Sébastien Vincent

La France, Les Visiteurs 3, les triomphes, les ratés, son génie comique éternel : entretien fleuve (et effectivement compliqué) avec Christian Clavier

A l'occasion de la rediffusion des Visiteurs 3, sur TMC (la chaîne boucle ainsi la diffusion de la trilogie), nous repartageons notre long entretien avec Christian Clavier, qui était en couverture du n°469/470 de Première, en avril 2016. Flashback.

Les Visiteurs : La Révolution, testament comique

Première : En arrivant sur le shooting photo, vous me disiez que cela faisait quarante ans que vous n’aviez pas fait la couverture de Première.
Christian Clavier : Oui, j’aime m’amuser avec les gens de la presse, j’aime vous taquiner, vous le savez bien. C’est bien de vous solliciter un peu, vous ne trouvez pas ? Mais par ailleurs, je ne règle pas de comptes. Sinon je n’aurais pas dit quarante ans, j’aurais dit... combien ? Vingt-trois.

C’est amusant, parce que notre première idée pour cet entretien, était celle du come-back. Humm... Vous en pensez quoi ?
Que ça va être compliqué si on commence l’interview de cette manière, parce que je n’ai pas ce genre de regard-là sur mon parcours. Il y a des hauts et des bas dans toutes les carrières. Des hauts, des bas, pourquoi pas...

Pourquoi avez-vous mis vingt ans à faire Les Visiteurs 3 ?

Après la version américaine qui ne nous avait pas beaucoup plu, on s’est arrêtés. On n’y a plus pensé et on est passés à autre chose, Jean (Reno) comme moi. Il nous fallait une bonne idée. On tournait depuis longtemps autour de la Révolution. Ce moment où, dans le rapport entre maître et esclave, la société bascule. Le premier film abordait l’arrivée des personnages dans le monde moderne, avec Godefroy déçu de voir sa descendante mariée à un gueux. En réfléchissant, je me suis dit que ce serait intéressant de se demander à quel moment le gueux prend le château. Quand on a eu cette idée, on a senti que cela valait le coup de faire le 3.

Votre rapport aux Français est très particulier et on sent que c’est ce 
qui vous plaît par-dessus tout.

Oui. J’ai toujours adoré interpréter des Français. Je suis passionné par le regard ironique, critique et extraordinairement empathique que j’ai sur eux – et qu’ils ont sur moi. C’est un aller-retour. Il n’y a rien de prétentieux dans ce que je vous dis. C’est mon rapport au public. Cela dit, il y a de plus en plus de monde à l’étranger qui apprécie ces films. Les Visiteurs a été relancé par l’extraordinaire succès de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? sur le marché international. Le public allemand, grec ou italien a le même type de relation avec mes personnages que les Français. La comédie française, très française, fonctionne ailleurs.

Comment expliquez-vous que vous dépassiez ainsi les frontières ?

Dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, Claude Verneuil, mon personnage, est très « centre de la France » et, en même temps, sa problématique est universelle. Le rapport du patron et de l’employé se retrouve partout. Mais c’est bizarre. Je trouve votre question curieuse. J’ai l’impression que vous avez un point de vue drôlement réducteur sur les Français. Et sur notre pays. Je peux me tromper mais je ne crois pas... Qu’on parle de ses valeurs, de ses principes, de son histoire ou de sa culture, la France a un rayonnement très important. Ce n’est pas surprenant qu’un personnage français fonctionne à l’étranger. Je trouve votre étonnement amusant, parce que j’ai l’impression qu’il traduit un complexe vis-à-vis de ce que nous sommes. On a vendu le film dans le monde entier simplement parce qu’on l’a appelé Bastille Day.

« Quand un film fait 10 millions d’entrées, vous pensez sincèrement qu’il n’est pas apprécié ? » 

C’est vrai, on pensait que vos personnages pouvaient être difficiles 
à comprendre hors de France. Et puis...
 il y a eu l’expérience douloureuse des Visiteurs en Amérique...

