Guide du 6 mars 2019
The Walt Disney Company France / Gaumont Distribution / Bac Films

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

CAPTAIN MARVEL ★★★☆☆
De Anna Boden

L’essentiel
Sympathiquement efficace à défaut d'être révolutionnaire, le 21ème film du Marvel Cinematic Universe vaut surtout pour l'avenir qu'il nous promet.

"Le premier film Marvel porté par une femme" : ce n'est pas très sympa pour la Guêpe (Evangeline Lilly) et Black Widow (Scarlett Johansson), mais la promo de Captain Marvel insiste tellement sur ça qu'on s'en voudrait presque de rappeler à Marvel qu'il leur a quand même fallu dix ans et 21 films pour donner à une femme le premier rôle d'un de leurs superfilms. Premier rôle, et personne pour lui arracher : à part Nick Fury, aucun membre des Avengers en soutien à l'horizon puisque le film se déroule en 1995, vingt ans environ avant les plus gros chambardements interplanétaires du MCU selon la chronologie officielle. Une femme en tête d'affiche dans une ambiance rétro 90s : en termes de high concept marketing, c'est de l'or en barre. 
Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A ADORÉ

FUNAN ★★★★☆
De Denis Do

En 1975, les Khmers rouges décident de vider Phnom Penh et de déporter ses habitants vers des camps de travaux forcés. Quiconque se révolte est tué. Une famille comme les autres prend le chemin des camps de travail. Dans cette longue file : des hommes et des femmes, des jeunes et des vieillards, qui avancent tête baissée dans l’angoisse de ce que l’avenir leur réserve. Soudain, un gamin lâche la main de sa mère. Les parents hurlent son nom. La grand-mère file à sa poursuite. Trop tard ! Les armes bloquent désormais le passage. Sovanh et ses parents sont séparés.
Sophie Benamon

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LA FLOR ★★★★☆
De Mariano Llinás

Après plus de cent vingt ans d’existence, on pourrait croire avoir tout vu et tout entendu au cinéma. Penser, à entendre certains esprits chagrins, que tous les films ont été faits. Et que les créateurs sont donc désormais condamnés à se répéter avec plus ou moins de bonheur. Venu d’Argentine, La Flormet une claque vivifiante à ces idées reçues, aux tenants du « ce ne sera jamais mieux qu’avant », à ceux qui croient dur comme fer que le cinéma a définitivement rendu les armes et abandonné à la série toute velléité créative. C’est un projet fou, ne rentrant dans aucun cadre ou plutôt les fracassant pendant plus de treize heures.
Thierry Chèze

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LES ÉTENDUES IMAGINAIRES★★★★☆
De Siew Hua Yeo

Singapour est un mirage. C’est ainsi que l’envisage le jeune réalisateur Siew Hua Yeo, 33 ans, dans ces Étendues imaginaires. Un mirage qui prend d’abord la forme d’un thriller avec la disparition inquiétante sur un chantier d’aménagement du littoral d’un travailleur chinois. Le policier en charge de l’enquête va tenter de suivre les traces du disparu et pénétrer un monde à mille lieues des rutilants quartiers d’affaires, symboles du miracle économique de cette cité-État insulaire devenue une plaque tournante d’une finance mondialisée. Singapour, c’est aussi une ville-dortoir où s’entassent des immigrés venus d’horizons différents, qui essaient de préserver un peu de leur culture entre deux journées de travail harassant. Ce contexte ne sert pas de toile de fond documentaire à l’ensemble mais de trompe-l’oeil sur lequel vont basculer la raison de l’enquêteur et celle du film. Ici, passé et présent s’entrecroisent, le virtuel prend le pas sur un réel préfabriqué, et le couloir d’un cybercafé devient un passage secret vers un espace-temps reconfiguré où s’échappe une profusion de sentiments. Les étendues imaginaires du titre, ce sont aussi et surtout ces bouts de terres que l’homme fait artificiellement surgir de la mer pour grossir les rangs de nouveaux délires immobiliers. Ces mirages et la mise en scène sensuelle les font vibrer de toutes parts pour en révéler la face sombre et tragique.
Thomas Baurez

 

PREMIÈRE A AIMÉ

DAMIEN VEUT CHANGER LE MONDE ★★★☆☆
De Xavier de Choudens

Un jeune pion (Franck Gastambide, toujours juste) se met un jour en tête de sauver un de ses élèves d’une expulsion de territoire. Son plan ? Reconnaître l’enfant comme son fils afin de lui obtenir, ainsi qu’à sa mère, des papiers en règle. Les demandes d’autres mères en situation irrégulière affluant, Damien perd pied... Xavier de Choudens signe une comédie sociale qui évoque les combines de la France d’en bas et les conditions des migrants avec un humour à l’anglaise évitant les clichés et les chausse-trappes populistes. En mêlant l’émotion mélo à la colère militante (le vrai sujet du film est le délit de solidarité) Damien prouve qu’une comédie ne révolutionnera jamais le monde, mais qu’elle peut épouser son époque (troublée) et apporter un peu de réconfort. C’est déjà beaucoup.
Gaël Golhen

