Joe Dante Gremlins Annecy
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Le réalisateur des deux premiers Gremlins se confie sur ce préquel et sur sa carrière de réalisateur en pause malgré lui depuis de nombreuses années.

En sommeil depuis 1990, la franchise Gremlins est enfin de retour avec Secrets of the Mogwai, série d'animation HBO Max en forme de préquel, qui se déroule en 1920, à Shangai. Dans le premier épisode projeté au festival d'Annecy, on croise bien entendu Gizmo mais également le tout jeune Sam Wing (le futur M. Wing, l'antiquaire du premier Gremlins). Clairement à destination des 8-12 ans (les fans hardcore risquent d'être déçus), Secrets of the Mogwai devrait être une sorte de road-trip à travers la campagne, avec à chaque épisode des monstres et esprits différents, issus du folklore chinois. Rencontre avec Joe Dante, réalisateur des deux long-métrages Gremlins et consultant sur la série.

Durant la présentation de la série animée Gremlins : Secrets of the Mogwai, vous vous êtes dit « jaloux de n'importe quelle personne qui a un boulot ».
Et j'étais 100 % sérieux, je ne déconnais pas. Je suis très fier d'être associé à cette série, j'ai eu de la chance qu'ils veuillent de moi. Les gens me demandent tout le temps si je vais bosser sur un nouveau Gremlins. Mais Secrets of the Mogwai, c'est Gremlins 3 !

C'est devenu si compliqué que ça pour vous de tourner des films ?
Disons que je n'ai ni le bon sexe, ni le bon âge, ni la bonne origine ethnique (Rires.) Donc ouais, c'est dur.

Vous pensez vraiment que c'est ainsi qu'Hollywood fonctionne aujourd'hui ?
Oui, bien sûr que je le pense.

Et ça vous rend amer ?
Non. C'est comme ça. A un moment, Billy Wilder n'avait plus de boulot, John Ford non plus. Je suis en bonne compagnie, tout va bien.

Peut-être aussi que ce mélange de comédie et d'horreur qui vous a rendu populaire n'est plus tellement à la mode ?
Oh je crois que c'est l'inverse, non ? C'est au contraire plus populaire que jamais.

Disons que je ne vois pas, aujourd'hui, d'équivalent à des films comme Gremlins ou Piranhas.
Ceux-là, peut-être pas. Mais dès que le premier Scream est sorti, tout à coup Hollywood s'est mis à produire des tas de films méta. Des films sur les films, sur les clichés, les tropes. Et mon Hurlements était le premier à faire ça : les personnages connaissaient l'existence des loups-garous. Dans les autres films d'horreur, il fallait attendre qu'un médecin leur explque le principe, et le public roulait des yeux parce qu'il s'était tapé ce genre de scène un million de fois. Hurlements était conscient de lui-même, et c'est rapidement devenu la norme.

Hurlements ressort d'ailleurs en version 4K.
Oui, je vais à Paris après Annecy pour faire... euh... une présentation du film, je crois ?

Vous l'avez revu pour l'occasion ?
Non, je ne revois pas mes films. Mais je l'aime toujours bien.


De mon côté, j'ai dernièrement revu Gremlins 2, et je dois dire que j'avais oublié à quel point ce film est dingue.
Et c'est pour ça qu'il n'y a pas eu de Gremlins 3 ! Le studio m'avait promis que je pourrais faire ce que je voulais avec cette suite si j'acceptais de la tourner. Je ne me suis pas privé ! J'ai décidé de déconstruire Gremlins et j'ai eu les coudées franches. Bon, après, le studio n'a pas trop aimé le résultat et crois que le scénariste du premier film n'a pas trop apprécié non plus.

Chris Columbus.
Oui, lui (Il réfléchit) Bref, c'était vachement dur de faire une suite après Gremlins 2 : où est-ce qu'on va après ça ? Ils ont essayé pendant des années, ils ont dépensé beaucoup d'argent et le projet est toujours sur une étagère. J'ai lu quelques scénarios. Chris dit que l'une de ses versions est très sombre, qu'il va tuer Gizmo. A mon avis, ce n'est pas franchement une bonne idée... Mais bon, c'est sa franchise, après tout.