Oui, mais c’est autre chose, c’est Hollywood. John Hughes s’est trompé. Les gens des studios viennent vous voir, ils sont charmants, ils vous séduisent, et puis derrière... Je leur ai tout de suite demandé : « Pourquoi me faire jouer dans ce film ? Je ne suis pas assez connu aux États-Unis. » On m’a répondu : « Vous savez, Mr Hughes n’a pas besoin d’un acteur célèbre pour que ça marche. » Mais ils ont fait un tas de changements qui ont fini par détruire le film – on ne peut pas avoir les dents sales, on ne peut pas utiliser cette perruque... Le rapport professionnel avec eux est extrêmement dur : ils sont les patrons, point à la ligne.

 

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Les Visiteurs 2 a été un succès en quelque sorte, mais aussi un caillou dans la chaussure. C’est à partir de là qu’est née votre marionnette dans Les Guignols. La « Claviermania » bat son plein, mais pas pour le meilleur...
Pourquoi « en quelque sorte » ?

C’est sûr, il a fait 8 millions d’entrées, mais...

Et ce n’est pas un succès, ça ?

Si, si mais le nombre d’entrées n’est pas le seul critère. Regardez Les Bronzés 3...
Je sais ce que vous allez me dire. C’est fou. J’ai l’impression que vous n’aimez pas le cinéma populaire. Ce n’est pas un procès d’intention, je trouve cet avis... respectable, entendez bien, mais disons amusant. Vous alliez me dire que Les Bronzés 3 n’a pas été apprécié ? Quand un film fait plus de 10 millions d’entrées, vous pensez sincèrement qu’il n’est pas apprécié ? Comme vous ne l’aimez pas, votre goût supplante la réflexion objective. Je ne dis pas qu’il s’agit d’un film sans défaut et je suis prêt à en parler. J’ai toujours une vision très critique de ce que j’ai fait. Mais je crois profondément que quand un film rencontre le public, il fonctionne. Votre goût transparaît trop ici. Et c’est un problème car cela devient compliqué de parler avec vous de manière objective.

Mais c’est un procès en élitisme...
Je n’ai pas employé ce mot, bizarrement c’est vous qui l’utilisez.

Quand vous dites qu’on n’aime pas 
le cinéma populaire, c’est bien ce que vous impliquez, non ?

Non, je suis sûr que vous aimez le cinéma populaire américain.

Mais le français aussi !
Alors c’est bien de le dire. En tout cas, une grande partie de la profession sera contente de l’entendre... Bon, je vous écoute. Vous savez, beaucoup de gens trouvent que c’est compliqué de m’interviewer et c’est pour cela qu’en général j’évite de le faire. Je ne cherche pas à brutaliser les gens, mais on n’est jamais sur la même longueur d’onde. Vous avez l’air sympathique, je ne vous connais pas et je n’ai rien contre vous. Mais vous pouvez essayer de me convaincre de votre opinion ?

On adore le premier Visiteurs parce qu’on trouve le film très cadré.

« Cadré » ? Je ne comprends pas. Il faut m’expliquer là.

« Vous m’ennuyez »

La relation entre le binôme...
Vous êtes vraiment hypercompliqués, les mecs. « Cadré par rapport au binôme. » Qui va comprendre ça, sérieusement ?

Ce qu’on veut dire, c’est que vous vampirisez Les Visiteurs 2 ; le film devient un one-man-show Clavier...

Non, non, non.

 

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... Alors que Les Visiteurs était un film
 de personnages.

Alors vous serez contents du 3. J’ai toujours adoré ces films français dans lesquels il y a des premiers rôles, des deuxièmes rôles, des troisièmes rôles... Tout est tenu, tout le monde est parfait et forme une troupe formidable. Voilà ce que je présente au public, le reste ne m’intéresse pas. Ce n’est pas que je n’aime pas vos questions, c’est que je ne les comprends pas. Vous essayez de me faire dire quelque chose... et je ne le comprends pas. Ou je le comprends peut-être trop bien. Ce n’est pas un rapport simple. Vous avez une démarche directive et je me retrouve du coup un peu démuni.

