Les films du losange / Warner Bros. France / Wild Bunch Distribution

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

READY PLAYER ONE ★★★★★
De Steven Spielberg

L’essentiel
Deux mois après Pentagon Papers, Steven Spielberg change de dimension et signe un film de SF sidérant, doublé d’un autoportrait phénoménal.

On était un peu sceptique face au projet Ready Player One, surtout à cause du roman de Ernest Cline (Player One) et sa manière faussement cool de vanter toute la culture geek. Son petit best-seller était une célébration trop lisse et très vide de la nostalgie des années 80, une sacralisation des marques et des icônes qui virait à l’hyperconsumérisme. Cline avait pensé l’intégralité de son roman comme un vieux pot dans lequel faire bouillir tous les mythes pop (de Star Wars à la DeLoreane en passant par les jeux vidéo Street Fighter et Pac-Man) avec, comme ingrédient principal, ce bon vieux Spielberg.  
Gaël Golhen

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PREMIÈRE A AIMÉ

THE RIDER ★★★☆☆
De Chloe Zhao

Ceux qui ont vu le précédent film de Chloé Zhao ne seront pas dépaysés. The Rider a été tourné dans la même réserve indienne de Pine Bridge, Dakota du Sud. La cinéaste se penche cette fois sur le milieu du rodéo, à travers le portrait de Brady Blackburn, un jeune spécialiste du bronc riding, la monte de cheval sauvage. Tombé dans le coma après une terrible chute, le cowboy de 20 ans a désormais une plaque de métal dans le crâne et l’interdiction de faire la seule chose qui le fait vibrer : chevaucher.
Éric Vernay

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CROC-BLANC ★★★☆☆
D’Alexandre Espigares

Il y a toujours la tentation de l'indulgence en voyant un film d'animation français : heureusement, ce Croc blanc-là veut faire pour de bon du cinéma d'animation pour grands enfants, en suivant assez bien la structure du roman de Jack London, mais en modifiant sa fin. Sans sacrifier à l'anthropomorphisme (les loups ne parlent pas) ni à l'humour facile (pas de sidekicks doublés par des stars comiques, pas de chansons). On lui pardonne alors aisément ses quelques défauts techniques -une certaine raideur dans le mouvement de la caméra et des humains- mais le design des personnages est racé ; et les passages dans le monde des loups, sans dialogues, sont très bien taillés.
Sylvestre Picard

VENT DU NORD ★★★☆☆
De Walid Mattar

Vent du Nord débute comme un film social classique dans lequel Hervé, ouvrier et père de famille vivant dans le Nord-Pas-de-Calais, accepte sans broncher la délocalisation de son usine et songe à sa reconversion… avant que la narration ne prenne un tour inattendu en dévoilant quelques mois plus tard l’existence de Foued, jeune célibataire de la banlieue de Tunis qui a trouvé du travail dans l’usine relocalisée.  Par cet élargissement du regard qui alterne les récits entre France et Tunisie, la chronique se transforme en passionnante fresque socio-économique, pleine de rebondissements, qui dresse des ponts entre les destins de ces deux travailleurs : même dépendance à l’argent, mêmes frustrations face à une administration inadaptée à leurs envies de carrière, même horizon bouché par le turn-over de la mondialisation. Loin de l’objet théorique et figé, cette fable contemporaine fait au contraire la part belle aux changements de tonalités : plus facétieuse dans sa partie française (où brille Philippe Rebbot en pêcheur exalté) et plus axée sur le désir amoureux dans sa partie tunisienne, cette œuvre polyphonique porte haut la lutte quotidienne pour la dignité et l’affranchissement. Et si le mur brutal du réel se dresse dans les deux cas sur la route des personnages comme pour les pousser à l’action, l’effet miroir que dessine ce premier film tenace et engagé contient jusque dans le dernier plan une force lucide et salvatrice.
Damien Leblanc

