Falco

Dans ce grand bazar qu'est la pop music, le génie et le grotesque ont souvent été étroitement mêlés. Mais jamais avec le brio de Falco! Superstar en Autriche, ce chanteur a été de toutes les avant-gardes - des années punk à la techno - et doit probablement être reconnu comme l'inventeur de ce hip-hop dadaïste qui, de Montréal à Berlin, a suivi les pas de Gonzales (Puppetmastaz, Mocky, etc.). Mais son autocomplaisance sans bornes, qui rend tout second degré problématique, fait de chacun de ses titres une perle d'excès et de kitsch. C'est à la fin des années 70 que Falco sort du Conservatoire de Vienne, une instution aussi respectée que... conservatrice! Son tempérament rebelle le fait alors naviguer entre des avant-gardes contradictoires (du jazz-rock au punk) toutes aussi opposées à la carrière classique qui s'offrait à lui. Le temps de trouver se pseudonyme, inpiré du skieur allemand Falko Weissflog, il se lance en solo au début des années 80 et - surprise - connaît un tube mondial en 1982 avec "Der Komissar". Plus ou moins pompé sur "The Magnificent Seven" des Clash, il a le mérite de débarquer dans un paysage musical est encore peu connu, et où la langue allemande est assez exotique... Or Falco, outre ses talents de musicien, se montre un irrésistible tchatcheur, faisant swinguer la langue de Goethe comme personne depuis les Comedian Harmonists! Avec "Junge Roemer" (1984), il retrouve le succès, mêlant ses influences funky et hip-hop à une bonne dose de glam tordu et de pop de Las Vegas. Sur le single éponyme, il va jusqu'à se payer le luxe de chanter en italien une sorte d'opérette en plastique. De toute évidence, il y a pas mal de Bowie, un peu de Scott Walker et beaucoup de dandysme dans sa démarche. Mais très vite, le chanteur décide que le bon goût ne sera pas une barrière à sa créativité.Aussi 1986 est-elle marquée par deux tubes qui traumatisèrent durablement les spectateurs du Top 50 : "Rock Me Amadeus", tout d'abord, un nouvel essai de rap synthétique, fameux pour son clip. Déguisé en Mozart, Falco est porté par des motards moustachus, photographié par des journalistes hystériques et profite de l'occasion pour faire des gestes impolis à la caméra. On ne sait qui fut le plus ridiculisé, du chanteur ou du compositeur, mais l'Autriche est sous le choc. Surtout, Falco sort son slow : "Jeanny", récit mélodramatique de la mort d'une prostituée, avec des choeurs sorties d'une pub pour rasoir à main, des nappes de claviers proches de Desireless et des guitares tragiques à faire pâlir de honte les Scorpions. Il parle, pleure, hurle, imite les présentateurs radiophoniques, bref, tartine plus de guimauve sur son titre que personne ne l'a jamais osé. De nouveau c'est un tube international.Dès lors, Falco a tous les arguments pour aller de plus en plus loin dans la démesure. Outre "Jeanny Part 2 (Coming Home)", "Jeanny Part 3 (Where Are You Now ? )" et "Jeanny Part 4 (Und Wer Fragt Nach Jeanny)", interminables suites conçues sur le même modèle, il s'y emploie en dépassant scrupuleusement les bornes dans tous les genres imaginables : du crooning pop au hard rock surproduit. Dans ce registre, "Wiener Blut", en 1988, fait à nouveau scandale. Dans le clip, riche en hémoglobine, Falco écorne une fois de plus la bonne conscience de son pays natal en rappelant ses accointances avec le nazisme. Néanmoins, au début des années 90, on remarque un essoufflement de sa carrière... ses albums ayant une renommée de plus en plus discrète.En 1998, il retrouve pourtant le chemin du succès avec l'album "Out Of The Dark/Into The Light". Ses oreilles ont traîné du côté de la techno et du nouveau RNB, et il décide de les passer à son inimitable moulinette. Ce qui nous donne "Naked", soufflé porno-chic avec choriste braillarde, "Cyberlove", hymne à l'amour sur Internet ou "Der Komissar 2000", lifting industriel de son vieux tube... Bref, il est toujours égal à lui-même! Malheureusement, ce succès est posthume. En vacances en République Dominicaine, Falco est tragiquement fauché par un bus, à la sortie de son parking, la même année.