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Création du mythe
BATMAN : C’est l’histoire d’un petit garçon qui assiste, traumatisé, au meurtre de ses parents et décide de faire de la lutte anti-crime une affaire personnelle. Le triomphe de l’individualisme vachard dans un monde gangrené par la corruption et le mensonge d’État.SUPERMAN : La trajectoire du fils de Krytpon est celle d’un messie providentiellement tombé du ciel pour nous montrer la voie et nous sauver de nous-mêmes. Créé par deux immigrés juifs de Cleveland, il est le symbole de tous les déplacés de la planète en quête de terre promise.VAINQUEUR : SUPERMAN

Imagerie
BATMAN : Il annonce sa venue en projetant son logo ailé dans le ciel de Gotham, comme un test de Rorschach géant. Il use de la théâtralité et de l’emphase gothique comme de sa ceinture utilitaire ou des leviers
de sa batmobile. Le plus grand showman de l’histoire des comics.SUPERMAN : Modèle d’intégration, Kal-El se fond dans la populace grouillante et souriante de Metropolis (il tire son énergie du soleil !). Le slip rouge, le « S » abdominal et la mèche sur le front ont largement contribué à son image d’indécrottable boy-scout.VAINQUEUR : BATMAN

Symbolique
BATMAN : Batman, créature « sartrienne ». Ou comment un sociopathe bien sapé imprime ses névroses sur la ville qu’il est censé défendre et doit combattre en retour les démons (freaks) qu’il a créés. Quelque part, l’histoire d’un mec qui se bat contre lui-même.SUPERMAN : Tout est dans le costume bleu et rouge. Drapé dans les couleurs de
sa terre d’adoption, Superman défend « la vérité, la justice et les valeurs américaines », à tout jamais synonymes d’espoir, d’idéalisme et de bonne volonté. Des valeurs écornées, tristement désuètes de nos jours.VAINQUEUR BATMAN

Supervilains
BATMAN : Si Gotham est une projection grandeur nature du grain de folie de l’homme chauve-souris, alors les vilains qui la peuplent sont ses enfants, sa responsabilité. Du Joker au Pingouin en passant par l’Épouvantail,
il peut être fier. Personne n’a d’aussi beaux méchants que lui.SUPERMAN : À Metropolis, hormis Lex Luthor, la menace vient toujours de l’extérieur. Les ennemis de Superman sont généralement de lointains cousins extraterrestres aux noms grotesques (Brainiac, Atomic Skull, Mister Mxyzptlk) qui lui renvoient son statut d’immigré à la figure.VAINQUEUR : BATMAN

PolitiqueBATMAN : Soyons clairs : il n’est pas le plus à gauche. Comme l’a si bien dit Alfred, du moins son interprète Michael Caine : « Si Superman représente l’image que l’Amérique veut donner d’elle-même, alors Batman est l’image que le reste du monde se fait de l’Amérique. »SUPERMAN : Avec les années, en passant des mains des auteurs à celles des financiers, Superman a infléchi son sens moral et politique pour devenir une figure d’autorité. À l’origine, dans les yeux de ses créateurs, il était le champion des classes ouvrières. Un superprolétaire.VAINQUEUR : SUPERMAN

Destin comics 
BATMAN : Il est rare de voir deux fans de Batman accorder leurs violons. Signe
de la richesse d’interprétation du personnage et de la profondeur de son œuvre. Il y a le Batman du créateur Bob Kane, celui de Neal Adams,
d’Alex Toth, de Frank Miller, etc. Et ils ne pourraient pas être plus différents.SUPERMAN : Superman pose un problème de fond à tous les repreneurs du titre : Comment injecter du drame chez un être aussi parfait ? Les grandes histoires de « Supes » se comptent sur les doigts d’une main. Et sont généralement signées Alan Moore, dont la plus célèbre : Pour l’homme qui a tout.VAINQUEUR : BATMAN