Là, c’est plutôt nous qui le sommes...
C’est faux ce que je dis ? Est-ce que je me trompe complètement ? Je suis prêt à l’entendre si c’est le cas.

Eh bien on voulait parler des évolutions de votre carrière, de votre rapport au public et de l’alternance entre amour et désamour... Mais, aïe, maintenant vous hochez la tête...
Pardonnez-moi, j’ai oublié ce que vous me disiez, c’était trop long. Écoutez, il va falloir qu’on change de braquet parce que sinon ça ne va pas le faire. Et on ne fera rien. Donc rattrapons-nous ensemble. Faisons une page blanche, passons à autre chose. Parce que là, vous m’ennuyez. Dans le sens boring, scolaire.

Nous, on est au bord de la crise d’angoisse...

C’est parfait. On est en fragilité, il peut enfin se passer quelque chose. Qu’est-ce que vous avez envie de me demander ? Mettez-vous à l’aise. Oubliez ce que je vous ai dit. Je me suis trompé. Vous adorez ce que je fais ? Vous êtes 
ravis de m’interviewer ? Allons-y. Je 
ne plaisante pas, je vous le dis sincèrement. N’ayez pas peur. Laissons les problèmes d’ego. Essayons de faire
 un entretien sympa pour les lecteurs.
 Qu’ils se disent « OK, voilà pourquoi
ce type fait ce qu’il fait. » Qu’est-ce
 que vous avez envie de me dire ? Que 
vous n’aimez pas la deuxième partie
 de la carrière de Jean-Marie Poiré ?

Mais non... On trouve simplement 
qu’il filme différemment.

Non, il ne filmait pas différemment, il montait différemment. La nuance est importante parce que sur le plateau, cela ne changeait rien pour moi en tant qu’acteur. Jean-Marie a toujours filmé de cette façon. Depuis Le Père Noël est une ordure, il a toujours fait trois fois plus de plans que Patrice Leconte, par exemple. Moi, j’ai la même énergie avec Patrice et Jean-Marie. Croyez-moi quand je vous dis que je suis au service du metteur en scène. Je ne fais un film que lorsque je suis persuadé qu’il est client. Je vais me mettre à nu. Les scènes d’amour sont sans doute très difficiles à tourner, mais faire rire, accepter d’être ridicule demande beaucoup d’absence de pudeur. Si la personne qui est en face de vous est bienveillante, vous allez faire les choses d’autant mieux. C’est uniquement à cela que je m’attache quand je joue. Maintenant, quand j’écris, je suis plus raisonné, plus « cadré » comme vous dites. Mais je suis un acteur totalement instinctif, un acteur de troupe. Je ne cherche pas à me mettre en avant, je ne souhaite pas faire la une, j’essaie d’être le moins people possible, d’emmerder les gens le moins possible avec mes opinions mais, par-dessus tout, je suis absolument fou de ce métier. C’est pourquoi j’ai été incroyablement séduit par John Hughes quand je l’ai rencontré et incroyablement déçu par la fréquentation de cet homme seul, erratique et totalement paranoïaque. Comme d’autres acteurs, j’ai tenté le rêve américain et cela m’a échaudé. Tant pis. Pour revenir à votre question, avec Jean-Marie on a eu besoin de faire une pause. On avait l’impression qu’on allait être redondants par rapport à ce qu’on faisait depuis Le Père Noël... J’ai collaboré avec d’autres metteurs en scène, qui ont porté un nouveau regard sur moi, m’ont amené à déployer une énergie différente... Il y a eu des hauts et des bas, et des gros bas et des très gros hauts. Et donc à un moment, je me suis dit : « Et si on faisait Les Visiteurs 3 avec la Révolution. » Mais c’est l’auteur qui s’est branché à ce moment-là, pas l’acteur. Et maintenant ? Ça va mieux, vous êtes plus détendus ? Posez-les moi, vos questions.

