Affiche sorties de films mercredi 23 avril 2022
Warner/ Universal/ Wild Bunch

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
LES ANIMAUX FANTASTIQUES 3 : LES SECRETS DE DUMBLEDORE ★★☆☆☆

De David Yates

L’essentiel

A la ferme, les animaux ? Pas si vite : ce film qui devait remettre la franchise Harry Potter sur les rails n’a toujours pas trouvé la formule magique, mais il rectifie quand même le tir.

C’était le film de tous les dangers : quatre années se sont écoulées depuis Les Crimes de Grindewald. Quatre ans et toute une série de déraillements (échec de la franchise à créer un monde aussi séduisant que celui d’Harry Potter, les propos polémiques de J.K. Rowlin, Johnny Depp remercié par le studio et remplacé en urgence par Mads Mikkelsen…). Et il fait en plus suite à un épisode qui faisait sombrer la saga Potter dans une noirceur abyssale en multipliant les ruminations lourdingues sur la nature du pouvoir.

Heureusement, malgré un début un peu inquiétant à ce niveau- là (on découvre Grindelwald moisissant en prison dans le Berlin des années 30 mais avide de dominer le monde des sorciers), Les Secrets de Dumbledore heureusement très vite le pensum historico-politique pour privilégier l’aventure. On quitte Berlin pour l’Asie Centrale et les sombres tractations politiques pour une course poursuite sur le toit du monde et dans des grottes au design très fantasy

Cet épisode laisse donc plus de place au spectacle et au bestiaire mais souffre d’un problème majeur : la complexité de son intrigue. Conçu comme un film d’espionnage dans un monde magique, Les Secrets de Dumbledore multiplie les embardées incompréhensibles, enchaîne les fausses pistes et les culs de sac, et ne cherche jamais, mais alors JAMAIS, à raccrocher les wagons. 

David Yates fait pourtant ce qu’il peut pour rendre palpitant un épisode qui ne sert que de préparation aux deux épisodes finaux, cherchant constamment le point d’équilibre entre la féérie visuelle, la violence politique, et l’aventure à l’ancienne. Et, dans cette mission complexe, il peut heureusement compter sur deux acteurs au sommet. Jude Law est définitivement fantastique en Dumbledore pendant que Mikkelsen, naturellement moins exubérant que Depp, impose un Grindelwald au machiavélisme plus insidieux, finissant par rendre sa menace beaucoup plus tangible… La magie n’opère toujours pas, mais on progresse.

Pierre Lunn

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

VORTEX ★★★★☆

De Gaspar Noé

Admirateur du Amour de Michael Haneke, Gaspar Noé en reprend aujourd’hui le principe en le délocalisant sur la rive droite. Le XXème arrondissement parisien, celui des intellos précaires et des crackheads, remplace les beaux quartiers. Et le délabrement de la ville alentour, qu’on perçoit par bribes, fait écho à la lente décrépitude de ce couple formé par un vieux critique de cinéma et une psychiatre retraitée, frappée par Alzheimer. Lui, c’est le réalisateur Dario Argento. Elle, c’est Françoise Lebrun, actrice iconique de La Maman et la Putain. Soit les incarnations de deux familles de cinéma, partageant quelques traits communs – la radicalité, la marginalité, le goût de la transgression. L’appartement où ils errent et agonisent est un mausolée de la contre-culture post-68, extraordinaire capharnaüm fait d’objets voués à une disparition imminente, comme les souvenirs de leurs propriétaires. Noé filme ces différentes évaporations en conférant une puissance émotionnelle exceptionnelle à ses expérimentations sur le split-screen, envisageant la vie de couple comme la coexistence de deux solitudes, parfois complices, mais évoluant surtout en parallèle, chacune de son côté de l’écran.