LA TÊTE À L’ENVERS ★★★☆☆
De Josef Hader

Imaginez Buster Keaton avec la tête d’un universitaire et les cheveux roux de Louis CK et vous obtiendrez Josef Hader, clown blanc qui manie aussi bien la pantomime que le sarcasme et l’autodérision. Dans son premier film comme réalisateur, il s’est écrit un rôle sur mesure, celui d’un critique musical respecté viré brutalement pour cause de restructuration –et surtout de salaire trop élevé. Marié à une femme psy à qui il cache sa situation, ce Georg va s’acoquiner avec un loser dont il va financer le projet fou d’une attraction foraine tout en harcelant incognito le responsable de son licenciement… Avec un sens très autrichien de l’humour (longs plans fixes qui cherchent une forme de sidération comique ; personnages exagérément antipathiques dont l’humanité se révèle en creux), Josef Hader livre sa version masculine de Toni Erdmann, soit une plongée à la fois amusée et sérieuse dans la dépression d’un personnage autocentré, en conflit avec l’humanité. Au père fantasque du film de Maren Ade se substitue ici une épouse rigide qui pousse le héros, déconnecté de la réalité, dans ses retranchements et le film vers des thématiques et des ambiances plus bourrines. Moins vertige existentiel qu’affirmation tragi-grotesque d’une virilité désuète. Celle-ci prend une dimension pratiquement coenienne dans le final, très graphique, où Georg se retrouve sottement pris au piège d’immenses décors enneigés le renvoyant à sa vulnérabilité d’homme très ordinaire. 
Christophe Narbonne

LES DESTINÉES D’ASHER ★★★☆☆
De Matan Yair

Pour son premier film, l’ex professeur Matan Yair s’est intéressé à un sujet rarement abordé dans le très foisonnant cinéma israélien : les délaissés du système scolaire, ces ados issus des classes défavorisées, englués dans leurs problèmes de comportement qui finissent leur lycée sans avoir appris quoi que ce soit de l’école. Leur seule chance : intégrer une petite entreprise familiale. Asher est de ceux-là. Impulsif, presque illettré et plus porté à ouvrir sa gueule qu’un livre de classe, il canalise son énergie en aidant son père dans son business d’échafaudages. Son avenir est tout tracé. La rencontre avec un professeur de littérature va remettre en question ses certitudes. Pour autant, juste quand on pense que le film va devenir un de ces récits mettant en valeur les vertus de l’enseignant bienveillant, Matan Yair cueille le spectateur et fait basculer son héros dans une quête désespérée, une réflexion sur la perte et la frustration. On sent l’influence de Ken Loach ou des Frères Dardenne. Filmé et écrit dans une veine très réaliste, interprété brillamment par des non professionnels aux trajectoires très similaires à celles de leurs personnages, Les destinées d’Asher est un film qui vous prend aux tripes. Particulièrement dans les scènes qui dévoilent une relation père-fils plus complexe qu’il n’y paraît. Et l’échafaudage si méticuleusement fabriqué apparaît comme le synonyme d’une existence dont l’équilibre peut se rompre à la moindre erreur.
Sophie Benamon

COBY ★★★☆☆
De Christian Sonderegger

Suzanne le sait, elle veut devenir un garçon. Mais avant de se rebaptiser officiellement Jake, comme les avatars des jeux vidéos de son enfance, elle aura un nom de transition : Coby. Ses parents acceptent bien la situation. Sa copine aussi. Quant à la violence du regard d’autrui qu’on s’attendait un peu à déplorer dans ce type de parcours transgenre en Amérique profonde, il ne survient qu’en sourdine, par le biais d’une courte anecdote à la chute victorieuse. Bref, tout semble globalement doux, serein et bienveillant dans ce documentaire pourtant localisé à Chagrin Falls (!), débutant par ces mots : "je vais vous raconter une histoire marrante ». Exit donc, le sensationnalisme doloriste attendu sur pareil sujet. Si la mise en scène ne brille pas d’une folle audace (montage alterné de l’avant/après opération, nourri d’archives Youtube et d’interviewes des proches face caméra), la "transition" est racontée avec une belle sensibilité par le demi-frère de Coby. Sonderegger relate ainsi des moments très intimes - la joie enfantine procurée par la mutation de ses tétons, l'impact d’injections de testostérone sur la personnalité – sans verser dans le voyeurisme. Le cœur du film, ou du moins son aspect le plus intéressant, réside dans l’impact du changement de Coby sur sa famille, qui doit totalement s’adapter et se reconfigurer en fonction de cette nouvelle écorce et de cette nouvelle voix, qui devient chaque jour un peu plus grave. Une gravité dont le film, lui, est joliment délesté.
Eric Vernay