« Si je ne vous fais pas marrer, j’arrête »

Vous cloisonnez vraiment le métier d’acteur et d’auteur ?

J’adore improviser. Je ne sépare pas les métiers d’acteur et d’auteur. J’apporte quelque chose et le metteur en scène le conserve ou non. Répondre à des questions sur ma vie m’ennuie, parler de mon métier m’emballe. Ce n’est pas une posture, ce n’est pas pour me défiler. Je vous le dis sincèrement. C’est ce qui m’intéresse. Voilà comment je fonctionne : j’amène toujours le petit truc d’auteur que j’ai dans la tête et ensuite le metteur en scène en fait ce qu’il veut. Au début, Philippe (de Chauveron) a été surpris et finalement il a gardé pas mal d’idées dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? J’essaie de trouver quelque chose de jubilatoire pour aller au bout du personnage. C’est ce qui me plaît le plus : aller au bout du personnage, comme j’aimerais, en tant qu’auteur, être servi par l’acteur. Avec Jacquouille, j’ai créé un personnage qui ne me ressemblait même plus physiquement. Ma complicité avec Jean-Marie et avec Philippe s’est bâtie là-dessus. Et le fait qu’ils soient clients.

 

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C’est quoi « être client » ?
Je pars dans une improvisation, et si je vous fais marrer, je continue. Si je ne vous fais pas marrer, j’arrête. C’est aussi simple que cela.

Pour reprendre la distinction entre acteur et auteur, on a le sentiment malgré tout que, en composant des personnages qui se ressemblent, vous devenez le propre auteur de votre filmographie. Prenez
 Je vais craquer : votre personnage de dandy parisien qui trompe sa femme pourrait être celui des Bronzés.
Oui, on est d’accord. J’adorais Lauzier (le scénariste du film, adapté de sa BD La Course du rat). C’était un homme d’un immense talent et il me manque. Son regard me manque. Son regard, ses dessins... Il vous aurait croqué de manière formidable, dans cette situation grotesque...

Ahhhhh. On ne veut même
 pas l’imaginer.

Non... mais il aurait fait pareil pour moi. C’était un gentil. Bref. À une époque donnée, on trouve les mêmes genres d’inspiration. Ce n’est pas si étonnant que le Jérôme des Bronzés recoupe Jérôme Ozendron. Nous ne sommes pas des auteurs de littérature, mais des auteurs fugitifs : on chope des trucs de l’époque. Votre réflexion m’intéresse ! C’est curieux en effet de penser que ce qui n’est pas écrit de la même façon et par des types différents finit par se ressembler. C’est l’air du temps.

Et c’est que vous préférez. À part
 dans Les Profs, vous avez peu joué
 de personnages burlesques.

C’est vrai que j’aime croquer des situations sociales. Le burlesque me correspondait moins. Au fond, je suis très intéressé par les rapports sociaux, l’histoire, les Français, la France, ce qu’elle est devenue... N’empêche, ce que vous avez dit tout à l’heure me fait vraiment marrer. « Le binôme est beaucoup plus cadré que dans le deuxième film » ! Dans n’importe quel contexte, c’est une phrase formidable. C’est épatant. J’imagine immédiatement le type en face qui répond par un : « Ouais, en même temps, tu dis binôme, binôme, mais est-ce que c’est pas plutôt un trinôme ? » Là, on est dans une comédie sociale. Et je suis très attentif à cet aspect. Le mec qui se prend l’échelle, qui tombe du trottoir, je ne suis pas sûr que cela m’aurait fait rire longtemps.

Comment se fait la rencontre entre 
un personnage et un acteur ?