Frédéric Foubert

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A CHIARA ★★★★☆

De Jonas Carpignano

Succédant à Mediterranea et A Chiara, le troisième volet du triptyque consacré par Jonas Carpignano à la petite ville calabraise de Gioia Tauro s’ouvre par une longue scène de fête familiale autour d’un anniversaire, dans le style caractéristique du cinéaste italien, abolissant les murs entre fiction et documentaire. Puis soudain, le silence se fait. Comme un KO debout où le monde extérieur semble ne plus exister. Chiara, cette ado de 16 ans qui donne son titre au film, apprend la soudaine disparition de son père. La joie fait place à la sidération puis au temps de l’enquête pour découvrir que ce dernier est membre d’un cartel mafieux de trafic de drogue. Mais là encore fausse piste : A Chiara n’est pas un film de mafia. Tous les crimes, toute la violence n’existent que hors champ. La caméra reste comme aimantée au visage bouleversé et bouleversant de son héroïne (Swamy Rotolo, saisissante) embarquée dans un récit initiatique à marche forcée. Nulle trace ici de glauque appuyé ou d’émotion forcée, la fluidité de la mise en scène rejoint celle du récit et offre à cette trilogie son meilleur épisode, celui où jusque dans l’emploi de la musique Carpignano a su pousser au maximum le curseur de la fiction sans perdre cet ancrage solide dans la réalité.

Thierry Cheze

 

PREMIÈRE A AIME

LA REVANCHE DES CREVETTES PAILLETEES ★★★☆☆

De Cédric Le Gallo et Maxime Govare

Après un premier film un peu foutraque mais franchement rigolo lorgnant vers un Grand Bain gay, les Crevettes pailletées reviennent en bousculant leur propre formule. La Revanche des Crevettes pailletées met à la poubelle à peu près tout ce qui a fait le succès du premier (la piscine, la compétition…) pour se focaliser sur le groupe, et rien que le groupe. L’équipe de water-polo la plus queer de France rate sa correspondance pour Tokyo, où se déroulent les Gay Games, et se retrouve coincée au fin fond de la Russie, dans une région particulièrement homophobe… 

Touchante quand on s’y attend le moins, cette suite, peut-être plus frontalement politisée dans son message trouve son ton dans une gravité comique d’équilibriste quasi-inédite sous nos latitudes. Le film fait passer ses fantaisies les plus absurdes comme une lettre à la Poste, osant même se transformer pendant un moment en film d’infiltration sous influence bondienne. Mais même dans ses scènes les plus délirantes, La Revanche des Crevettes pailletées est toujours porté par une envie de mise en scène, de sens du cadre, de narration… Pas donné à tout le monde dans le paysage actuel de la comédie française grand public.

François Léger

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LE DERNIER PIANO ★★★☆☆

De Jimmy Keyrouz

C’est une de ces histoires vraies que peu de scénaristes auraient osé imaginer. Ou comment un pianiste syrien sélectionné pour une audition à Vienne va voir ce moment de basculement potentiel d’une vie bousculée par la guerre dans son pays et la haine de toute forme d’art chez les soldats de l’Etat Islamique qui, en détruisant son piano, le contraigne à un voyage incertain pour en retrouver des pièces et le réparer. Pour son premier long (Label Cannes 2020), Jimmy Keyrouz raconte la terreur dans ce qu’elle peut avoir de plus abjecte (un homosexuel balancé d’un toit, les livres qu’on brûle pour effacer l’histoire d’un pays…) mais en assumant pleinement un côté mélo. L’équilibre est fragile, frôle parfois la sortie de route mais ce geste audacieux emporte la mise, aidé par le remarquable travail de la photo Joe Saade dans une Syrie reconstituée dans un Liban en ruines.