EXFILTRÉS 
★★★☆☆
De Emmanuel Hamon

Ancien assistant de Chéreau et de Pialat puis documentariste pendant quinze ans, Emmanuel Hamon n’est pas le premier venu comme en témoigne la maîtrise formelle d’Exfiltrés, étouffante immersion dans les mondes opaques de la radicalisation, de l’espionnage et de la géopolitique. Sans gros moyens (sinon, on l’aurait volontiers comparé à du Greengrass), Hamon parvient à rendre tangible une réalité d’autant plus troublante que sa proximité pour nous, spectateurs français, est grande. Cet homme, simple infirmier, dont l’épouse est partie en Syrie avec leur fils pour rejoindre Daech, cela pourrait être un ami, un voisin, une connaissance. Cette jeune femme radicalisée (et les Français qu’elle retrouve à Rakka), c’est la défaite de l’universalisme républicain, de ses valeurs et de son devoir d’intégration. Cette mission de secours qui se met en place pour exfiltrer la repentie (qui prend brutalement conscience de la mise en danger de son fils), c’est le refus de l’intimidation et du fatalisme réunissant des personnes et des sensibilités de tous bords. Exfiltrésest un joli film de résilience collective, une histoire incroyablement vraie qui s’incarne dans des portraits d’une rare justesse : le mari déçu mais combatif, la femme idéaliste mais pas illuminée, le chirurgien chef surinvesti dans le combat de son subalterne, les jeunes hommes de terrain (le fils du chirurgien et un résistant syrien) réunis par leur humanité commune... Infiltrez-vous en salles, c’est sans risques.
Christophe Narbonne

NOS VIES FORMIDABLES 
★★★☆☆
De Fabienne Godet

Fabienne Godet a travaillé dans le domaine de la santé mentale avant de se lancer dans la réalisation. Ce parcours explique pourquoi ses films ne sont jamais meilleurs que lorsqu’elle explore des sujets de société comme le monde du travail (Sauf le respect que je vous dois) ou l’enfermement carcéral (Ne me libérez pas, je m’en charge). Moins convaincante sur le terrain des histoires d’amour (Une place sur la Terre), elle revient à ce qui fait le sel de son cinéma en explorant le quotidien d’un centre de désintoxication. Grâce à son regard, ni trop distant ni trop purement empathique, elle se tire parfaitement de la gageure de faire exister à l’écran ses nombreux personnages sans verser dans un côté catalogue. Une tension permanente sous-tend son récit, auquel il manque juste la part de romanesque qu’a su insuffler Cédric Kahn à La Prière, sur un sujet proche.
Thierry Chèze

BÊTES BLONDES 
★★★☆☆
De Maxime Matray et Alexia Walther

Que reste-t-il de Rivette dans le cinéma français contemporain ? De sa capacité à faire d’un scénario une matière vivante où chaque séquence, voire chaque plan, semble surgir d’un heureux – mais cohérent – hasard ? À l’heure de la dictature du scénario, personne ne semble assez fou pour tenter l’aventure. D’où cette joie immense de découvrir ces Bêtes blondes, jeu de piste façon Alice au pays des merveilles, où un être vaguement assoupi (Thomas Scimeca) se lève et enchaîne d’improbables rencontres. D’abord simple spectateur, ballotté par des événements qui le réveillent peu à peu (dont une tête coupée dans un sac à dos !), Fabien – c’est son nom – va finir par se confronter à lui-même ou plutôt à son double fictionnel : le héros d’une sitcom façon Hélène et les garçonsqu’il fut jadis. Non, la poésie au cinéma n’est pas morte !
Thomas Baurez

SIBEL 
★★★☆☆
De Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti

Un regard perçant qui vous happe pour ne plus vous lâcher et un visage pur traversé par une multitude d’émotions puissamment violentes. Tel est Sibel, l’héroïne de ce troisième film du couple franco-turc Cagla Zencirci-Guillaume Giovanetti (Noor). Une jeune femme muette de 25 ans qui ne communique que via la langue sifflée ancestrale du village turc où elle vit avec son père et sa sœur, mais rejetée par les autres à cause de son handicap. Un personnage solitaire mais jamais victime ou victimisée dans cette région où les femmes vivent pourtant sous la domination jamais contestée des hommes. Sibel va être le grain de sable qui va gripper la machine. Traquant un loup supposé rôder dans la forêt voisine (mais inventé par les hommes pour maintenir encore plus les femmes dans un état de confinement), elle va croiser un fugitif dont le regard va la révéler à elle-même. Elle qu’on cache va devenir source de désir interdit et dangereux. Interdit, car dans ce coin du monde, le statut marital (même forcé) l’emporte sur le reste. Dangereux, car elle ne sait rien de cet homme vu par le village comme un terroriste. Sibelraconte brillamment comment, en découvrant sa féminité, cette femme va révolutionner, non sans douleur, l’ordre des choses dans sa communauté. Les réalisateurs racontent cette naissance/renaissance en allant bien au-delà des notions de bien et de mal. En préférant l’horizon, même faiblement lumineux, à la noirceur étouffante du quotidien. Un beau portrait de femme, interprété par une très grande actrice, Damla Sönmez.
Thierry Chèze

