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Pour fêter 2010, tous les jours jusqu'au 31 décembre, Premiere.fr revient sur l'année cinéma avec ceux qui l'ont faite. Aujourd’hui, c’est le cinéaste Pascal Chaumeil qui s’y colle !Par François Grelet"En France on a presque tout oublié de notre savoir-faire." Bonjour Pascal. Alors c’était bien 2010, hein ? Super année. Succés public et critique. Ca ne m'arrivera sûrement plus jamais. Alors je savoure là, tranquillement. C’était une commande non, l’Arnacoeur ? Ouais, mais j’aime pas trop le distinguo qu’on fait ici entre commande et cinéma d’auteur. Je ne suis pas à l’origine du film mais je me suis tellement impliqué dans ce projet que je ne peux pas l’envisager comme une simple commande. C’est un truc bien français de créer ce genre de cloisonnement. Mais vous avez bien été casté parmi d’autres réals par les producteurs ? Oui, voila. D’ailleurs il y avait parmi ces “candidats”, des metteurs en scène qui, eux, avaient fait autre chose que de la télé. Donc je ne pensais pas faire long feu sur le projet. Ils ont dû aimer mes idées sur le script, qui, à l’époque, était loin d’être fini. Un peu malgré lui, le film a mis en perspective la médiocrité accablante du niveau de la comédie française et...Qu’est ce que vous voulez dire par là ? … Le film a réussi un accueil public et critique délirant, comme un véritable objet d’exception. Mais la vérité, c’est que, si l’industrie faisait bien son travail, des comédies françaises comme L’Arnacoeur, il devrait y en avoir une par mois. Vous voyez ?Ah. Je ne sais pas si je dois bien le prendre ce que vous me dites là... Mais au fond, je suis un peu d'accord avec vous. Pour moi, le film a quand même un truc en plus. Un truc un peu magique, qui n’en fait pas qu’un simple objet de pure manufacture, ce sont ses acteurs. Mais c’est vrai qu’en France on a presque tout perdu de notre savoir faire, de notre capacité à confectionner du cinéma populaire. Et mon obsession pour mon premier long métrage de cinéma, c’était justement de livrer un objet avec de belles finitions. Combien à coûté le film ?Aux alentours des 8, 9 millions. Mais tout l’argent est à l’écran. Après c’est une question de choix. Je voulais des beaux décors, de la direction artistique bien glamour, alors pour ça j’ai dû me priver de mouvements de grue ou de steadycam. Il fallait juste se poser les bonnes questions, savoir compenser, doser certains trucs. Avoir aussi des producteurs, comme les miens, qui ne pensent pas qu’à leur marge, mais plus au standing du film. Bon d’ailleurs, ils ont bien fait de s’en soucier puisque maintenant ils sont riches, ahahah. Un succès comme L’Arnacoeur peut servir de nouvelle matrice justement. Alerter les producteurs sur l’importance de la direction artistique, au soin qu’il faut accorder aux costumes, aux décors, aux accessoires... Je rêve, là? Oui, complètement. On est dans un milieu où on veut le plus d’argent, le plus vite possible. Alors on préfère faire des comédies qui se passe dans un camping, qui ont l’air d’avoir été tourné dans un état d’improvisation totale, et qu’on facture 20 millions d’euros. Prends l’oseille et tire toi. Bon mon film a eu du succès, mais ça n’a inspiré personne. Il n’a rien remis en cause. Malheureusement. Et sinon, pour vous les grandes tendances ciné de l’année, c’était quoi? Les succès d’Inception et de Social Network m’ont vraiment frappé. Comme si le grand public tirait le signal d’alarme: "y en a marre du nivellement par le bas, offrez nous de la belle ouvrage". Ce sont des films intelligents, lettrés, racés, et qui ont cartonné. C’est beau. Sinon, on dirait que c’est un peu la fin des blockbusters. Ils ont disparu. Il y a peu, mes producteurs dînaient chez des gens d’Universal qui leur disaient que les blockbusters ça ne valait plus le coup, que c’était trop cher, trop risqué, trop tout. Et en France qu’est ce qui a retenu votre attention ? Le succès du Beauvois est salvateur. Vraiment. Tu arrives chez TF1 avec un projet et un cast pareil : les mecs te rient au nez et t’indiquent la porte. Ca fait du bien forcément. Pascal, la question la plus importante de cette interview: votre top 5 2010 ? Bon je suis désolé il va y avoir que des films américains. Allez je me lance. A Serious Man des Coen. Bright Star de Jane Campion, sublime. Mes deux chouchou : Social Network et Inception. Et... et... il en manque un là c’est ca ?... Oui.Attendez... Allez American Trip de Nicholas Stoller. Que je ne voulais pas aller voir, parce que j’avais peur, vu son titre, que ce soit comme Very Bad Trip, et en fait pas du tout. C’est très drôle, très trash, et grosse émotion sur la ligne d’arrivée. C’est vraiment très osé comme film, on ne pourrait jamais faire ça en France. D’ailleurs vu son score au box office US , on ne pourra bientôt plus faire ca là bas non plus. Ah oui merde, ca serait dommage. Bon on parle de vos projets 2011 ? On fait pas un petit top séries-télé avant ? Je vous en prie. Ok alors je voudrais dire aux lecteurs de Premiere.fr qu’il faut absolument voir Bored To Death, super série drôle et étrange avec Jason Schwartzmann et Ted Danson. Je viens d’’acheter le coffret Dvd US et c’est le pied. Sinon Mad Men, sensationnel, mais c’est presque trop commun comme choix non ? Oui. Et donc ce projet 2011? Je peux vous dire que ça s’appelle Vivre c’est mieux que mourir, qu’il y aura dedans Romain Duris et Marion Cotillard, et que ce sera un peu plus délirant et moins romantique que L’Arnacoeur. Même si ca reste une comédie romantique. Et on tourne sûrement à l'automne prochain. Super, merci Pascal. Ok, et n'oubliez pas de couper les moment où j’ai dit du mal de certains films francais, hein. Ok, mais je garde la vanne sur Camping. Très bien. Allez, salut.