Thierry Cheze

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FACE A LA MER ★★★☆☆

De Ely Dagher

On a découvert Manal Issa en 2016 dans Peur de rien de Danielle Arbid où elle campait une jeune Libanaise débarquant à Paris pour tenter d’y trouver une liberté qu’elle n’avait jamais pu trouver dans son pays et de s’y intégrer par sa force de caractère. Dans Face à la mer, le premier long d’Ely Dagher, son personnage vit exactement le voyage inverse. Installée en France depuis des années, elle revient vivre dans son pays natal et tente de se reconnecter avec cette ville de Beyrouth qu’elle peine à reconnaître. Pourquoi était- elle partie ? Pourquoi a-t-elle choisi de revenir ? Ces questions- là planent en permanence sur un récit qui ne cherchera pourtant jamais à y porter de réponses. Car Face à la mer est un film de sensations, pas d’explications. On le vit dans la tête de cette jeune héroïne qui vit cette ville comme une sorte d’espace fantomatique dont les habitants semblent dévorés par une léthargie grandissante pendant que la reconstruction incessante des grands ensembles, privent de plus en plus d’entre eux de vue sur la mer et par ricochet d’horizon. Il y a du Antonioni dans la manière dont Dagher fait ressentir cette ville autant ravagée par les guerres à répétition que par la gestion défaillante de ses dirigeants.

Thierry Cheze

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ALLONS ENFANTS ★★★☆☆

De Thierry Demaizière et Alban Teurlai

De Lourdes à Rocco Siffredi en passant par une création de Benjamin Millepied à l’Opéra, Thierry Demaizière et Alban Teurlai ont le goût de l’éclectisme. Mais en plongeant cette fois- ci au cœur d’un lycée qui ambitionne d’intégrer des élèves de quartiers populaires et briser la spirale du déclassement grâce à la danse hip- hop, le duo continue non sans superbe à tisser ce qui constitue le lien unissant tous leurs documentaires, aussi disparates semblent- ils. Le rapport au corps. Ils mêlent avec une fluidité jamais prise en défaut échanges saisis sur le vif entre profs et élèves, confidences de ces derniers et scènes de danse vécues en immersion. Et le propos se révèle d’autant plus puissamment politique que rien n’est ici martelé. Cet éloge de la mixité, doublé d’un hymne au corps enseignant passe par les images, l’énergie – parfois violente – des échanges et non par le commentaire. Pour un résultat d’une puissance enveloppante.

Thierry Cheze

SOUS L’AILE DES ANGES ★★★☆☆

De A.J. Edwards

Huit ans après sa présentation à Sundance, débarque cette expérience sensorielle proposée par A.J. Edwards: raconter l'enfance de Lincoln par des sensations plus que par des mots et deviner comment elle a fondé l'homme et la figure politique historique qu'il est devenu. L’ombre de Malick (dont Edwards fut le monteur) plane sur ce premier long dans cette manière de donner à voir et écouter la nature - humaine comme terrestre- avec des yeux et des oreilles différentes. Comme si on réapprenait à entendre un rire d'enfant, le torrent d'une rivière ou un arbre fracassé à coup de hache. Pour raconter cette jeunesse marquée par la violence, Edwards a choisi un noir et blanc rugueux et crée le contraste avec les prestations lumineuses de douceur de Brit Marling et Diane Kruger dans les rôles des deux mère et belle mère aimantes. Flirtant parfois avec l'exercice de style, le résultat n'en est pas moins captivant.

Thierry Cheze

ET IL Y EUT UN MATIN ★★★☆☆

De Eran Kolirin

C’est en 2007 qu’on a découvert Eran Kolirin avec La Visite de la fanfare, merveilleuse fable humaniste qui rêvait d’une coexistence pacifique entre Juif et Arabes. Quinze ans plus tard, rien n’a vraiment évolué sur ce terrain- là. Bien au contraire. Mais après deux longs passés sous les radars, Et il y eut un matin marque le retour en forme du cinéaste. L’histoire d’un Arabe israélien installé avec sa famille à Jérusalem qui, pour un mariage, revient dans le village arabe où il a grandi. Sans se douter qu’il va s’y retrouver prisonnier après l’encerclement soudain du lieu par l’armée israélienne. Kolirin manie une fois encore brillamment l’absurde pour raconter le désenchantement et l’épuisement d’une population qui semble avoir abandonné l’idée de voir la paix de son vivant. Comme un complément parfait à la poésie d’un Elia Suleiman sur des thématiques identiques.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

