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 Quand il avait annoncé la présence en compétition d’Only God Forgives lors de la conférence de presse dévoilant la sélection cannoise 2013, Thierry Frémaux avait procédé à une mise en garde : non, ce n’est pas Drive 2, mais un film « radical et punk ». Il est important de s’en rappeler au moment de découvrir à son tour le nouveau Nicolas Winding Refn, qui, s’il fallait le rapprocher à tout prix d’une des précédentes œuvres du cinéaste danois, serait plus dans la veine d’Inside Job (2003) avec ses lents travelings lynchiens dans des couloirs d’hôtel au rouge anxiogène. L’histoire est volontairement minimaliste : après l’assassinat sauvage de son frère ainé à Bangkok, le manager d’une salle de boxe (Ryan Gosling) est sommé par sa mère (Kristin Scott Thomas) de le venger, initiant une spirale de violence dont personne ne sortira indemne. Un squelette narratif sur lequel Refn va pouvoir plaquer toutes ses obsessions, mettre sa chair filmique plus saignante que jamais. Loin du romantisme pop de Drive (compris ?), il orchestre ici une descente aux enfers fiévreuse, inexorable comme une tragédie grecque et parfois dépouillée jusqu’à l’abstraction. Son rythme lancinant, doublé d’une quasi absence de dialogues, pourra en laisser certains sur le carreau. Avant d’aimer Only God Forgives, il faut accepter son invitation de film-trip effectivement radical. Radical dans son ultraviolence (c’est aussi un film avec des tripes, au propre comme au figuré), mais surtout dans sa volonté d’aborder un genre – le film de baston – pour finalement parler d’impuissance à travers un héros qui perd tous ses combats : contre une mère à l’emprise étouffante, contre des adversaires plus forts que lui, et même contre une sexualité qui n’arrive pas à s’accomplir. En explorant cette thématique dans un cadre habituellement codifié à l’extrême, le réalisateur prend lui-même le risque de frustrer ceux que le « Wanna fight ? » de Gosling dans la bande-annonce avait surexcité avec ses promesses de série B arty. La bonne nouvelle, c’est qu’Only God Forgives a décidé de taper beaucoup plus haut que ça.Mathieu CarratierVoir aussi :La bande-annonce d'Only God Forgives