Gibraltar est le premier « Gilles Lellouche movie » à sortir depuis A bout portant, il y a trois ans… Le premier… quoi ?« Gilles Lellouche movie ». Comme son nom l’indique, un film qui repose entièrement sur les épaules de Gilles Lellouche… Ça n’existe pas, un film qui ne repose que sur un seul acteur. Il y a toujours des partenaires, on n’est jamais seul. Sinon, faut faire du one-man show, pas du cinéma. Mais je vois ce que vous voulez dire : je suis dans presque tous les plans du film, l’histoire gravite autour de mon personnage…J’imagine que ça met quand même une pression différente… Pas pendant le tournage, parce que c’est vraiment un travail collectif. Mais au moment de la sortie, oui, bien sûr, on a nos petites angoisses d’acteur. « Est-ce que les gens vont venir me voir ? » Quand A bout portant est sorti, j’étais persuadé que le film allait se planter.A ce point ? C’était quand même la première fois que j’avais un film sur les épaules. Jusque-là, j’avais toujours été dans des projets très collectifs. Il y a forcément une certaine appréhension. Ce serait très présomptueux de ma part de me dire que parce que je suis à l’affiche, les gens vont se ruer dans les salles… Et puis, très honnêtement, je ne crois pas que le public d’aujourd’hui va au cinéma uniquement pour voir un acteur. Ils vont voir un film, un sujet qui les intéresse. Il y a encore vingt piges, on pouvait noyer les gens sous la promo, la pub, et ça faisait la blague. Mais aujourd’hui, les gens sont très informés. Il y a tellement de films qui sortent chaque semaine, une telle qualité dans les séries télé, que les spectateurs sont devenus très pointus. A partir du moment où l’envie d’aller voir le film n’est pas là, elle n’est pas là, et on ne peut rien y faire. Et ce que je dis vaut aussi pour les grandes stars américaines.Vous n’êtes pas nostalgique de l’époque des stars ? Quand on allait voir aveuglément le nouveau Belmondo ou le nouveau Delon ? Non, pas du tout, parce que certaines de ces stars ont abusé de ce statut. Et n’ont pas forcément toujours fait des films très intéressants. La situation actuelle est une bonne chose : ça nous met en danger. Ou alors ça veut dire que vous n’avez pas beaucoup d’estime pour votre métier et que vous voulez juste prendre un chèque.On pense à Vincent Lindon en vous regardant dans Gibraltar. Un type ordinaire plongé dans des circonstances extraordinaires : c’est typiquement un rôle que Lindon aurait pu tenir il y a quelques années… Ça me flatte. Vincent est un des plus grands acteurs français. Je suis très admiratif de l’orientation qu’il a donnée à sa carrière à partir de la fin des années 90. Je serai ravi de pouvoir emprunter ce chemin-là.Lui, c’est une star, non ? Les gens vont voir « le nouveau Vincent Lindon »… Ça dépend des films. Il est logé à la même enseigne que les autres. Je vous le répète : le système a changé et c’est tant mieux. S’il y a une chose dont je suis sûr, c’est que les gens ne vont pas aller voir Gibraltar pour voir « le nouveau Gilles Lellouche ».Jouons si vous le voulez bien à imaginer le casting d’un hypothétique remake US de Gibraltar. Qui dans votre rôle ? Qui dans celui de Tahar Rahim ? Et qui dans celui de Riccardo Scamarcio ? Benicio Del Toro dans le rôle de Riccardo. Christian Bale dans celui de Tahar. Et pour moi… (long silence)… Russel Crowe aurait été pas mal mais il est un peu âgé. Disons Joaquin Phoenix ou Mark Ruffalo. Mais attention, hein, n’allez pas dire que je me compare à eux !Interview Frédéric FoubertGibraltar de Julien Leclercq avec Gilles Lellouche, Tahar Rahim et Riccardo Scamarcio, aujourd'hui dans les salles :