DR

Même le blogueur people Perez Hilton a eu une épiphanie : "Je suis coupable d'avoir posté les photos sur mon site sans penser aux répercussions de mes actions (...) Je m'excuse, sincèrement auprès de Jennifer Lawrence de ma négligence, et je vais saisir cette occasion pour apprendre, m'améliorer et changer certaines choses. (...) Je pense que c'est la chose à faire pour eux, pour moi, pour tout le monde: ne pas perpétuer ça."Voici en substance le mea culpa (repéré par Slate) du grand manitou américain de la vie des people, celui dont les supposés scandales du type de celui des photos volées de Jennifer Lawrence sont le gagne-pain depuis une dizaine d’années, presque la raison de vivre. Après s’être empressé, comme le veut son job, de poster les photos sur son blog, Perez Hilton les a retirées sans qu’on lui demande, et a donc été frappé de cette révélation. Pourquoi un tel retournement de veste ?Parce qu’on a fait la révolution sexuelleComme le note Slate dans un article sur le sujet, la majorité des réactions à l’apparition sur le web de ces photos volées prouve que les mentalités évoluent, dans le bon sens. Après un demi siècle de révolution sexuelle et de féminisme, personne ne peut juger honteuse la nudité ou la sexualité sans être accusé d’être prude, réac ou intégriste. L’"affaire Jennifer Lawrence", comme tant d’autres avant elle, se double d’une problématique que les internautes du monde entier connaissent bien, celle de la protection de la vie privée qui peut se poser chaque jour pour chacun. Big Brother n’a jamais été aussi réel et autant détesté - les histoires d’écoutes à grande échelle de la NSA révoltent largement l’opinion publique. La honte a changé de camp. Elle frappe le hacker, le vrai réac de l’histoire car partant du principe que la révélation de ce type de photos éclatera en scandale ; elle frappe le "recéleur", comme le prouve la réaction de Perez Hilton. Elle ne frappe plus la victime (qui est, majoritairement, traitée comme telle).Parce que tout le monde aime Jennifer LawrenceC’est la fille la plus cool d’Hollywood. Et, selon le dernier classement Forbes, la plus influente. Elle est l’icône (warrior) de la jeunesse, a été trois fois nommée à l’Oscar et en a remporté un – elle s’est d’ailleurs somptueusement cassé la gueule en allant le chercher, et a réussi à s’en sortir avec une classe confondante -, elle est grande gueule tout en évitant de trop parler, elle dégage un savant mélange de sex-appeal et de naïveté, elle réconcilie critique et grand public... Tout le monde aime Jennifer Lawrence, y compris lorsqu’elle incarne une nymphomane dans Happiness Therapy, rôle pour lequel l’Amérique lui a décerné un Oscar.Si l’évolution des mentalités ne suffit pas, la nature même de l’actrice, sa jeunesse, son naturel, son aura, devraient lui épargner l’infamie et lui offrir le soutien du public et de l’industrie.Parce que ça n’a jamais bousillé des carrièresLe dernier "scandale sexuel" de grande ampleur, c’était en 2011, et la victime s’appelait Scarlett Johansson. La toile s’est affolée à la publication de photos volées de l’actrice qui dévoilaient vaguement un sein et une fesse, le FBI s’est saisi du dossier, et le pirate a été condamné à 10 ans de prison et 76 000 euros d’amende. Scarlett, elle, n’a peut-être jamais autant tourné depuis, devenue à la fois icône du cinéma d’auteur (Her, Under the Skin) et star d’énormes blockbusters (les Marvel, le récent carton Lucy). Si le coupable n’avait pas écopé de cette peine exemplaire, plus personne ne se souviendrait de l’affaire. Comme personne ne se souvient des photos nues de Rihanna, Blake Lively, Vanessa Hudgens, Justin Timberlake et on en oublie, justement. En 1952, une star hollywoodienne se retrouvait au cœur d’un scandale sexuel. C’était Marilyn Monroe, dont des photos nues prises quelques années auparavant, avant sa célébrité, refaisaient surface. Comme le rappelle un excellent article de Buzzfeed, l’actrice avait réussi à désamorcer la crise en reprenant le contrôle de la com et en opposant au scandale - réel, dans l’Amérique du début des 50’s - une candeur à toute épreuve. Ça fait donc 60 ans qu’une icône, peut être la plus grande icône féminine de l’histoire contemporaine, a réussi à prouver au monde que la nudité et la sexualité ne devaient pas être source de scandale.Y a-t-il encore débat ?Vanina Arrighi de Casanova