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Penelope Cruz, sa dépression, sa rencontre avec Lars Von Trier... A l'occasion de la sortie de Melancholia, Kirsten Dunst dit tout !Imaginez que Lux Lisbon, l’ado éthérée de Virgin Suicides, de Sofia Coppola, ne se soit pas tuée. Elle s’appellerait aujourd’hui Justine et serait l’héroïne, toujours interprétée par Kirsten Dunst, de Melancholia, œuvre apocalyptique qui a valu à la comédienne l’honneur de rejoindre Björk et Charlotte Gainsbourg dans le cercle très intime des actrices palmées grâce à Lars Von Trier. Ne vous attendez pas pour autant à un film sur la fin du monde. C’est un drame, le deuxième après Antichrist, sur la dépression qui talonne le réalisateur danois depuis quelques années. Mais, cette fois, aucune mutilation de parties génitales, aucune séquence porno ni même de renard qui parle. Tout juste une scène de nu où Kirsten communique avec le cosmos et appelle de toutes ses forces la planète Melancholia, sur le point d’entrer en collision avec la Terre. Le chaos règne donc encore, mais c’est celui de la mélancolie, cette maladie qui fait partir le monde en cendres – une fin du monde en soi. Dans le dernier numéro de Première, l’actrice revient sur sa consécration, que le "scandale" von Trier n’a pas assombrie.Morceaux choisisPar Stéphanie LamomePremière : Comment Lars Von Trier vous a-t-il contactée ?Kirsten Dunst : Un jour, j’ai reçu le scénario de Melancholia et un e-mail qui disait : « Lars Von Trier veut que tu sois dans son film, il veut te rencontrer. » J’étais surexcitée. Comme un océan nous séparait et qu’il ne voyage pas, on a fait connaissance virtuellement sur Skype.Lui était anxieux à l’idée de parler à travers un écran, et moi, j’avais la nervosité de la fan qui va s’adresser à l’un de ses réalisateurs préférés... À la fin de la conversation, il m’a juste dit : « OK. » J’ai raccroché et j’ai exulté. De tels scénarios, on n’en voit pas passer beaucoup dans une carrière. Je savais que j’allais participer à quelque chose de très spécial et travailler avec des gens que je vénère, à commencer par Charlotte Rampling. Elle a toujours été l’une de mes actrices modèles.Il traîne derrière lui une réputation de directeur d’acteurs très manipulateur. Craigniez-vous de travailler avec le grand méchant Lars ?(Rire.) Je m’étais renseignée auprès de mon amie Bryce Dallas Howard, qui avait travaillé sous sa direction (dans Manderlay). Je savais qu’elle n’allait pas me raconter de salades et elle m’avait affirmé avoir vécu une expérience géniale. Bryce adore Lars alors que c’est quelqu’un d’ultrasensible, je pouvais donc lui faire confiance... Il ne peut pas soutirer de telles performances à des actrices sans être lui-même vulnérable. Je ne me suis jamais sentie manipulée. À la fin de la journée, il obtenait ce qu’il voulait, c’est sûr, mais ce n’est pas pour autant un Machiavel qui tire sournoisement les ficelles.À l’origine, le rôle de Justine devait être tenu par Penélope Cruz. Il n’y a pas d’actrice plus différente de vous, y compris physiquement...Je sais ! Lorsque Penélope a abandonné le projet (pour tourner dans Pirates des Caraibes : La Fontaine de Jouvence), Lars a discuté avec deux de ses amis en qui il a entièrement confiance, Susanne Bier et Paul Thomas Anderson, qui m’ont recommandée. Physiquement, c’est vrai qu’elle est plus crédible que moi en sœur de Charlotte Gainsbourg. Mais, comme Charlotte est quelqu’un de doux et de timide, ça n’a pas été très compliqué pour moi de me sentir proche d’elle. Et puis, je trouve très intéressant de jouer sur le contraste physique entre nous : elle, en apparence ténébreuse, et moi, lumineuse, alors que c’est tout le contraire dans le film. Je suis blonde aux yeux bleus, mais c’est moi qui attire les forces obscures.Lars a déclaré que le fait que vous ayez vous-même traversé une dépression l’a beaucoup aidé. Lui avez-vous vraiment montré des photos de vous au fond du gouffre ?Lors de notre première rencontre, Lars a beaucoup évoqué l’apparence que l’on a quand on est déprimé, ce « look » de la dépression. Il se trouve que, sur mon ordinateur, j’avais des images prises par un ami pendant un road-trip à Big Sur, quand j’étais au plus mal, et je les lui ai montrées. La dépression n’est pas une pose : c’est organique, on ne peut pas tricher. Derrière les yeux, tout est mort. La vie vous a en quelque sorte quitté. Lars est bien placé pour le savoir, et ça l’a effectivement inspiré de me voir dans cet état-là sur ces clichés.Lars a dit que le tournage avait été une promenade de santé pour vous comparéà ce qu’il a l’habitude de faire subir aux actrices. Auriez-vous pu aller aussi loin que Charlotte Gainsbourg dans Antichrist ?J’ai eu beaucoup de mal à regarder Antichrist. Si j’ai pu aller jusqu’au bout, c’est probablement parce que je l’ai vu de jour – ça aide. Charlotte est très courageuse, bien plus que moi. Je ne suis pas sûre que j’aurais pu faire pareil et je ne pense pas qu’Antichrist aurait été un bon film si le rôle avait été confié à une actrice trop connue, surexposée médiatiquement à cause d’une énorme franchise comme Spider-Man. Ce film est trop dérangeant, trop provoc, bizarre à vous rendre malade. Les signaux auraient été brouillés. Mais je comprends tout à fait qu’il soit possible de tourner des scènes aussi extrêmes avec Lars. On se sent en sécurité avec lui.Retrouvez l’intégralité de l’interview de Kirsten Dunst dans le nouveau magazine Premiere