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C’est un vieux serpent de mer. Un fantasme d’animateurs californiens qui traîne sur les étagères du studio Disney depuis le début des années 2000. Réaliser un dessin animé qui se déroulerait dans l’univers du jeu vidéo; la variante gamer de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? En 2005, Sam Levine, scénariste maison, travaille sur Joe Jump, l’histoire d’un personnage de jeux 80’s qui, lorsque son univers devient définitivement has been, passe dans d’autres jeux pour survivre... L’arrivée de John Lasseter et le rythme de production infernal mettent le film en stand by pendant quelques années jusqu’à ce que le réalisateur Rich Moore (un ancien des Simpson et de Futurama) et le producteur Clark Spencer reprennent le projet. Les Mondes de Ralph était né. Etrangement, seules de rares infos circulaient sur ce long très excitant. Jusqu’à mercredi dernier. Dans un cinéma parisien, Spencer (qui a produit deux disney aussi dingues que différents - l'extraordinaire Winnie L’Ourson et le déglingué Lilo & Stich) présentaient 30 minutes du film. Graphisme délirant, ADN Pixar (comme les monstres du placard et les toys, les personnages de jeux vidéo ont ici une vie secrète), sens et timing du gag impeccables, aptitude folle au voyage : ces extraits confirment que, après Volt, Disney n'est plus seulement une usine à princesses.Grâce aux explications de Clark Spencer, voilà tout ce que vous devez savoir sur le Disney de Noel 2012.Pixel et luiL’histoire des Mondes de Ralph est simple : un matin, Ralph, le vilain d’un jeu vidéo d’arcade, en a assez de jouer le méchant. Il veut devenir un héros. Sa quête existentielle lui fait traverser différents jeux vidéo avant de rencontrer une autre misfit pixelisée, Vanellope. Spencer : “L’idée d’un film sur les jeux vidéos est dans les tuyaux depuis longtemps. Mais tout s’est concrétisé lorsque Rich Moore a rejoint le studio il y a 4 ans. A son arrivée John Lasseter lui a dit : “j’aimerais que tu réfléchisses à un film qui se passerait dans l’univers du jeu”. Rich de son côté voulait travailler sur l’histoire d’un type qui se réveille un jour en se disant que sa vie est ailleurs. On en a parlé un peu et on s’est rendu compte que le monde des JV conviendrait parfaitement pour développer son sujet. Quand tu réfléchis, les personnages de jeux sont programmés pour refaire constamment la même action : détruire des immeubles, tuer des aliens, se déplacer sur une plateforme... Ralph pouvait devenir la parfaite combinaison des deux idées. La vraie différence sur ce film, c’est que Rich, qui sort des Simpson, est un génie de la comédie. Il a des idées neuves et il a bousculé les habitudes du studio”.L’auberge espagnole Il y en aura pour tout le monde. Les hardcore gamers et les geeks attendent surtout les scènes du terminal (qui font beaucoup penser à Monstres et compagnie) puisque les personnages iconiques des JV se croisent dans un hall de gare avant de regagner leur univers. Les 30 minutes présentées nous ont ainsi permis d’apercevoir Clyde, le vilain fantôme de Pacman, Cyril le zombie, Sonic et d’autres icônes. Mais du calme : plus qu’un film référentiel réalisé par des gamers et pour des gamers, Le Monde De Ralph promet d’être d’abord un ride émotionnel. “Dès le début, on savait qu’il y avait d’extraordinaires possibilités à explorer ces différents univers (dans le film Ralph évolue d’un jeu 8 bit à un FPS pour passer à un jeu de Kart girly NDLR). C’était passionnant à concevoir, mais on voulait d’abord se focaliser sur le rapport entre Ralph et Vaneloppe” Vaneloppe ? Un personnage coincé dans un jeu de Kart nommé Sugar Rush. Un glitch (une anomalie de programme) rejeté par tous les autres personnages de Sugar Rush. Quand Ralph débarque dans son monde, les deux outsiders finissent par se rapprocher et tentent de surmonter leurs différences. Cette relation - qui rappelle beaucoup celle entre Sully et