JESUS PETIT CRIMINEL ★★★☆☆
De Fernando Guzzini

C’est un fait divers atroce qui a inspiré ce deuxième long métrage du chilien Fernando Guzzoni (le premier, Carne de pero, est resté inédit en France) : l’assassinat dans un jardin public de Santiago d’un jeune homosexuel par quatre meurtriers du même âge que lui, dont deux connaissaient bien la victime ! Un crime gratuit, que la police a longtemps cru lié au milieu néo-nazi, avant de découvrir la bien plus banale -et encore plus tragique- réalité. Venu du documentaire, Guzzoni ne se contente pas d’ici d’un banal film d’enquête mais prend le parti de raconter cette histoire du point de vue d’un des meurtriers, danseur dans un groupe à la façon des pop-stars coréennes, couchant aussi bien avec des filles et des garçons et rendant de fait les questionnements autour de ce lynchage bien plus complexe. Un ado au père absent, livré à lui-même et ayant peu à peu déserté l’école pour les virées entre potes. Guzzoni mène de front cette relation père-fils déconstruite et ce lien fragile entre ces amis soumis à une omerta bien difficile à respecter. Mais jamais de manière scolaire. Peuplé de silences qui en disent plus que mille mots, son récit sous tension permanente tient en haleine jusqu’au dernier plan, sans jamais charger le trait. On sent juste le cinéaste moins à l’aise avec la scène du tabassage meurtrier. Logique : ce n’est pas le geste mais ses causes et ses conséquences qui constituent le sujet de ce film fort.
Thierry Cheze

APRES L'OMBRE ★★★☆☆
De Stéphane Mercurio

Stéphane Mercurio poursuit son travail entamé à la télévision en 2011, avec A l'ombre de la République, sur les conséquences psychologiques et sanitaires de l'enfermement -carcéral en l'occurrence. La réalisatrice a suivi le metteur en scène Daniel Ruiz qui entreprend de monter un spectacle avec d'anciens détenus de longue peine, à partir de leurs témoignages sur la prison. Cette libération d'une parole longtemps muselée offre de beaux moments d'émotion que la caméra, empathique, enregistre à bonne distance. 
Christophe Narbonne

C’EST ASSEZ BIEN D’ÊTRE FOU ★★★☆☆
D’Antoine Page

Au volant d’un vieux camion des années 1970, Bilal, street artist, et Antoine, réalisateur, se sont lancés dans un voyage de plusieurs mois jusqu’aux confins de la Sibérie. C’est assez bien d’être fou est un road trip comme on a peu l’habitude d’en voir -il a été réalisé en 2013, bien avant Visages Villages auquel il peut faire penser. Au cœur de l’Europe de l’Est, les deux amis font la rencontre de personnages tous aussi atypiques les uns que les autres, qui leur racontent leur quotidien. Ils vivront également des situations qui marqueront à jamais leurs mémoires. Rétrospectivement, le film se voit surtout comme un hommage à Bilal, alias Zoo Project, assassiné en 2013 aux Etats-Unis. En mêlant vidéos et dessins, le jeune homme prouvait qu’il il était un grand artiste tout-terrain, capable de performer dans n’importe quelles conditions. Cette bouffée d’air frais est aussi son testament.
Alexandre Bernard

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LE COLLIER ROUGE ★★☆☆☆
De Jean Becker

Ne vous fiez pas à l’affiche, Le collier rouge n’est pas ce dont il a l’air : l’histoire d’une « amitié » entre un homme et un chien.  Adapté du roman éponyme de Jean-Christophe Rufin, le film raconte le parcours d’un soldat pendant la première guerre mondiale sur le point d’être jugé pour un acte antipatriotique. Nicolas Duvauchelle est le héros insolent à la morgue frappée d’une gravité très touchante. Face à lui, François Cluzet est le militaire chargé de le juger. Nous sommes en 1919. Quatre ans de conflits ont transformé ces hommes. Si les deux comédiens sont parfaits, on peut regretter que l’adaptation trop sage de Jean Becker soit desservie par une langue empreintée et alourdie par des flashbacks. Toutefois, le propos sur le sens de l’héroïsme et du patriotisme offre une réflexion osée sur la guerre de 14-18.
Sophie Benamon

