Blade Runner 1982 - Los Angeles Novembre 2019
Warner Bros.

En 1982, l’acteur et le réalisateur se chamaillaient déjà sur la question du Replicant !

Blade Runner sera une nouvelle fois à l'honneur ce dimanche : Arte consacrera toute la soirée au film culte de Ridley Scott. D'abord en proposant son fameux "final cut" de 2007, à 21h, puis en rediffusant un documentaire sur cet univers initialement imaginé par Philip K. Dick : Blade Runner, au-delà de la fiction.

Une excuse parfaite pour replonger dans les archives de Première, en 1982, quand le magazine consacrait un dossier au futur film culte. 


Sommaire du Première Classics n°1 : Terminator 2, Stanley Kubrick, Trois hommes et un couffin…

En septembre 1982, le film ne pas fait la couverture du numéro (c’est Nastassja Kinski qui est en une), car la rédaction a moyennement aimé le long métrage de science fiction, qui deviendra pourtant culte au fil du temps. Cela n’a pas empêché l’équipe de consacrer un sujet conséquent au projet, composé de photos de tournage et d’interviews du réalisateur Ridley Scott et de sa star Harrison Ford. Best-of.

 
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A la page 7, Jean-Pierre Lavoignat livre une critique mitigée, qui met en avant la beauté visuelle du projet de Ridley Scott, mais regrette que le style prime sur le fond. Extraits : "Comme chaque fois, Scott soigne les décors, les ambiances, les costumes, les lumières, voulant créer à chaque film un univers plastique nouveau (le travail du designer Syd Mead et du créateur d’effets spéciaux Douglas Trumbull est alors salué). Rarement ville du futur aura été aussi bien pensée et réalisée et aura présenté une vision aussi dense. (…) Ridley Scott a tant soigné le décor et les ambiances qu’il en a quelque peu oublié l’histoire et les personnages auxquels pourtant Harrison Ford et trois 'découvertes' : Rutger HauerDaryl Hannah et Sean Young s’efforcent de donner vie… L’écrin est superbe mais… un peu vide, peut-être ?"

 
La genèse de Blade Runner 2049 par son scénariste Hampton Fancher

Un peu plus loin, Henri Béhar aborde justement cette question du fond et de la forme avec le cinéaste, qui, à 38 ans, signe son troisième long métrage après Les Duellistes et Alien. "On a toujours loué votre sens du visuel, tout en soulignant qu’il s’exerçait parfois au détriment de vos personnages et de votre direction d’acteurs", tente le journaliste chargé des rencontres internationales. "On ne me l’a jamais dit en face !, rétorque Ridley Scott du tac au tac avant d’expliquer que dans Alien, cela fait "partie du jeu" : "c’est une variation sur le principe des Dix petits nègres d’Agatha Christie. Intrigue simple, des personnages qui disparaissent l’un après l’autre. Il n’y avait pas de place dans Alien pour une subtile analyse psychologique des personnages." 

Concernant Blade Runner, il concède avoir commencé par travailler sur le visuel du film : "C’est un processus qui me paraît logique", répond-il avant de détailler que le dessin est à l’origine de ses projets (H. R. Giger et Moebius pour AlienSyd Mead pour Blade Runner). Les premières créations du film sont les véhicules : "nous voulions créer une agglomération dense à nationalités multiples, nous allions tourner en studio, je voulais un certain excès dans les véhicules et le trafic, un côté pare-choc contre pare-choc dans des embouteillages monstres et constants." La pluie incessante est également un élément crucial pour créer l’ambiance recherchée par Scott, qui "dérive directement des films de Bogart" dit-il, même si cette idée est transposée dans un monde futuriste. Cela permet aussi d’atténuer le côté "tourné en studio" "Sur un plan pratique, la pluie, le brouillard, les vapeurs qui s’échappent du macadam comme un New York, tout cela lui donne une certaine authenticité."

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Ridley Scott et Harrison Ford réunis en 2017 pour Blade Runner 2049 (avec aussi Ryan Gosling.

Harrison Ford, lui, parle peu de Blade Runner. Il explique rapidement que Rick Deckard est un personnage "complètement différent" de ceux qu’il a joués auparavant, et il est ravi que le public retienne surtout Deckard et pas l’acteur. Il évoque aussi à demi-mots un conflit qui a depuis été largement abordé au fil des multiples rééditions du film (final cut, director's cut etc.) : dès le début, Scott a imaginé son personnage comme un Replicant, alors que Ford l’a joué comme un humain. "Ridley est exigeant, mais pas plus que moi. Il a une vision, qu’il défend, j’en ai une également, et je la défends. Cela conduit à des discussions, puis à un accord sur la conception du personnage et sa place dans l’ensemble du film." 

Blade Runner : Deckard était-il humain ou Réplicant ?

Le comédien revient alors sur son début de carrière, ses quelques figurations, puis sa fameuse reconversion en menuisier-charpentier avant de retenter sa chance à Hollywood. Il est fier de sa filmographie éclectique, de Star Wars à Heroes en passant par Guerre et passion : "Si par étrange vous entendez qu’elle n’a pas une ligne directrice, rigide, c’est exactement ce que je recherchais." 

Il confirme avoir obtenu le rôle d’Indiana Jones suite au refus de Tom Selleck, qui tournait Magnum ("J’ai eu ce rôle par forfait."), et que quand Francis Ford Coppola lui a proposé Apocalypse Now, il a demandé "le plus petit rôle", puisqu’il tournait La Guerre des Etoiles en même temps. A propos de la saga de George Lucas, justement : à l'époque, Han Solo avait été congelé à la fin de L'Empire contre-attaque, mais on ne savait pas encore comment il reviendrait dans l’épisode suivant, alors intitulé "La Revanche des Jedi". "On me dégèle, spoilait-il alors. Afin que je puisse parler. Vous ne pensez pas qu’ils me payent des sommes aussi royales pour demeurer immobile avec une unique expression sur le visage ?"

Quand Première racontait "L’apocalypse de Francis Ford Coppola"