-E.

Le rôle des femmes réalisatrices prend de l'importance chez Pixar. Comment cette diversité enrichit le studio ?

Domee Shi : C'est vraiment inspirant de voir des réalisatrices comme Maddie et Carrie Hopson co-réaliser Win or Lose, notre première série originale. J'étais fan de leur travail avant même Pixar ! Ça montre que Pixar a toujours voulu raconter des histoires formidables et uniques. Comme dans Ratatouille : "Tout le monde ne peut pas cuisiner, mais un grand chef peut venir de n'importe où." Le studio croit vraiment à ça ! Quand j'ai pitché Bao comme court-métrage, ils acceptaient les propositions de tous les employés. Pete Docter est un leader formidable : il a une étoile du Nord claire, il fonctionne à l'émotion, mais il crée aussi un espace où n'importe qui peut proposer une idée folle. Une grande idée peut venir de n'importe où - on y croit vraiment chez Pixar !

Le casting vocal très star d'Elio

Réalisé par Madeline Sharafian (réalisatrice du court-métrage Mon Terrier), Domee Shi (réalisatrice du court Bao et de Alerte Rouge) et Adrian Molina (scénariste et co-réalisateur de Coco), Elio sortira le 18 juin 2025 dans les salles françaises.