The Predator : Une suite pour la blague ? [critique]
20th Century Fox

Cette comédie d’action de Shane Black n’a plus grand-chose à voir avec le film culte de John McTiernan.

En 1987, Predator dépassait son statut initial de sympathique série B grâce à sa construction originale, ses punchlines lancées par un Arnold Schwarzenegger en grande forme, sa violence assumée, et bien sûr sa créature énigmatique, visuellement impressionnante, qui a tellement intrigué les spectateurs qu’elle a eu droit à plusieurs suites et spin-offs donnant plus ou moins de détails sur son origine et ses motivations. En (très) bref, Predator est devenu culte et il a fait des petits, sans qu’aucun d’eux ne parvienne jamais à l’égaler.

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"T'as pas une gueule de porte-bonheur !"
Ce n’est malheureusement pas The Predator qui va changer la donne : que vous veniez pour en savoir plus sur l’extra-terrestre, pour les scènes d’action sanglantes et débridées, pour l’humour de Shane Black ou par nostalgie des années 1980, vous risquez de rester sur votre faim… justement parce que le réalisateur et son équipe n’ont pas réussi à choisir entre toutes ces attentes de fans ! En voulant être tout cela à la fois, cette suite est déséquilibrée : l’histoire part dans tous les sens, et surtout, elle est noyée par des vannes souvent balancées n’importe comment (mention spéciale à celle sur Forrest Gump, qui est drôle en soi, mais tombe comme un cheveu sur la soupe). Sa production a été compliquée (multiples changements de scénario, reshoots, disparition de personnages en cours de route, ajout de blagues...), et ça se ressent à l'écran.

Pourtant, sur le papier, embaucher Shane Black semblait être une bonne idée. Il jouait dans le Predator original face à Schwarzie, a fait carrière à Hollywood grâce à ses scénarios de buddy movies bien ficelés (L’Arme fatale, Le Dernier Samaritain, Last Action Hero…) avant de passer à la réalisation avec Kiss Kiss Bang Bang, Iron Man 3 et The Nice Guys, tous remplis d'un sens du comique de situations savoureux. Sans compter qu’il a fait appel à Fred Dekker, avec qui il a coécrit The Monster Squad, une comédie d'action pour ados de la fin des années 1980 qui transpirait l'amour des monstres.

Sur The Predator, on retrouve en partie leur style : le duo parvient notamment à présenter leur équipe de "cinglés" de manière efficace, et ils ont quelques bonnes idées (la première apparition sanglante de la bête ou l’utilisation détournée du champ de force, par exemple). Ils choisissent aussi comme héros de l’histoire un petit garçon autiste (Jacob Tremblay, la révélation de Room), ce qui fait écho aux précédentes œuvres de Black, où un enfant est souvent le témoin, voire la solution, des problèmes.

Côté mise en scène, Black prend visiblement un malin plaisir à faire couler l’hémoglobine : entre éviscération, empalement ou décapitation, le réalisateur profite pleinement de son statut R-Rated (déconseillé aux moins de 17 ans non accompagnés d’un adulte aux Etats-Unis ; en France, le film écope d’une interdiction aux moins de 12 ans). A l’heure où la plupart des blockbusters sont adoucis pour être estampillés PG-13 (moins de 13 ans) et engranger potentiellement plus de recettes, ce côté défouloir est assez communicatif. Dommage que la chorégraphie des combats soient si brouillonne, rendant une partie des scènes d'action incompréhensibles.

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"On est l’équipe numéro deux, c’est comme la première mais en plus bête"
Le tout est évidemment saupoudré de multiples références à Predator, ainsi qu'à sa suite directe portée par Danny Glover en 1990, en y ajoutant une petite pincée d'humour meta. Si la qualité de de ces (trop) nombreux clins d'oeil est inégale, il se dégage de l’ensemble une ambiance 80’s sympathique, surtout au début, où les blagues "old school" sont totalement assumées. Cet humour à l'ancienne est cependant contrebalancé par un scénario alambiqué et creux (sans spoiler il est question de mélange d'ADN, mais cette idée n'est jamais pleinement exploitée), marqué aussi par une évolution maladroite des personnages, à commencer par la créature. Enfin, LES créatures, puisqu'on peut compter ici sur des chiens Predator, qui auraient pu apporter un plus mais se révèlent rapidement de simples gadgets, et sur un "super-Predator", qui semble surgir directement des films de super-héros actuels (d'ailleurs, le climax à la Iron Man 3 risque de faire hurler les fans). Surtout que la bestiole n'est plus un animatronique rendant hommage à l’original de Stan Winston, mais un monstre en numérique. Sacrilège ! 

A trop vouloir moderniser le concept, Black et Dekker signent un Predator hybride, qui ne ressemble plus vraiment au classique de John McTiernan, mais qui n'est pas non plus sa version "augmentée". Ce serait plus son cousin bourré racontant des blagues à tout va en souvenir de son aîné décédé. Sur le moment, ça parait fun et décomplexé, mais au fond, c'est un peu triste.


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