Fallout Prime Video
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C'est en "gamer" assumé que Jonathan Nolan a porté Fallout sur Prime Video. "Les jeux vidéo ont su s'élever à une forme d'art supérieure", estiment carrément les créateurs de la série, qui s'expliquent dans Première.

Pendant des années, l'industrie hollywoodienne a échoué à porter à l'écran des jeux vidéo cultes. Pas la peine d'énumérer les échecs qui se sont enchaînés entre les années 1990 et 2010, ils ont été trop nombreux. À tel point qu'à chaque nouvelle adaptation cinématographique ou télévisuelle, les "gamers" seraient les fesses avant de fermer les yeux. Mais en quelques années, la tendance s'est inversée de manière spectaculaire. Il y a eu le phénomène The Last of Us (sur HBO), évidemment. Aussi le buzz incroyable généré par la série Arcane dérivée de League of Legends (sur Netflix). Ou encore le carton monstrueux de Super Mario Bros. le film au cinéma l'été dernier. Et ce printemps, c'est Fallout qui brille sur Prime Video, réussissant à transposer le riche univers d'une franchise post-apo, vieille de 25 ans. Alors qu'est-ce qui a changé ?

Fallout
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Au-delà de la taille des budgets, nettement plus conséquents qu'avant, "ce qui a changé, c'est qu'on a désormais une toute nouvelle génération de réalisateurs qui ont grandi en ayant réellement joué à ces jeux", analyse Jonathan Nolan dans Première. Le créateur de Fallout est un "gamer" assumé, "même si je joue moins depuis que j'ai des enfants" sourit-il. Il a dévoré Fallout 3 en 2007, passant des dizaines d'heures à explorer le monde de Todd Howard. Alors lorsqu'il décide d'en faire une série, c'est avec une consciencieuse déférence. "Craig Mazin aussi a adoré jouer à The Last of Us avant de réaliser la série The Last of Us. Cette nouvelle génération dont je fais partie regarde les jeux vidéo sans mépris. Au contraire, on les regarde avec admiration."

Jonathan Nolan estime que les créateurs de jeux vidéo ont trop souvent été pris de haut, alors qu'ils étaient, eux aussi, des conteurs d'histoires extraordinaires. "A la fin des années 2000, quand on me demandait mon film préféré, je disais : Fallout ! Bioshock ! Portal ! Les jeux sont devenus sophistiqués et c'est ça aussi qui a changé. Ils ont emprunté une voie punk-rock laissée libre par le cinéma. Certains créateurs, comme Todd Howard, ont osé des histoires vraiment couillues. Les films ont peu à peu abandonné ça. Ils sont de moins en moins provocateurs. Les jeux vidéo ont vraiment creusé ce sillon."

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"Ils ont su s'élever à une forme d'art supérieure.", renchérit son collègue Graham Wagner, showrunner de Fallout. Lui aussi est fan de la saga depuis des lustres. "J'y joue depuis 25 ans environ... Bethesda a sérieusement perturbé ma vie !" nous répond-il en rigolant. Le scénariste (passé par The Office ou Portlandia) estime que, s'il n'est "pas forcément nécessaire d'être joueur pour faire une bonne adaptation, cela permet d'avoir conscience des risques de backlash. Cela permet de rester fidèle à l'œuvre originale... Donc s'il y a des spectateurs de la série qui trouvent que certains éléments de l'histoire ne collent pas aux jeux, c'est de ma faute". L'autre showrunner, Geneva Robertson-Dworet, avance également que le studio Bethesda (celui derrière les jeux vidéo Fallout) a été très impliqué dans le développement de la série, ce qui explique aussi la réussite de cette version sérielle : "On a travaillé main dans la main avec eux. Ils ont tout supervisé, jusqu'à la nuance de bleu des tenus des habitants des Vaults. Il y avait un producteur de chez Bethesda sur le plateau, tous les jours." Le directeur créatif des jeux (depuis deux décennies) Todd Howard, est d'ailleurs producteur de la série... comme Neil Druckmann a collaboré directement à l'adaptation de The Last of Us avec Craig Mazin.

À l'autre bout du spectre, Walton Goggins assume ne pas être du tout un "gamer". L'acteur de 52 ans reconnaît volontiers n'avoir jamais mis les mains sur un titre Fallout et rarement sur une manette en général. Et pour la star qui joue le "Ghoul", ce n'est pas un problème: "J'avais participé au film Tomb Raider en 2018 et je n'ai jamais joué à Tomb Raider ! Non, moi je vais jouer là où il y a les meilleures histoires et il s'avère que les histoires de jeux vidéo sont parmi les plus cool et les plus sophistiquées de nos jours !"

Walton Goggins dans Fallout
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Il rejoint ainsi le point de vue Jonathan Nolan, qui croit même que ce qui s'est passé dans l'industrie hollywoodienne avec les BD de super-héros pourrait se produire avec les jeux vidéo : "Il y avait cette même défiance à une époque avec les adaptations de comics. Elles étaient faites avec cynisme ! Attention, je ne dis pas qu'il faut être fan à la base. Chris (Nolan) n'est pas un fan de Batman. Mais il connaissait très bien l'univers de Batman Begins. Il m'a offert mon premier Batman (Année Un de Frank Miller) quand j'avais 14 ans. Il savait qu'il y avait une narration de qualité dans ces pages. Il avait du respect pour le matériel et quand il l'a adapté, il l'a fait avec sérieux. Les premières adaptations de jeux vidéo n'étaient pas prises au sérieux. Quand vous voyez le Super Mario de 1993… Je ne dis pas qu'ils ont fait un mauvais film exprès, mais ils ont approché la chose de manière cynique. C'était une époque où les réalisateurs ne connaissaient rien aux jeux vidéo, ils ne jouaient pas du tout et ils s'en foutaient complètement. Ils ne comprenaient pas pourquoi c'était important, alors ils mettaient l'accent sur des trucs idiots ! Ils ne comprenaient pas que le truc le plus important, c'est la narration elle-même."

En d'autres termes, il a fallu qu’ils fassent fausse route pour que les successeurs trouvent la bonne approche : "C'est tout simplement de l'apprentissage" résume Walton Goggins. "Le premier western n'était certainement pas très bon. Mais tous les grands westerns qui ont été faits après se sont forgés sur ses échecs. C'est vrai pour les films adaptés de jeux vidéo. On a compris petit à petit ce que les fans attendaient, quels morceaux de l'histoire mettre en avant et à quel point on pouvait s'en éloigner ou pas." Maintenant que Hollywood semble avoir trouvé la recette, on imagine l'industrie nous concocter un gueuleton d'adaptations sur grands et petits écrans dans les années à venir. Les jeux vidéo pourraient ainsi devenir la nouvelle poule aux d'or d'Hollywood, après avoir épuisé la source comics.

Fallout, saison 1, sur Prime Video depuis le 11 avril 2024