Toutes les critiques de La belle et la belle

Les critiques de Première

  1. Première
    par Eric Vernay

    Margaux (Agathe Bonitzer), 20 ans, rencontre Margaux (Sandrine Kiberlain), sa version quadra d’elle-même, qui passe son temps à lui spoiler les futurs épisodes de sa vie avec un naturel désarmant. Sophie Fillières s'amuse de ce pitch de comédie fantastique à la "Peggy Sue s’est mariée" mâtiné de Hong Sang Soo, dans un premier mouvement plein d’allant : dès lors qu’on adhère à la langue anti-naturaliste de la réalisatrice, on tombe rapidement sous le charme de ce ping pong spatio-temporel à la fois très concret et loufoque, véloce, carburant aux syncopes ludiques et autres contre-temps comiques par le biais d’un montage alterné. Hélas, ce bel élan décalé s’essouffle, pour se lover ensuite dans la dialectique plus conventionnelle de la comédie du remariage et du triangle amoureux. Ça reste plaisant à regarder et intelligemment dialogué, mais plus ronronnant dans la mise en scène : les jeux de correspondances et de symétrie sur les couleurs, qui évoluent à mesure que les deux héroïnes se confondent ou reprennent leur place, peinent à redynamiser visuellement un récit émoussé. Restent de beaux numéros d'acteurs (Poupaud, pimpant en playboy entre deux âges - littéralement, puisqu'il hésite entre les deux "versions" de Margaux) et surtout d’actrices : face à la grâcieuse Bonitzer, Kiberlain nous gratifie de quelques désopilantes saillies burlesques. Il faut la voir « danser » impassiblement dans une soirée de jeunes ou ranger un paquet de petits pois congelés à coups de pioche.