Eric, tu te souviens de ton premier contact avec DreamWorks ?Un simple coup de fil. Mais je sautais de joie, j’étais fou. Surtout à l’idée de doubler Will Smith. C’était mon premier vrai travail de doublage, je crois. Je ne me posais pas vraiment trop de question, mais quand j’ai vu le boulot de Smith, j’ai halluciné. Il donnait des couleurs folles au personnage, passait du mélo au comique avec une facilité dingue… c’était hyper physique.Tu te souviens du coup de fil ? Ah ouais : on m’a d’abord dit que DreamWorks me voulait pour une voix. J’ai crié pendant 10 minutes tout seul dans mon salon.T’exagères un peu… Oui, mais non : DreamWorks, pour moi, c’était Spielberg à l’époque, le pape du cinoche. C’était qu’un doublage, mais le mec, il m’aurait juste demandé d’ouvrir la porte à Brad Pitt ou à Kaminsky, je le faisais…Et là, c’était Will Smith.C’était ça le plus dingue. C’était l’époque où Smith régnait sur Hollywood. C’était la période des Men in Black, il faisait la pluie et le beau temps là-bas.C’était un comédien qui comptait beaucoup pour toi ? Tu plaisantes ? C’était une icône! Il démarre avec Le Prince de Bel-Air, une sitcom trash et familiale avec des blacks cools qui font des vannes hilarantes. D’un seul coup, la série devenait cool, dans le vent et surtout il réussissait le crossover entre le mainstream et le ghetto. C’était dingue. Quand j’ai découvert ça, j’avais l’impression d’halluciner. Mais lui, en plus, était brillant en tant qu’acteur. Tu le regardais et tout paraissait facile, il jouait comme il respire. C’était le Pete Sampras de l’acting… Quand tu sais que Jamie Foxx disait rêver de devenir Will Smith, ça te donne le niveau….C’était une source d’inspiration, donc.Bien sûr ! J’aime croire qu’il y a un truc de commun entre sa carrière et celle qu’on a mené avec Ramzy. Bon, à une autre échelle, hein… Mais c’est marrant parce qu’on était en montage de Seuls Two quand il sortait Je suis une légende. Il y avait le même truc sur la solitude, la même idée post apo urbaine… C’était amusant parce que ça rejoignait nos fantasmes. Du coup, qu’on me propose de le doubler c’était génial.Mais vous avez pu vous amuser ?Il y avait peu de marge de manoeuvre. Le processus est simple : d’abord il y a le dessin animé, puis ce qu’a fait le comédien anglophone et là-dessus un metteur en scène dépéché par DreamWorks te dit quoi faire et te dirige pendant l’enregistrement… Il était hyper directif et pour moi, qui vient de la scène et de l’impro, ca a été un peu compliqué.Tu n’es pas le premier à me dire que c’est compliqué et que le doublage n’est pas ton métier… Du coup, que viennent chercher les mecs de DreamWorks quand ils appellent Eric Judor ou Kad Merad ? Un nom de connu sur l’affiche. Ca me paraît être évident. Mais en ça, ils reproduisent la stratégie de DreamWorks US. Maintenant, il ne faut pas que ce soit dissonant. Avec l’esprit du dessin animé et avec le comédien original. C’est un équilibre à trouver surtout si t’amènes des trucs personnels avec tes intonations, tes accents, ton délire….Mais DreamWorks ne va pas chercher n’importe qui...Je crois que ce que Katzenberg recherche, c’est des gens ou plutôt des voix dans l’air du temps. Son objectif, c’était -c’est moins le cas aujourd’hui, j’ai l’impression- de dépoussiérer le dessin animé tel qu’on le connaissais. En gros, le dessin animé Disney. Il a injecté une bonne dose d’humour plus adulte et ça passait par le design des personnages et surtout par les voix. Celle d’acteurs plus connus, plus décalés aussi comme Smith, Ferrell ou Chris Rock !Tu voyais une vraie différence entre DreamWorks et Disney ?Je ne sais pas si c’était conscient à l’époque, mais aujourd’hui, rétrospectivement, ça paraît clair : les thèmes de DreamWorks sont universels et un peu plus provocateurs. Regarde Shrek. La laideur, le héros monstre… c’est hyper osé. Maintenant, tout le monde s’y est mis, même Disney, mais à la base, c’était la carte de visite de Katzenberg et DreamWorks. Il voulait faire des films d’animation qui bousculent un peu l’industrie. Au fond, j’ai l’impression que DreamWorks a été à l’animation ce qu’Apatow a été à la comédie américaine : mettre de l’irrévérence et approfondir les codes. jusqu’à l’arrivée de DreamWorks, le dessin animé ne sortait pas du rang. Lui il arrive et il bouscule tout…Tu l’as rencontré ? Ah non, j’ai rencontré personne.Mince… Tu sais que Kad a dîné avec Brad, Angelina et Katzenberg ?Quoi ?... NON ? Mais tu déconnes là ? Il t’a menti Kad ! C’est pas possible ! Moi j’ai dû diner avec Rachid, Boualem et Sébastien de DreamWorks… Merde. (rires) T’es sérieux ? Putain l’arnaque. Je crois qu’ils m’ont mis à part. Soit parce qu’ils croyaient vraiment en moi et attendaient le meilleur moment pour me sortir soit parce qu’ils avaient honte. J’imagine les discussions au siège de DreamWorks : "non mais lui, il est pas sortable. On peut le présenter à personne". Tu vois le genre ? (rires). Sérieux, Kad a dîné avec Brad Pitt ? Oui et Manu Payet aussi.Non mais arrête… Tu me charries !Dans un restau du 7ème en plus.Putain… Je demande pas le red carpet, mais tu vois, une menthe à l’eau ça m’aurait fait plaisir quand même. Les rats !DreamWorks préféré ?Madagascar 3. C’est hallucinant. C’est de l’humour d’épileptique, ça va vite, trop vite et je comprends qu’on décroche.Il y a 10 vannes à la seconde. T’es en train de rire à une scène et t’en as déjà raté deux… Mais en terme d’écriture, en terme de jeu et de caractérisation des personnages, c’est de la folie.Scène préférée ?L’inspecteur français dans Madagascar 3 qui défonce tout.Réplique préférée :- Tu t’es déjà demandé si la vie c’était plus qu’un steak, Alex ?- [à son steak] Il a pas dit ça exprès mon doudou, non non non.
- Cinéma
- News Cinéma
- Eric Judor : "DreamWorks, pour moi, c’était Spielberg à l’époque, le pape du cinoche"
Eric Judor : "DreamWorks, pour moi, c’était Spielberg à l’époque, le pape du cinoche"
Commentaires