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Œuvre magistrale sur les années Act Up, le film de Robin Campillo pourrait bien se retrouver au palmarès.

Cinéaste rare (trois films en treize ans), Robin Campillo n’a pas la notoriété qu’il mérite. La vitrine offerte cette année par le Festival de Cannes devrait la lui apporter, c’est en tout cas ce que laisse augurer l’accueil chaleureux fait à son film et les visages rougis des spectateurs à la fin de la projection presse, ce matin. Il faut dire que le réalisateur français n’a pas failli en s’attaquant à ce grand sujet que fut le combat d’Act Up Paris au tournant des années 80-90 contre l’inertie des pouvoirs publics au sujet du Sida. Campillo légitime cette lutte de tous les instants -jugée à l’époque hostile par l’opinion- sans en négliger les contradictions et les effets pervers. Les actions menées (principalement contre les représentants de l’état et des laboratoires), le film le montre, furent en effet davantage condamnées pour leur violence qu’encouragées dans leur volonté de clarification, ce qui poussa les membres de l’association à se radicaliser. Campillo filme ces tensions au cours d’assemblées générales houleuses ou lors d’une scène édifiante qui voient deux colleurs d’affiches militants se faire insulter par un couple gay au cri de, « arrêtez de nous faire peur avec le Sida ! ». 120 battements par minute est plus largement un hommage aux pionniers et aux défricheurs de toutes sortes qui font passer la cause avant leurs intérêts personnels.

De l’engagement et de l’amour

Si le film n’était qu’une radiographie factuelle, son intérêt serait authentique mais limité. Après un premier mouvement, nécessairement explicatif, il se focalise sur deux personnages : le hargneux -et séropositif- Sean et le romantique Nathan. Leur histoire d’amour naissante se déploie avec une puissance dramatique exponentielle dans un second acte qui raconte à la fois la fin d’une ère –celle des premiers « poz » affreusement atteints- et le début d’une autre –celle de l’espoir, qui reste dans le hors-champ de notre imaginaire. Incarnés par deux jeunes acteurs exceptionnels, Nahuel Pérez Bicayart et Arnaud Valois, ils font basculer le film du général au particulier, de l’universel à l’intime devant la caméra pudique de Campillo. L’émotion culmine lors d’un dénouement admirable qui, sans pathos, prend le temps de mesurer l’intensité de l’histoire d’amour vécue et des luttes à venir. On imagine mal le jury rester insensible à tant de sens et d’humanité.