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Rencontre à Cannes avec l'acteur belge à l'affiche de Maryland d'Alice Winocour.

Est-ce que tu as lu l’interview qu’on a faite dans Première pour Suite française ?
Non, j’habite en Belgique, je ne vois pas les magazines français.

Tu disais l’amour c’est pas pour les chochottes
Non, en effet. Et ce film là le prouve à nouveau.

T’as toujours ce genre de rôle, de mec amoureux ; de gros balèze amoureux.
Ben ouais, si ça parle pas d’amour, ça parle de quoi ? Et puis l’amour, ce n’est pas forcément dans le sens romantique. Ça peut être dans l’amitié. Si on regarde en profondeur, on trouve toujours de l’amour à la base de tout, je pense. Ou une forme d’amour. Pas dans le sens cucul, comme je disais dans cette interview. Le courage c’est aussi de l’amour, la détermination, la loyauté c’est de l’amour.

C’est d’intensité dont tu parles en fait ?
Non, je parle de toutes ces énergies qui sont constructives, et qui construisent des bonnes choses. Je pense que c’est ça l’amour.

T’as toujours cette intensité folle. Tu serais capable de jouer un rôle qui ne soit pas drivé par quelque chose de très fort ?
Il faut, et j’essaie hein. J’ai fait une comédie, en Hollande. Je voulais faire le con. C’était après Bullhead. Le comédie hollandais qui jouait le vétérinaire me dit « viens, y’a un pote à moi qui tourne un film, et il a deux petits seconds rôles, c’est deux cons, et j’aimerais trop le faire avec toi ». Un peu dans l’esprit des deux garagistes de Bullhead, mais sur un registre comique. On jouait des gitans complètement tarés. Je me dis ouais, génial, j’ai envie de faire ça. Et ce que j’ai découvert c’est qu’après deux jours j’en avais marre. Je trouvais ça cool de faire le golio comme ça pendant deux jours. Mais après j’avais encore 17 jours à faire, et je me suis dis merde, ça me fait chier. Je me suis rendu compte qu’il fallait faire gaffe quand même. 

Y’a quelque chose qui nous a frappés pendant la scène où tu tues le mec dans la baignoire : t’as un truc dans le regard qui est complètement fou. Un peu le regard de Mel Gibson quand il devient dingue.
Je ne vois pas Mel Gibson qui devient dingue. 

L’Arme fatale, Mad Max. T’as vu le nouveau Mad Max ?
Non, pas encore.

Mad Max, ça te parle. T’aimes ces films ?
Dans ce genre là, je crois que c’est bien. J’en ai parlé avec Tom Hardy et il était très content. Il m’a dit « dans le genre film d’action, ça déchire ». Donc si on a envie de voir un film d’action, ce qui ne m’arrive pas très souvent…

Ah bon ?
Ca m’arrive. Et si ça m’arrive et que c’est bien, j’adore.

Mais Mel Gibson, c’est pas un acteur qui t’intéresse ?
Si, je trouve qu’il a fait des bons trucs. Son Hamlett, quand il était beaucoup plus jeune. Même dans les films populaires qu’il a fait dans le temps, L’arme fatale… C’est pas un genre qui me fascine, mais ce qu’il fait là-dedans c’est super bien. Moi je ne sais pas si je saurais le faire. C’est un autre registre.

Mais Mad Max, c’est un personnage hyper intense. Tu pourrais le jouer, c’est un rôle qui t’intéresserait ?
Je sais pas, je sais pas.

T’as un truc dans le regard
Peut-être, ouais.

Le truc du mec qui vrille
Ouais, je pète des câbles parfois, mais c’est pas ça qui m’attire dans ces personnages. Ce que j’aime en fait, c’est l’ambivalence, entre faire peur et être le mec dont le spectateur veut se… euh… comment dire… on veut le… on veut… pas guérir mais…

On veut lui faire un câlin 
Ouais, voilà ! Tu fais peur, et en même temps tu dis viens là, comme un petit animal. J’aime bien ça, je sais pas pourquoi. 

Parce que t’es comme ça en fait
Non non, je suis pas comme ça moi.

Non mais t’as un côté nounours
Oui, moi je suis super doux dans la vie, vraiment. Je ne suis pas du tout comme mes personnages. 

T’as la sensibilité, mais pas la brutalité.
Je peux l’avoir, mais c’est pas dans ma nature ; c’est quand les gens me traitent mal. Là je peux péter les plombs. 

Tu te bagarres ?
Non, je me bats plus. Ca n’a pas de sens. La violence c’est pour les cons. Mais après faut pas se laisser chier dessus. Faut se faire respecter. L’autodéfense je suis d’accord. Mais la violence, non non.

Mais en fait tu es Mad Max
Ah bon ? Non mais la violence c’est pas intéressant. Les gens qui vous mettent dans ces états faut les virer de votre vie, c’est pas bien. Ils vous font faire des trucs qui ne correspondent pas avec votre âme. Ça m’est déjà arrivé hein. Mais ça m’a tellement déstabilisé, je me suis sentie maaal, même si la personne le méritait. C’est tellement destructeur la violence.

C’est la scène à la fin du film, quand tu craques après avoir défoncé la tête du cambrioleur
Oui. En plus Alice (Winocour) ne voulait pas la faire comme ça cette scène. Mais je lui ai dit si, c’est ça, cette violence et cette tristesse, c’est la même émotion, aussi intense, mais sous une autre forme. Ca coexiste. Et donc c’est à ce moment là que ça doit se passer, qu’il doit craquer. Dans le scénario, il tue le mec, ça coupe, et on le retrouve le lendemain dans sa chambre en train de pleurer. J’ai dit à Alice « mais c’est nul comme concept ». Parce que ça coexiste, et faut que ça se passe là. Je l’ai suppliée de laisser tourner la caméra, sinon j’allais défoncer le plateau. J’étais totalement convaincu de la justesse du truc. Mais elle aussi elle défendait son idée, donc on s’est battus. Gentiment hein, en tout amitié, c’est un processus créatif. On s’engueulait, mais après on se prenait dans les bras. C’est de l’amour, mais on s’engueule.

Interview Vanina Arrighi de Casanova et Gaël Golhen

Maryland d'Alice Winocour avec Matthias Schoenaerts, Diane Kruger, Paul Hamy était présenté à Un Certain regard à Cannes.