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Sorti le 28 octobre dernier, le dernier film de Jean-Pierre Jeunet ne s’est attiré ni la sympathie des critiques, ni celle du public. De la part de la presse, rien de bien nouveau. En revanche, le désaveu des spectateurs est plus inattendu : habitué des gros succès populaires – Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, Un Long Dimanche de FiançaillesJeunet n’a pas attiré avec ses Micmacs à tire-larigot. Pourtant, le réalisateur y manifestait avec un engouement communicatif son amour pour le cinéma, son pouvoir de sublimation de la réalité. Un long-métrage fantaisiste et ludique, à l’image de sa bande originale.Pour ses précédentes réalisations, Jeunet avait fait appel à des musiciens remarquables : Yann Tiersen pour Amélie Poulain, Angelo Badalamenti (Mulholland Drive) pour Un Long Dimanche. Cette fois, le réalisateur a confié la composition à Raphaël Beau, dont c’est la première musique de film. Fidèle à l’univers de que Jeunet crée à l’écran, le musicien a composé des morceaux inventifs et malicieux, entre musique populaire traditionnelle et rythmes mécaniques. Allergiques à Amélie Poulain s’abstenir : au programme, piano et accordéon, ce dernier soulignant l’atmosphère légèrement rétro du film. Ce qui agace tant certains. Et pourtant, le charme opère. Il y a dans le partition de Raphaël Beau une vraie recherche de style : création de sons mécaniques et autres bruitages évoquant la décharge où vivent les joyeux larrons du film. En mêlant des tonalités urbaines et des airs plus traditionnels empruntés aux spectacles populaires, Micmacs baigne dans un mélange de réel et de fantastique.Les morceaux sont ainsi enjoués, décalés, soulignant le contraste entre le sujet du film – le trafic d’armes – et le traitement amusant qu’en fait Jeunet. Les bruitages de plusieurs pistes évoquent clairement des armes et des tiroirs-caisses. Le réalisateur y démontre une fois de plus son goût pour l’artisanal. Même les titres des pistes sonnent Jeunet (« Larrons en foire », « Bazil à la benne »). A côté de la musique de Beau, Jeunet emprunte des thèmes de Max Steiner, célèbre compositeur hollywoodien. Le réalisateur fait en effet de Micmacs un hommage aux films d’actions américains des années 40/50 : la bande originale compte plusieurs morceaux de Steiner, intégrés aux scènes d’action du film. Jeunet aime les clins d’œil, et se réfère à plusieurs reprises à ces films de l’âge d’or hollywoodien, à commencer par le générique.Musique poético-neuneu pour les cyniques, partitions enjouées pour d’autres. Il n’empêche que Raphaël Beau signe une BO qui se révèle, comme son film, authentiquement populaire. D’ailleurs, ce rattachement à la culture grand public est revendiqué, avec Steiner mais aussi avec la présence de deux chansons de Dario Moreno (« Le Marchand de Bonheur » et « Tout l’amour que j’ai pour toi »). A défaut d’être véritablement surprenante, la bande originale est pensée, cohérente, prolongement musical de l’univers du cinéaste.Etienne BoucheEdité chez Milan Music, 17,75 euros