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Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.

PREMIÈRE A AIMÉ

Free State of Jones ***
De Gary Ross

L’essentiel
Le portrait à vif d’un insoumis pendant la Guerre de Sécession.

Free State of Jones est l’adaptation de l’histoire méconnue de Newton Knight, un fermier devenu malgré lui soldat de la Guerre de Sécession, qui déserta l’armée confédérée et devint le leader d’un groupe de rebelles, composé de Blancs et de Noirs, des paysans pauvres et des esclaves en fuite, décidés à lutter contre toutes les injustices en des temps particulièrement troublés. Le point de vue du film est complexe et explore sous un angle différent cette période de l’histoire américaine maintes fois traitée par la littérature et le cinéma : la lutte contre la Confédération de l’intérieur.
Vanina Arrighi de Casanova

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Victoria  ***
De Justine Triet

Avocate célibataire élevant seule ses filles, Victoria voit sa petite vie organisée lui exploser en pleine figure lorsqu’elle est amenée à défendre son meilleur ami, accusé de violences conjugales par sa compagne.

Bombardée chef de file de la jeune scène indépendante française avec La Bataille de Solferino, Justine Triet incarne un cinéma d’auteur à l’aise avec son héritage post-Nouvelle Vague qui explore de nouvelles pistes, comme ici, en mélangeant le portrait truffaldien avec les codes de la romcom américaine. Difficile, par exemple, de ne pas penser à Jean-Pierre Léaud face au personnage de babysitter joué par Vincent Lacoste, type un peu burlesque et inconscient, au timbre particulier et au romantisme naïf. Il amène cet humour désenchanté qui donne sa couleur au film, à la fois d’une folle drôlerie (voir l’audition du chien, considéré comme « témoin » à charge contre Melvil Poupaud, parfait en ami indélicat et inconstant) et d’un pessimisme forcené. Victoria est au final une comédie sur l’émancipation et le désir féminin, aussi bien que sur l’inquiétude générée par le monde moderne (son culte du résultat et de la personnalité), pas toujours très lisible mais d’une efficacité comique et dramatique redoutable. Le potentiel de Justine Triet s’exprime surtout à travers sa direction d’acteurs, dont Virginie Efira est la principale bénéficiaire : naturellement drôle, l’actrice belge joue à la perfection la mélancolie joyeuse et la fragilité rentrée.
Christophe Narbonne

Toril ***
De Laurent Teyssier

Pour aider son père surendetté à garder son exploitation agricole, un jeune se lance dans le trafic de drogue. 


Chargée d’adrénaline, la séquence d’ouverture de Toril (nom de la pièce dans laquelle est enfermé un taureau avant son entrée dans la corrida) augure bien de ce premier film qui révèle progressivement, sous l’apparence du réalisme social, un impressionnant thriller dont la noirceur est à peine atténuée par la lumière trompeuse de la Provence. Vincent Rottiers y incarne un jeune animé par l’énergie du désespoir. Croyant n’avoir rien à perdre, il tente un coup risqué avec l’aide de la redoutable pègre locale. Victime de son succès, il est embarqué dans une entreprise qui le dépasse, et qui ne permet pas de revenir en arrière. Avec une efficacité sèche et quasi ascétique, Laurent Teyssier décrit un monde sans dieu, sans espoir et sans illusion. La seule consolation est à chercher dans l’enseignement que le personnage retient de son expérience : à l’heure du bilan, et au vu du terrible prix à payer, il prend conscience, un peu tard, de la valeur de tout ce qu’il a perdu.
Gérard Delorme

PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ

War Dogs **
De Todd Phillips

Deux escrocs minables et fumeurs de joints deviennent des vendeurs d’armes pour l’armée US en plein conflit irakien. Il y a dans cette histoire folle (rapportée par un journaliste de Rolling Stone) un script en or qui aurait pu devenir le Loup de Wall Street des marchands de mort. Mais Todd Phillips, patron de la comédie trash, a décidé d’emmener le film vers des zones plus sûres. War Dogs a donc été conçu comme un circuit de F1 pour Jonah Hill. Il n’a jamais été aussi drôle et aussi rapide dans la répartie. Les séquences au cours desquelles il perd les pédales à force d’excès sont des armes de destruction massive. Manque juste le regard ambigu pour en faire autre chose qu’un film distrayant.
Gaël Golhen

La Taularde **
D’Audrey Estrougo

Premier plan, fixe. Sophie Marceau enlève ses vêtements sous l’oeil d’une matonne inflexible. Cette mise à nu est aussi littérale que symbolique : la star Marceau redevient Sophie l’anonyme pour ce film sur la prison, dans lequel la femme éduquée et sensible d’un anarchiste (qu’elle a aidé à s’évader) doit cohabiter avec des sauvageonnes de toutes sortes. Malgré l’absence de maquillage, la silhouette amaigrie et une vraie volonté d’effacement, Sophie ne parvient jamais à faire oublier Marceau. C’est la force du film – la voir humiliée, battue, rageuse est en soi spectaculaire – et sa faiblesse : son aura décrédibilise l’ambition hyperréaliste du projet, par ailleurs plutôt bien documenté et mis en scène.
Christophe Narbonne

