Le Château dans le ciel
Ghibli

Une oeuvre sortie en 1986 au Japon, mais seulement en 2003 chez nous.

"Ceux qui ne connaissent pas encore Le Château dans le ciel ont de la chance : ils vont goûter au plaisir des grandes découvertes. Sans aucun doute, ce film mérite de figurer parmi les dix plus grands longs métrages d’animation de l’histoire. La seule question à poser aujourd’hui, c’est : comment se fait-il qu’il ne soit pas sorti plus tôt ?"

Dans le numéro de Première de janvier 2003, Gérard Delorme racontait pourquoi le premier film officiel des studios Ghibli avait mis près de deux décennies à sortir officiellement en France. Après avoir sorti Nausicaa en 1985, Hayao Miyazaki a fondé avec son ami Isao Takahata, et le soutien de l’éditeur Tokuma Shoten, son propre studio d'animation et la première oeuvre à en sortir fut Le Château dans le ciel. Qui, malgré toutes ses qualités, n'a pas récolté assez d'argent au Japon pour que sa notoriété ne traverse immédiatement les frontières. Mon voisin Totoro, sorti en 1988 en parallèle du Tombeau des Lucioles, a mieux marché, et a surtout entraîné la vente de nombreux produits dérivés. Puis Le Voyage de Chihiro fut le premier véritable carton du studio, en 2001, et c'est lui qui lança la distribution à grande échelle des productions de Ghibli. Dès lors, en France, Gaumont a commencé à distribuer ces productions animées à raison de deux films par an.

"Le Château dans le ciel est une très bonne entrée en matière, poursuivait le journaliste. C’est un film d’aventure, à la fois classique et moderne, qui se rattache autant à la tradition de Jules Verne qu’au mouvement steam punk de la science-fiction des années 80. Miyazaki tenait impérativement à ce que son héros, Pazu, soit un garçon ordinaire qui doit compter davantage sur ses propres ressources que sur des superpouvoirs. Le personnage féminin, Sheeta, est typique également de l’univers de Miyazaki. Au départ, elle est en retrait, mais, bientôt, les circonstances l’obligent à prendre son destin en main."

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C'est là qu'il laissait la parole au cinéaste, pour qu'il raconte lui-même ce qui l'avait attiré dans cette histoire, et en quoi le monde avait changé depuis la sortie initiale du Château dans le ciel. Extraits.

"C’est ça qui m’intéresse. Des filles qui s’affirment. Les femmes douces, effacées, attentives aux demandes des hommes, ce n’est bon ni pour la société, ni pour les femmes, ni pour les hommes."

"Si on veut évoquer la révolution industrielle, on ne peut pas éviter l’Europe, qui en est le berceau. J’étais fasciné par les visionnaires de la fin du XIXe , comme Robida, dont certains dessins sont reproduits au musée Ghibli [qui s’est ouvert en 2002 à Tokyo en remportant un grand succès]. Il dessinait des projets d’aéronefs prodigieux. Certains de ces prototypes ont même été essayés. Si j’avais pris pour symbole les ordinateurs pour parler de la civilisation technologique, le film aurait vieilli très vite. Alors que ces fantastiques machines, à la limite de l’imaginaire, ne prennent pas d’âge."

"L’un de mes problèmes était la représentation des nuages. On ne pouvait les représenter qu’en 2D à ce moment-là. J’expliquais à mes animateurs qu’il fallait dessiner les nuages comme des montagnes. Pas comme quelque chose que l’on traverse, mais qu’il faut contourner. Aujourd’hui, l’illusion serait probablement mieux rendue."

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"Au départ, je voulais raconter la relation qui existe entre ce garçon et les machines fantastiques. Mais comme ce garçon est ordinaire, il ne peut pas, logiquement, connaître le secret des machines volantes. D’où le besoin d’inventer des personnages qui maîtrisent déjà cette technologie, c’est-à-dire les pirates. Là-dessus s’ajoute une troisième force: celle de l’armée du pays de Pazu, qui n’est pas une armée respectable. C’est parce qu’il y a trois forces en présence que le film est devenu un peu plus long, ce qui n’aurait pas été le cas si on s’était limité à un schéma classique où s’affrontent le bien et le mal. Là, je tenais à mettre en scène cette armée non respectable."

"À cette époque (de sa sortie au Japon, ndlr), le pays était complètement plongé dans la bulle immobilière. Les gens nageaient dans une euphorie artificielle, c’était le paradis des imbéciles. On n’avait jamais consommé avec autant de frénésie, des objets achetés à toute vitesse et aussitôt jetés. Je voulais énoncer cette absurdité en représentant le Japon d’une façon symbolique avec ce château qui partait en morceaux. Mais, avec la crise qui frappe le pays depuis maintenant dix ans, les Japonais réfléchissent davantage au sens de la vie et consomment de façon plus responsable. Les choses ne semblent pas s’améliorer. On fonce sans doute vers un désastre. Il est d’autant plus nécessaire de réveiller la conscience des hommes face aux dangers qui nous menacent. Cela me semblait évident il y a quinze ans, et c’est toujours vrai aujourd’hui."

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Pour en savoir plus sur les studios Ghibli, rendez-vous dans les kiosques : un dossier spécial sur le studio est à lire dans le nouveau Première Classics (n°22 avec Titanic en couverture). En attendant de retrouver une nouvelle oeuvre de Hayao Miyazaki au cinéma, cet été. Le cinéaste octogénaire est sorti de sa retraite, dix ans après la sortie du Vent se lève, et il prépare Comment vivez-vous ? (Kimitachi wa dô ikiru ka en version originale) pour le mois de juillet.

Totoro vu par Pierre Coffin, Dean Deblois, Brad Bird, Benjamin Renner…