A KIND OF MAGIC 
★★★☆☆
De Neasa Ní Chianáin et David Rane

La beauté du documentaire réside dans la capacité de la caméra à se fondre dans un environnement pour en relayer l'essence. Un tour de passe-passe qu'A Kind of Magic réussit avec brio. Baptisé In loco parentis (À la place d'un parent) en version originale, le film de Neasa Ni Chianain et David Rane nous plonge dans l'univers décalé de John et Amanda Leyden, couple d'instituteurs atypique au sein du pensionnat irlandais de Headfort. Depuis plus de 40 ans, ces parents de substitution accueillent de jeunes élèves dans le but de parfaire leur éducation en proposant un modèle d'éducation alternatif. Apprentissage musical, cours de théâtre, débats théologiques rythment la vie de cette école qui s'éloigne des impératifs de résultat imposés par le système scolaire moderne. Sans voix off ni commentaires, A Kind of Magic retranscrit de façon intimiste la vocation d'un couple dévoué corps et âme à transmettre sa boulimie culturelle et à faire naitre chez les plus jeunes une soif de curiosité inextinguible.
Jean-Baptiste Tournié

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LE MYSTÈRE HENRI PICK ★★☆☆☆
De Rémi Bezançon

Un auteur est-il nécessairement une personne cultivée ? C’est la question centrale qui traverse Le Mystère Henri Pick, dont le récit nous conduit au fin fond de la Bretagne où une jeune éditrice découvre un manuscrit dans une bibliothèque accueillant tous les livres refusés par les éditeurs.
Sophie Benamon

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STAN & OLLIE ★★☆☆☆
De Jon S. Baird

Après son face-à-face avec Joaquin Phoenix dans Les Frères Sisters et ses retrouvailles avec Will Ferrell dans Holmes & Watson, John C. Reilly poursuit sa filmo consacrée aux duos de choc et aux frangins malgré eux. Stan & Ollie raconte la tournée des théâtres anglais de Laurel et Hardy en 1953 (Reilly est le gros, Steve Coogan le petit), au moment où ils sont définitivement has been et condamnés à écumer les salles de seconde zone. L’argument évoque un tandem british, mais Jon S. Baird (Ordure !) et le scénariste de Philomena, Jeff Pope, le traitent sans folie, comme une comédie cafardeuse, plombée par le maquillage de Reilly, qui avec son goitre postiche a l’air échappé de chez Madame Tussaud. Reste l’image bouleversante de Stan Laurel passant ses nuits à peaufiner des gags pour un film qu’il sait pertinemment que lui et Ollie ne tourneront jamais...
Frédéric Foubert

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

MAGUY MARIN : L’URGENCE D’AGIR ★☆☆☆☆
De David Mambouch

Depuis plus de trente-cinq ans, au fil d’une vie et de spectacles engagés, Maguy Marin est considérée comme une des plus grandes chorégraphes actuelles. Ce docu réalisé par son fils – et membre de sa compagnie – veut raconter son parcours mais souffre d’un manque de pédagogie. David Mambouch y mêle documents d’archives et témoignages sans assez resituer ce que représente sa mère, pensant peut-être que le spectateur sait déjà tout de leurs échanges. Les profanes restent donc à la porte de son récit et vivent le film comme une accumulation d’images auxquelles il manquerait une colonne vertébrale... qui aurait pu être celle d’une relation mère-fils vue à travers le prisme de la danse. Mais là encore, le film reste en surface. Voilà pourquoi il nous laisse dans un état de frustration.
Thierry Chèze

ON MENT TOUJOURS À CEUX QU’ON AIME 
☆☆☆☆☆
De Sandrine Dumas

Ah ! Les joies du roadmovie, éloge d’une liberté retrouvée le temps d’un périple réconciliateur ! Le genre, épuisé et épuisant, peut-il encore révéler quelque chose ? Sûrement, mais pas ici tant le parcours hyper balisé n’a pas beaucoup de sorties de route à offrir. Et ce malgré les atours « rock » de la chose, soit une chanteuse loseuse (Monia Chokri) qui parvient on ne sait comment à convaincre son ex (Jérémie Elkaïm) d’accepter de jouer le jeu de l’amour parfait pour sa grand-mère qui débarque des US. Ceux qui ne se sont pas endormis à la lecture de ce pitch seront peut-être heureux d’apprendre qu’ici, on sillonne les routes de France en humant l’air de la campagne et en sortant la tête de la voiture pour mieux ressentir la joie d’être vivant.
Thomas Baurez

 

Et aussi
A thousand girls like me de Sahra Mani
Dans les bois de Mindaugas Survila
Fukushima, le couvercle du Soleil de Futoshi Sato
Le cochon, le renard et le moulin d’Erick Oh
Népal, à chacun sa voie d’Andrea Leichtfried
Nour de Khalil Dreyfus Zaarour

 

Reprises
Casier judiciaire de Fritz Lang
La meilleure façon de marcher de Claude Miller