Clash **
De Mohamed Diab

Au Caire, été 2013, alors que de sanglants affrontements font suite à la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, des manifestants aux idées opposées se retrouvent enfermés dans le même fourgon de police. Adoptant le principe du huis clos, Mohamed Diab (réalisateur du remarqué Les Femmes du bus 678) retranscrit par sa suffocante mise en scène les impasses politiques qui ne cessent de mortifier l’Égypte post-révolutionnaire. Malgré une difficulté à faire exister ses nombreux protagonistes de manière autonome, cette virée cauchemardesque à travers une ville à feu et à sang traduit jusqu’au bout les angoisses d’un cinéaste observant son pays depuis l’intérieur d’une prison itinérante.
Damien Leblanc

Where to invade next **
De Michael Moore

Un documentaire feel good avec Michael Moore à la conquête (pacifique) du monde : Europe, Islande, Tunisie… Posture ironique bien sûr, puisqu’à l’impérialisme américain habituel, il substitue une humble demande de conseils en termes de politique économique, éducative, carcérale ou de santé. Par un jeu de contraste permanent, le cinéaste prend ainsi un malin plaisir à donner à ses « ennemis » le beau rôle (en France on mange bien, la Finlande est la championne de l’éducation, etc.), au détriment de son pays. L’expérience a les défauts de ses qualités : c’est caricatural et assumé comme tel, Moore annonçant d’emblée vouloir « cueillir les fleurs, pas les mauvaises herbes ». Mais sa récolte reste malgré tout savoureuse.
Eric Vernay

La philo vagabonde **
De Yohann Laffont

Yohan Laffont signe un documentaire jubilatoire sur un charismatique professeur de philo anarchiste. Dommage qu’il ait laissé son oeil critique en chemin.
Mathias Averty

Chronique d’une vie **
De Mauricio Cuervo

Les angoisses d’un père et de son fils quadra au sein de la société colombienne. Un film juste, mais anecdotique.
Mathias Averty

Simshar **
De Rebecca Cremona

Simshar montre comment le destin de pécheurs maltais va faire écho à celui de clandestins africains. Tiré d’une histoire vraie, le film pêche par son manque de rythme mais délivre un message fort. L’interprétation, juste, des acteurs et la maîtrise de Rebecca Cremona donnent envie de surveiller le cinéma maltais.
Mathias Averty

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

Ainsi va la vie *
De Rob Reiner

Annie Hall et Gordon Gekko dans une comédie romantique du réalisateur de Quand Harry rencontre Sally ? À la fin des 80s, les spectateurs se seraient battus pour voir ce fi lm. Aujourd’hui, il est perçu comme une romcom en charentaises qui arrive chez nous en catimini, deux ans après sa sortie américaine… Michael Douglas est assez rigolo dans son numéro habituel de connard arrogant (un papy grincheux qui va reprendre goût à la vie grâce à sa gentille voisine). Mais on se demande quand même pourquoi Diane Keaton et lui viennent abîmer leur légende cinématographique dans des projets aussi insipides et je-m’en-foutistes que celui-ci. C’est si ennuyeux que ça, la retraite ?
Frédéric Foubert

Les Démons *
De Philippe Lesage

Dans la paisible banlieue de Montréal, un garçon de 10 ans affronte ses multiples angoisses et divers problèmes (divorce, homosexualité, Sida, tueur d’enfant rôdant dans la région…) tout en se découvrant lui-même source d’effroi pour les autres. Cette étude sur la réversibilité de la peur emprunte à l’esthétique de Michael Haneke : chirurgicale, distanciée et inconfortable. Pour faire monter la tension, Philippe Lesage plaque par-dessus son fastidieux exposé psychologique un suspense pédophile très fabriqué, cadenassé par un discours vaseux sur l’origine de la violence, le tout assorti d’une partition classique tonitruante pour bien surligner le malaise généralisé.
Eric Vernay

Confusion
De Dario Cerruti

L’accueil en Suisse d’un ex-détenu de Guantanamo engendre des tractations politiciennes captées par la caméra de deux étudiants en cinéma. Une fois qu’on a compris sa nature « documenteuse », la satire ne propose plus que des poncifs emballés dans une esthétique ingrate.
Eric Vernay

Des locaux très motivés *
D’Olivier Dickinson

Le sujet est intéressant : produire bio et manger local mais ce docu scolaire a plus sa place sur France 3 Régions qu’en salles.
Christophe Narbonne

Mr. Ove *
De Hannes Holm

Le retour à la vie malgré lui de Mr. Ove, néo-veuf atrabilaire décidé à se suicider. Jalonnée de flash-backs mélos sur la jeunesse de notre anti-héros, cette comédie sur le deuil s’avère moins revigorante que paresseuse et peu drôle.
Eric Vernay

Et aussi
Le Pantin de Mallory Grolleau

Et les reprises de
Showgirls de Paul verhoeven
Easy rider de Dennis Hopper
L’aurore de F.W. Murnau
Macadam Cowboy de John Schlesinger