Alors que la 12ème édition du festival du film francophone ouvre ses portes aujourd’hui, rencontre avec son créateur qui le co- dirige de main de maître avec Marie- France Brière
Le festival du film francophone d'Angoulême fête cette année sa douzième édition. Est-ce que l’exercice de la sélection se simplifie ou se complexifie au fil du temps ?
Dominique Besnehard : Au départ, il a évidemment fallu faire nos preuves. Les distributeurs n’allaient pas nous donner leurs films, juste pour nos beaux yeux. Mais tout a changé en 2011 avec Intouchables d’Olivier Nakache et Eric Toledano que nous avions présenté en avant- première mondiale. En un soir, Angoulême a changé de catégorie et, à partir de là, on nous a proposé de plus en plus de films. Mais depuis une poignée d’années, les choses se tendent un peu. La concurrence entre les festivals est de plus en plus rude. Venise exige ainsi désormais l’exclusivité même pour des films programmés en sections parallèles. Et l’an passé, pour des raisons identiques, on avait perdu Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret au profit de Toronto. Du coup, on est encore plus heureux quand des distributeurs choisissent Angoulême comme cette année Les Films du Losange pour Lola vers la mer de Laurent Micheli où Benoît Magimel joue le père d’une jeune fille transgenre de 18 ans qui apprend qu’elle va enfin pouvoir se faire opérer. Un film que nous présentons en compétition
Quelles sont justement les grandes tendances de cette compétition 2019 ?
La famille. Famille, je vous aime. Famille, je vous déteste. Ou les deux en même temps. C’est de loin le sujet le plus traité dans tous les films qu’on a pu voir.
La famille qui se trouve au cœur de Mon chien stupide d’Yvan Attal, l’adaptation du roman culte de John Fante qui ouvre ce soir cette édition 2019…
Adapter Fante au cinéma est toujours une gageure. La plupart des cinéastes qui ont essayé s’y sont d’ailleurs cassé les dents. Mais j’ai adoré la manière dont Yvan s’en est emparé pour finalement en faire le troisième volet de sa trilogie entamée par Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Il signe un film incroyablement personnel sans perdre l’âme de Fante. Je suis vraiment très fier de le présenter et d’accueillir pour la première fois Yvan et Charlotte Gainsbourg qui n’étaient jamais venus à Angoulême.
Et pour la clôture, après La Douleur d’Emmanuel Finkiel et Pupille de Jeanne Herry qui ont tous deux connu de brillantes carrières dans la foulée, vous avez choisi cette année un documentaire sur Charles Aznavour, Le Regard de Charles…
Le dernier jour du festival compte autant que le premier pour nous, contrairement à ce que croient à tort certains distributeurs. Et là, on propose une pépite incroyable. Tout au long de son existence, Charles Aznavour a filmé son quotidien. Et peu avant sa disparition, il avait montré ce trésor (caché dans une pièce de sa maison) à Marc di Domenico - avec qui il était devenu ami après que ce dernier ait réalisé un documentaire sur lui pour France 3 – en lui disant d’en faire ce qu’il voulait. Alors, en collaboration avec Mischa, le fils de Charles, Marc di Domenico a imaginé ce documentaire mêlant ces images inouïes tournées par Charles – ses rencontres avec les plus grandes stars internationales, un mariage de Piaf à New- York, le tournage d’Un taxi pour Tobrouk… - et un texte inspiré par ses écrits et ses propos qu’interprète en voix- off Romain Duris. C’est vraiment un document hors du commun.
Jacqueline Bisset succède cette année à Karin Viard comme Présidente du Jury. Qu’est- ce qui vous a guidé dans ce choix ?
Jacqueline est une amie de longue date. Et comme on a pu le faire dans le passé avec John Malkovich ou Kevin Kline, j’aime faire appel à des Britanniques ou des Américains dans nos jurys pour montrer que la francophonie est aussi présente dans des terres anglophones. Je dîne régulièrement avec Jacqueline dès qu’elle passe par Paris et au printemps dernier, je lui ai donc proposé cette Présidence qu’elle a acceptée quasiment dans la foulée
Enfin, Angoulême recevra aussi cette année… le Grand Duc et la Grande Duchesse du Luxembourg car c’est le pays auquel vous avez choisi de rendre hommage, après Haïti l’an passé. Pour quelle raison ?
Pour nous reposer d’Haïti justement ! (rires) Car l’an dernier, on avait beaucoup galéré sur des histoires de visa… Plus sérieusement, c’est surtout parce que ça surprend tout le monde. Personne ou presque n’imagine qu’il y ait une cinématographie dans ce petit pays. Et encore moins qu’il soit francophone. Et je suis très heureux de montrer notamment les films de Pol Cruchten, mort brutalement au début de cet été, dont le très beau Black Dju avec Philippe Léotard, sorti en 1997.
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