C’est compliqué ça... Intéressant mais compliqué. Tout est histoire de technique. Le costume est très important par exemple et tout se joue au moment où je me vois dans la glace. Après il faut être. Rentrer dedans. Et faire confiance à l’auteur. Parce qu’en tant qu’acteur, je ne sais faire qu’une seule chose : « apprendre le sens des phrases » (c’est ma prof Tsilla Chelton qui le disait). La base pour moi, c’est de connaître entièrement mon texte le premier jour. Mon texte et celui des autres. J’ai bossé énormément et j’arrive sur le plateau. Et quand j’arrive, je suis vide. J’oublie tout. Je suis tellement dedans que cela me permet d’improviser. Je vais vous donner un exemple. Quand on tourne le Bon Dieu, Philippe me demande si je veux rencontrer les acteurs qui jouent mes gendres. Mais je refuse. Je pense qu’ils ont les jetons de tourner avec moi et que s’ils me voient, ils vont s’apercevoir que je ne suis pas un mauvais bougre, ils vont se détendre. Et il ne faut pas... Du coup, le premier jour a été un enfer. Au maquillage, après une longue hésitation, Medi me dit d’une toute petite voix : « ... Vous êtes très beau. » Et je réponds : « Merci mon petit, c’est gentil. » On est partis sur le ton exact de mon personnage avec ses gendres. Je leur ai amené la situation. C’est ça le jeu. La jubilation de ce métier est là. Et je préfère parler de ce sujet plutôt qu’on me demande si je suis malheureux de rencontrer un échec. Est-ce que je le suis ? Évidemment. Est-ce que je suis heureux d’avoir un succès ? Oui... mais pas tant qu’on l’imagine. Si le succès fait plaisir, c’est juste parce qu’il permet de tourner un nouveau film. Quand un film ne marche pas, c’est compliqué d’enchaîner, contrairement à ce que les gens disent... On a fait un résultat correct avec L’Opération Corned Beef, mais quand juste après on a proposé Les Visiteurs qui coûte 15 millions de francs de plus, Gaumont doit réfléchir. Et cela me paraît tout à fait normal.

« Je suis le contraire d’un narcisse »

Pourquoi êtes-vous passé à la réalisation avec On ne choisit pas sa famille ?
Par un concours de circonstances. Au départ, je voulais le tourner avec Jean-Marie. Mais les financiers n’en ont pas voulu. Comme on est un pays du premier film, le projet a été plus simple à monter avec moi. Mais je l’ai regretté. J’aurais aussi adoré réaliser sans jouer, me concentrer sur la mise en scène. Mais voilà... ce sont les difficultés qu’on peut avoir avec la production. Je ne vais pas me plaindre non plus. On ne peut pas avoir une vie privilégiée et aucune difficulté liée à l’économie. C’est le prix à payer. Par contre, la sanction de l’insuccès est redoutable. Je me souviens encore de m’être retrouvé avec Jean-Marie autour d’une bière, après le four de Mes Meilleurs Copains. Et tout à coup : plus personne. À ce moment-là, on se dit qu’il faut sortir les rames. Et puis, on est finalement repartis. Après On ne choisit pas sa famille... pareil. Terminé. Plus de propositions, plus rien ! Mais j’ai toujours su que c’était la règle du jeu et que ça pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Normal, il s’agit d’un métier à risques.

 

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C’est la légende qui circule sur Le Père Noël qui n’aurait pas marché en salles...
Attention ! (Sourire.) Ce n’est pas une légende : on a atteint les 1,4 million d’entrées...

Mes Meilleurs Copains n’a fait que
 300 000 entrées, pourtant aujourd’hui tout le monde l’a vu. Vous ne trouvez pas qu’il y a une injustice le mercredi de la sortie ?
Non. Certainement pas d’injustice. Christian Fechner disait : « Le jour de la sortie, tout à coup tu comprends. » Et c’est vrai. Pour certains films, la connerie, je l’avais devant les yeux, le truc qu’il ne fallait pas faire et qu’on a pourtant fait. Mais on s’en est aperçu le jour J. Parce que tout à coup, la perception, l’angoisse, la sensibilité sont tellement fortes qu’on voit ce que voit le public. On sent ce qu’il pense.

Vous revoyez vos films ?
Très peu.

Lesquels ?
Très bonne question. Aucun.