Boo (encore Monsters inc) - est au coeur du projet “On pensait beaucoup à Toy Story parce que le coeur du film au fond, c’est cette relation entre les personnages. Les mondes de Ralph est un parcours émotionnel et notre défi principal c’était de faire vivre ces héros, de leur donner une consistance. Si on se contente de faire un film rigolo, les gens vont venir et l’apprécier, mais il ne leur laissera aucun souvenir. Si les gens tombent amoureux des personnages alors ils restent en eux pour toujours”. C’est le moment de préciser que Ralph est doublé par l’incroyable John C. Reilly nounours croisé dans le cinéma indé et préposé aux comédies Ferrelliennes qui change ici de registre comme de plateforme (il passe de la colère à l’angoisse existentielle ou à l’émotion pure). Dément. Face à lui, la comique ricaine Sarah Silverman réussit des acrobaties vocales absolument stupéfiantes. Tour à tour girly et agaçante (sa rencontre avec Ralph) ou calme et posée, elle donne chair à ce personnage qui pourrait être l’une des plus étourdissantes héroïnes Disney...Le cheval d’E3C’est le gros fantasme à geeks. Quels personnages seront présents dans le film ? Dans les 30 minutes dévoilées, on aperçoit Bowser, Clyde, Sonic Cyril, Bison... entre autres. “Dès le début, Rich recherchait l’authenticité. Ce qui supposait l’apparition de personnages célèbres des JV. Forcément on s’est tout de suite demandé comment on pouvait inclure ces figures. Pendant un an on a évacué ce problème : on s’est concentré sur l’histoire de Ralph. Il fallait qu’on comprenne comment il évolue, qu’on définisse sa relation avec Vaneloppe avant de rajouter des personnages". Mais à un moment, il a bien failli pénétrer cette industrie, réputée très frileuse et très conservatrice dès qu’il s’agit d’utiliser ses créations. “On s’est retrouvé à l’E3 (la plus grosse convention des jeux vidéo NDLR). On a rencontré les plus grands studios et on leur a pitché le film, on leur a expliqué comment leurs personnages pouvaient être inclus dans le film. Miracle, ça leur a plu : une brêche était ouverte. On a décidé de partager notre script, de leur montrer l’histoire, et comment le film évoluait. On voulait les impliquer. Ce qui a fini de les convaincre c’est qu’on leur a dit qu’on voulait vraiment travailler avec eux et partager notre travail sur les personnages. Quand on a construit les modèles, on leur a envoyé et ils nous ont fait des remarques... pareil pour les tests d’animation. A chaque étape de la production, on restait fidèle aux personnages et c’est cette fidélité qui nous a permis de ramener tous ces personnages".                                                                                                                                                                 Geek to geek ?Reste le gros défi du film : ne pas s’adresser qu’aux geeks. Evidemment, Les Mondes de Ralph ressemble à un fantasme de retrogamer (et les séquences 8 bit aperçues sont simplement affolantes). Mais Spencer se veut catégorique : “Quand on a lancé le film, on voulait vraiment s’adresser à tout le monde. Il fallait être universel. L’histoire est une quête existentielle. C’est celle du type qui se réveille un matin et se dit que sa vie tourne en rond, qu’il y a forcément quelque chose de différent. Les jeux vidéos ne sont finalement qu’un décor. On aurait pu créer cette histoire dans pleins d’autres univers. Vieux, jeunes, on s’est tous posé cette question : est-ce que je ne pourrais pas être quelqu’un d’autre ? Le film joue sur plein de niveaux. Il n’y avait pas de nostalgie évidente... Les JV sont là depuis 30 ou 35 ans. ils font partie de notre quotidien. Evidemment, ça parle aux gens de ma génération, mais pas seulement. Je pense que ça parle aussi aux enfants, mais la relation entre Vaneloppe et Ralph, elle, plaira également à ceux qui pourraient être allergiques aux arts vidéoludiques”. Message bien reçu. Et vérification en France et en 3D le 5 décembre.