C'est quand même beaucoup la votre aussi, non ? Vous l'avez piratée dès le premier volet d'ailleurs : à la base, le scénario ressemblait plus à un vrai film d'horreur qu'à une comédie horrifique.
Le film est devenu ce qu'il est devenu. Mais il est vrai que le deuxième Gremlins était beaucoup plus personnel à mes yeux, alors que le premier n'était qu'un boulot, si vous voulez.

On y retrouve aussi cet humour très cartoonesque qui vous caractérise. Même dans vos films qui n'utilisent pas du tout l'animation, ça transpire.
Qu'est-ce que vous voulez, c'est l'humour que j'aime ! Effectivement, il y a toujours un truc à la Looney Tunes période Frank Tashlin dans ce que je fais. C'est un peu comme ça que je vois la vie, je ne peux pas m'en empêcher.

Vous avez un rôle de consultant sur Gremlins : Secrets of the Mogwai. En quoi ça consiste vraiment ?
Oh, ce n'est pas grand-chose en fait. Des petits conseils, des petits avis, par-ci, par-là, si je remarque un truc qui ne va pas. J'aime à penser que si j'étais producteur de la série, je serais très bienveillant et je les laisserais faire ce qu'ils veulent. Ils me montreraient juste le résultat. C'est peu ou prou ce que fait Steven Spielberg, d'ailleurs. Il jongle avec les franchises et il essaie de trouver le meilleur moyen de les faire vivre. A mon avis, faire un préquel de Gremlins en série d'animation était une façon très futée de contourner tous ces problèmes de script du troisième film qu'ils ont depuis une dizaine d'années. Et puis Steven est vraiment là pour les gars de la série s'ils ont besoin. Ils me racontaient qu'il n'arrêtait pas de dire : « Qu'est-ce que Joe en pense ? » C'est élégant de sa part.

Vous vous parlez encore régulièrement ?
Non, ça fait un moment. On s'est vus au festival de Venise, je crois, il y a quelques années. Je ne sais même plus pour quel film c'était. Mais vous savez, je n'allais pas aux fêtes qu'il organisait chez lui (Rires.) On n'a jamais eu ce genre de relation.

J'en reviens au début de notre discussion, mais j'ai quand même du mal à comprendre comment un réalisateur de votre calibre n'a plus réalisé de long-métrage depuis 2014 (Burying the Ex)...
Déjà, je n'ai plus du tout envie de bosser avec les très gros studios. Ma dernière expérience (NDLR : Looney Tunes: Back in Action) a été trop compliquée. Il y a trop de gens qui sont juste de passage et qui se sentent le droit de vous dire comment faire un film, alors qu'ils n'en ont aucune idée. Moi, j'ai appris auprès de Roger Corman, de Steven Spielberg, des gens qui savaient ce qu'ils faisaient. J'ai quand même tourné Looney Tunes pour Warner Bros avec au-dessus de moi un type qui n'aimait pas les cartoons ! A la fin, tu ne sais plus à qui tu dois faire plaisir, c'est infernal. Donc je dois faire des films indépendants. Mais c'est compliqué de les financer.

Et vous ne recevez pas de coups de fil de Netflix, HBO, Apple et tous les autres ?
Ce n'est pas eux qui t'appellent, c'est toi ! J'ai quelques projets que je tente de pitcher, et la plupart du temps on me répond : « On a déjà un truc comme ça en développement », ou bien « On a déjà fait un film dans ce goût-là l'année dernière ». Il y a des tas de raisons pour qu'un projet ne se fasse pas. Et puis l'industrie est encore plus dingue qu'elle ne l'a jamais été. Parce que l'Amérique elle-même est complètement folle en ce moment.

En France, Gremlins : Secrets of the Mogwai sera diffusée sur Cartoon Network. Aucune date n'est encore annoncée.