Destin cinéma
BATMAN : Sept films de cinéma, sans compter les épisodes de la série 60s
 avec Adam West. Impossible de nier la main mise du personnage sur l’industrie. On a toutefois le droit de rester sur sa faim, comme de ne pas adhérer à la version sentencieuse et « superflic » de Chris Nolan.SUPERMAN : Le parrain des superhéros a quand même eu droit au « Parrain » des films de superhéros : Superman, le film (1978), classique révéré dont l’homme d’acier n’a jamais pu se relever. Les échecs qui suivirent témoignent à la fois de sa difficulté d’adaptation et de son vieillissement accéléré.VAINQUEUR : BATMAN

Incarnation
BATMAN : Michael Keaton était trop petit. Val Kilmer trop « gay », et George Clooney trop mal à l’aise. Mathématiquement, Christian Bale l’emporte (il l’a joué trois fois). S’ils ont tous leurs qualités (et leur conception de la « grosse voix »),
aucun n’a su rendre la tâche terriblement difficile pour son successeur.SUPERMAN : Personne ne pouvait jouer Superman (la gravité, la puissance, la candeur) jusqu’à ce que Christopher Reeve y parvienne. Et, sans vouloir offenser Brandon Routh ou Henry Cavill, personne n’a pu le jouer depuis. Parce qu’il faut soi-même être un peu Kal-El (noble, merveilleux, alien) ?VAINQUEUR : SUPERMAN

Pérennité pop
BATMAN : Après le semi-échec de Man of Steel, Zack Snyder n’a rien trouvé de mieux que de mettre Batman dans les pattes de Superman. « Batou » n’est pas seulement plus actuel et pertinent que « Supes ». Il est plus actuel et pertinent que TOUS les autres superhéros.SUPERMAN : Aujourd’hui, le public veut des héros torturés, « anti », méchants, bourrés de défauts... Forcément, « Supes » apparaît un peu anachronique dans ce contexte. Mais on parle quand même de l’homme d’acier, le papa de tous les superhéros ! Captain America fonctionne au cinéma et Superman, lui, aurait du mal ???VAINQUEUR : BATMAN

VAINQUEUR : BATMAN
Après 75 ans d'une domination pop culturelle totale, due en partie à sa formidable capacité d'adaptation (de la ringardise assumée de la série 60's à la noirceur dépressive de la trilogie Nolan en passant par le choc physique des jeux d'Arkham), l'homme chauve-souris continue obstinément de planer au-dessus de nos têtes, comme le reflet déformant d'une société glissante et chaotique en route vers de curieux lendemains. Il n'a jamais été autant à sa place.
 

Combat d’icônes : qui de l’homme chauve-souris ou de l’homme d’acier pèse le plus lourd dans l’inconscient collectif ?

De John Wayne à Don Corleone, le cinéma américain a toujours représenté ses icônes comme point de référence d’une histoire collective qui est celle de l’Amérique elle-même. Batman et Superman, eux, ne sont pas nés sur grand écran mais pourraient difficilement être plus américains. Ils ont vu le jour dans les pages de Detective Comics (futur DC Comics) au carrefour des années 30, ils sont simultanément les produits de l’optimisme béat post-Dépression et de la fin du rêve d’invulnérabilité sur lequel le pays s’est construit. Au fil des décennies, leur impact sur la pop culture a créé entre eux comme un gouffre, qui les fait se tenir aujourd’hui à deux bouts opposés de l’expérience américaines. Deux facettes d’une même pièce. Le jour et la nuit. L’espoir et le désenchantement. L’idéalisme et la peur. Impossible d’y échapper : ces gars-là sont des symboles en puissance. Batman V Superman – L’Aube de la justice, de Zack Snyder, pourrait saisir l’opportunité de croquer un instantané de l’Amérique binaire d’aujourd’hui, écartelée en son centre par une fracture politique profonde. Mais on parie davantage sur un grand spectacle bourre-pif en forme d’engueulade de cour de récré.

C’est qui le plus fort ?

"Avec un Man of Steel on a installé la plomberie. Là, on ouvre le robinet"