Ce n’était pas très peu, c’était aucun.
Ouais. Enfin, quand ça passe à la télé, qu’il y a les enfants ou des amis, je regarde dix minutes. Ça m’amuse, mais après, je décroche.

Vous êtes bien le seul à ne pas connaître Les Bronzés par cœur...

Sincèrement, je ne connais plus les répliques. Je n’invente rien. Vous pouvez être beaucoup plus à l’aise avec moi que vous ne l’imaginiez. Je suis le contraire d’un narcisse. Les photos de moi dans les films, par exemple, sont rangées dans un carton.

On peut faire ce métier sans être obsédé par son image ?
Bien sûr ! Les acteurs de composition ne le sont pas. C’est le principe même. Vous savez d’où ça vient ? La première fois que je suis monté sur scène, la peur qui m’habitait était telle que j’ai développé une énergie folle pour la dompter. Et le public a réagi. Je me suis senti à l’aise et le problème était réglé. La communication avec les gens m’a sauvé. C’est ce que dit Eddy Mitchell. Il y a des chanteurs qui s’écoutent chanter et des acteurs qui se regardent jouer. Moi pas. Et j’ai un pot phénoménal. Quand je me retrouve avec un pantacourt, un chapeau grotesque dans Babysitting 2, je suis ravi. Je ne me pose pas de questions.

« On ne s’interdit rien, sinon ce serait chiant »

Et remettre les dents pourries 
de Jacquouille ?

C’était très étonnant. Et formidable. On s’est retrouvé avec Jean, plus vieux bien sûr, et en même temps les mêmes. Les gens nous ont vus arriver de loin et se sont dits : « Ils reviennent. »

On ne s’interdit pas certains trucs ?
 Faire « okaaaaay » par exemple...
On ne s’interdit rien, sinon ce serait chiant. En fait, je me régale à jouer, voilà. Et qui je suis, ce que je pense a finalement moins d’importance pour moi, comme pour le public, que cette simple réalité : je m’amuse à faire ce boulot. Je suis sûr que les gens sentent que je fais ce dont j’ai envie. Ils en pensent ce qu’ils veulent, mais j’aime déconner et j’essaie de les embarquer. Après, il faut se renouveler. J’ai eu la chance d’y arriver après quelques bons coups de massue. Les échecs vous apportent beaucoup. C’est une banalité, hein, et j’évite de le dire, c’est tellement con, mais en même temps terriblement vrai. Les succès rendent un peu arrogant, ce qui n’aide pas beaucoup. Il faut les domestiquer. J’ai eu la chance de faire pas mal de succès quand j’étais jeune, ce qui m’a un peu préservé. Plus jeune, j’étais impressionné par le succès et horrifié par l’échec.

 

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Vous avez fait des conneries 
à cause du succès ?

Pas de conneries, non, mais on peut devenir un peu infernal, un peu péremptoire. Grâce au recul que j’ai désormais, et que j’ai voulu vous faire toucher du doigt sans aucune animosité en répondant à vos premières questions, je peux prendre du plaisir à faire ce métier-là. Bien sûr, je suis concerné quand le film sort, mais bon...

Un « Bon Dieu 2 », ça s’envisage ?
Il faut demander à Philippe. Je pense qu’il le fera quand il aura trouvé le bon sujet. Là, nous allons tourner S’il vous plaît, une comédie très marrante avec François Damiens. On se reverra pour en parler ? Certaines choses vous étonneront. D’autres vous plairont. Peut-être. Selon les critères de ce qui vous amuse... Au niveau du binôme en tout cas c’est cadré ! (Sourire). Je vous taquine...

PAR GAEL GOLHEN ET FRANCOIS GRELET

 

Bande-annonce desVisiteurs : la Révolution de Jean-Marie Poiré avec Christian Clavier, Jean Reno, Franck Dubosc, Karin Viard :

 


Les Visiteurs : Pourquoi Valérie Lemercier et Muriel Robin ont mal vécu les tournages