FROST ★★☆☆☆
De Sharunas Bartas

Sharunas Bartas appartient à cette catégorie de cinéastes qui aiment entretenir le flou autour de ses récits, donnant au spectateur un rôle actif. En l’occurrence que raconte Frost ? Le portrait d’un couple de jeunes Lituaniens en route pour une mission humanitaire en Ukraine ? Ou la chronique du conflit sanglant qui oppose depuis 2014 l’armée ukrainienne et les forces séparatistes pro-russes ? Sans doute, l’un et l’autre à la fois. Ou peut-être encore autre chose qui nous a échappé. Dès le départ, très peu d’infos sont données et jusqu’au bout la motivation des personnages restera mystérieuse tout comme les ressorts des liens qui les unissent. Dans Frost comme toujours chez Bartas, il faut s’abandonner, ne pas chercher des réponses à des questions qui seront à peine esquissées. La mise en scène et le sens du cadre y invitent. Sa direction d’acteurs aussi, y compris à travers la courte présence de Vanessa Paradis en journaliste de guerre, aussi à l’aise dans cet exercice que dans ses récents passages marquants chez Guillaume Gallienne (Maryline) et Samuel Benchetrit (Chien). Mais il y a aussi un côté poseur assez pénible dans cette démarche et une difficulté à ne pas sombrer peu à peu dans l’ennui. Jusqu’à la dernière ligne droite, enfin vraiment prenante et envoûtante. Dommage que l’heure et demie qui précède paraisse souvent interminable. 
Thierry Cheze

CARNIVORES ★★☆☆☆
De Jérémie et Yannick Rénier

Deux frères acteurs qui, pour leur premier long, racontent l’histoire de sœurs… actrices. Voilà comment résumer à grands traits le passage derrière la caméra de Jérémie et Yannick Rénier dans ce thriller heureusement plus retors qu’il ne peut y paraître de prime abord. Il y a d’un côté Mona (Leïla Bekhti), l’aînée, celle qui, la première a eu envie de devenir actrice, fait le Conservatoire et semblé atteindre son rêve. Et puis de l’autre, Sam (Zita Hanrot), la cadette qui a décollé telle une fusée pour devenir une actrice de renom propulsée en pleine lumière, quand sa sœur a dû se contenter de l’ombre. Au point qu’à l’aube de la trentaine, totalement fauchée, Mona vient s’installer chez Sam où elle va découvrir que cette dernière perd pied comme actrice, épouse et mère. Autant de places que Mona va alors être tentée de réinvestir, comme une vengeance à rebours de ce que la vie lui a volé. Carnivores possède plein de défauts inhérents aux premiers films, des maladresses. En particulier dans la mise en place de son intrigue, de ses personnages et de cette rivalité sur fond de monde du cinéma. Mais plus le film avance, plus il s’enfonce dans le thriller puis le fantastique. Et là, enfin, le film trouve son ton, sa place, son rythme et son climat. Une tension qui se passe de mots. Une animalité qui vous embarque et donne sa singularité au propos. Comme si les cinéastes s’abandonnaient à raconter une histoire à la manière de comédiennes qui s’effacent derrière leurs personnages. Et à ce petit jeu- là, le duo Leïla Bekhti- Zita Hanrot fait merveille. 
Thierry Cheze

 

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

MARIE MADELEINE ★☆☆☆☆
De Garth Davis

Pâques approche, et les films religieux sont de sortie. En attendant l’arrivée sur les écrans la semaine prochaine de Paul, apôtre du Christ (avec Jim Caviezel – le Jésus de Mel Gibson – dans le rôle de Saint Luc !), voici Marie Madeleine. Le récit de la vie de l’une des premières disciples du Christ, longtemps assimilée à une pècheresse, mais peu à peu réhabilitée par l’Eglise et dépeinte ici en figure proto-féministe. A temps pour résonner avec le mouvement #MeToo, donc, mais néanmoins empêché pour l’instant de sortie aux Etats-Unis – le film devait être distribué là-bas par la Weinstein Company.
Frédéric Foubert

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MADAME HYDE ★☆☆☆☆
De Serge Bozon

Madame Géquil (sic), prof de physique en banlieue, acquiert des pouvoirs pyrotechniques après une expérience dangereuse. C'est un film de superhéroïne qui pourrait presque dialoguer avec Split par sa vision des superpouvoirs comme une malédiction sociale et physique, mais c'est surtout un film d'auteur français qui porte incontestablement la marque d'un auteur dans le sens le plus suffisant du terme, avec son rythme bizarre, hyper littéraire (on a toutefois beaucoup de mal à retrouver la force du texte de Stevenson), voire intello prétentieux. On accroche ou pas, mais le film est objectivement difficile à voir, avec une Isabelle Huppert somnambulique, ses effets spéciaux « réalistes » et son discours in fine très classique sur l'importance des études. On retient Romain Duris, génial en proviseur lunaire et suffisant.
Sylvestre Picard

 

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