TOUTE UNE NUIT SANS SAVOIR ★★☆☆☆

De Payal Kapadia

Couronné de l’Oeil d’Or 2021 – sacrant le meilleur documentaire présenté toutes compétitions confondues lors du festival de Cannes – Toute une nuit sans savoir, dont le récit se déroule en Inde, s’impose comme un geste cinématographique indéniablement ambitieux mêlant les lettres écrites – et lues en voix off – par une étudiante en cinéma à l’amoureux dont elle est séparée et des images d’archives retrouvées dans un placard de l'Institut du cinéma et de la télévision d'Inde, racontant les manifestations anti- castes d’une partie de la jeunesse indienne et plus largement leur combat pour se libérer de l’exploitation, des crimes et de la pauvreté qui constitue leur comédien. Le résultat, captivant dans ses premières minutes, finit cependant par laisser peu à peu à distance. Comme trop gangréné par sa cérébralité pour tendre la main aux spectateurs. Sa radicalité se révèle ici tout à la fois sa plus grande force et sa plus dommageable faiblesse.

Thierry Cheze

MAX ET EMMY : MISSION PÂQUES ★★☆☆☆

De Ute von Münchow-Pohl 

A chaque période de vacances son dessin animé à destination des plus petits : devinez quand se déroule Max et Emmy : mission Pâques, venu d’Allemagne ? Il n’y a rien à gagner tellement c’est facile, mais sachez quand même que cette courte aventure animée (1h15) montre des jeunes lapins de Pâques protégeant leurs œufs d’une bande de vilains voleurs renards alliée avec un infect lapin renégat. C’est mignon, inoffensif, animé plutôt joliment… Que dire d’autre ? Que le film, suite de L’Ecole des lapins (2017), est signé de la réalisatrice du sympatoche Les Elfkins : Opération pâtisserie, par exemple. Et que le méchant lapin est aussi un streameur diffusant ses (pas très gentils) exploits en live sur Internet, donnant ainsi au film une (petite) occasion de parler du contexte de sa création. C’est déjà ça.

Sylvestre Picard

A L’OMBRE DES FILLES ★★☆☆☆

De Etienne Comar

Etienne Comar aime la musique. Cinq ans après Django, elle se retrouve au cœur de son deuxième long dans lequel un chanteur lyrique renommé en pleine crise personnelle accepte d’animer un atelier de chant dans un centre de détention pour femmes. Et si le cinéaste a su réunir un beau casting (Alex Lutz, Agnès Jaoui et Hafsia Herzi en tête), son film pâtit de la comparaison impossible à éluder avec le récent Un Triomphe où Kad Merad incarnait un acteur en galère qui allait donner des cours de théâtre en prison. Car A l’ombre des filles souffre d’une écriture de personnages trop enfermés dans des archétypes pour ne pouvoir en sortir qu’artificiellement au fil d’un récit manquant autant d’ambiguïté et de surprise, soit précisément ce qui faisait le sel du film de Courcol. A trop vouloir marteler le message qu’il a envie de faire passer, Comar manque en partie sa cible.

Thierry Cheze

APPLES ★★☆☆☆

De Christos Nikou

Cate Blanchett figure au générique de ce premier long-métrage en tant que productrice exécutive. Mieux, l’actrice subjuguée par ce drame dystopique découvert à la Mostra de Venise en 2020 a décidé d’accompagner le grec Christos Nikou, 38 ans, dans ses prochains mouvements (un film avec Carey Mulligan). Apples, c’est l’histoire d’une crise d’amnésie qui secoue Athènes où plusieurs habitant(e)s se retrouvent subitement sans mémoire. L’un d’entre eux accepte de se soumettre à un programme de reconstruction de personnalité et ainsi se fabriquer une nouvelle histoire. Le film distille un burlesque doux au milieu du chaos existentiel. L’apathie du héros toujours en surplomb, devient le moteur émotionnel du récit et les quelques sautes d’humeur sonnent comme des coups de semonce pour un spectateur un brin désemparé pour être emporté.

Thomas Baurez

 

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