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ACAB (All Cops Are Bastards) (slogan skinhead des années 70) est l’impressionnant premier long-métrage de Stefano Sollima. L’histoire d’une bande de CRS italiens qui affrontent les hooligans autour des matchs de foot, tout en maintenant une nostalgie facho et une camaraderie violente : ACAB tape très fort là où ça fait mal. Sollima, élevé aux films de série B de son père Sergio Sollima (La Cité de la violence avec Charles Bronson) et au cinéma de genre transalpin des années de plomb, nous raconte comment il a filmé le bruit et la fureur des CRS -pardon, des « brigadiers mobiles »- de la péninsule.Par Sylvestre Picard.ACAB fait penser au cinéma italien des années 70, comme les polizzioteschi -des petits films avec un discours politique fort.C’est vrai que l’Italie ne fait plus tellement ces films, le succès de Romanzo Criminale et de Gomorra sont plus des exceptions. Mais ça a ouvert la voie, quand même, et a permis à mon film d’exister. Si les réactions en Italie sont très bonnes -du public comme de la critique- tout le monde parle surtout de l’aspect politique du film : j’ai fait des débats où le mot de cinéma n’est même pas prononcé. Il a été fait des centaines de films sur les flics, les brigades anti-crime… Le sujet des CRS, personne ne l’avait fait. Au fait, en Italie, on dit « brigades mobiles » et pas CRS. Ils doivent exclusivement s’occuper de la sécurité pour maintenir l’ordre lors de manifs et des matchs de foot sensibles.Le film fait penser à un péplum, aussi.Ah bon ? Pourquoi ?A cause de la scène de bataille entre les flics et les skinheads, au milieu du film. Le groupe de CRS est comme une légion romaine, ou une phalange grecque qui se fait prendre de flanc...C’est la première fois qu’on m’en parle, mais cette comparaison me fait très plaisir. On a découvert lors de l’entraînement des acteurs que le groupe devait combattre comme des légionnaires romains, avec la formation en tortue, le mur de boucliers, l’alternance des coups portés en-dessous ou au-dessus du bouclier... Et puis, toute cette imagerie antique…Comme la fresque du commissariat peinte par l’un des héros, qui montre les CRS comme les héritiers des légionnaires romains…C’est normal : ça fait partie de la mythologie fasciste. Ils se voient comme les héros d’une nation en proie aux barbares.Quel genre de recherches avez-vous fait ?Pendant 5-6 mois, j’ai fréquenté des policiers pour rentrer dans leur fonctionnement mental. L’un des personnages du film a un portrait de Mussolini : ils ne sont pas tous comme ça, mais on ne se rend pas compte à quel point le souvenir est tout de même vivace. Notamment avec cette idée de devoir défendre la patrie, la famille, l’état… Une idée d’extrême-droite. Tout le film reste du point de vue de la droite, de toutes façons. Que l’on voie à l'écran des policiers ou des hooligans.Pourquoi les personnages ont des noms bizarres comme Cobra ou Mazinga ?A Rome, tout le monde a un surnom. Ces deux personnages ont élevés pendant les années 70-80, ça reflète la culture populaire de leur enfance, comme le film avec Stallone et les dessins animés [NDLR : Mazinga est le nom italien de Mazinger Z, un manga/anime de Go Nagai, le créateur de Goldorak].Bill Buford [NDLR : auteur de Parmi les hooligans, un reportage sur l’infiltration des supporters violents de Manchester] estime que les hooligans font ça par exutoire, parce qu’ils ne peuvent pas partir à la guerre…Je ne pense pas. Théoriquement, il devrait y avoir au moins un mort tous les week-ends en Italie quand les hooligans affrontent la police autour des matchs de foot. Et non : c’est une violence codifiée, presque simulée. Tout ce que raconte ACAB s’est réellement passé. C’est une lutte clandestine qui dure depuis des années. Et si tu regardes leur âge moyen, les hooligans sont jeunes. Ils arrêtent à 40 ans. C’est une crise juvénile.Quel entraînement particulier les acteurs ont-ils suivi pour jouer les policiers ?De vrais policiers les ont entraînés. Mais ils ont fait surtout fait beaucoup de rugby. Les mouvements et les tactiques sont très proches de celles des gardiens de l’ordre, et ils apprennent à tenir ensemble comme dans une mêlée.En somme, votre film décrit l’affrontement entre les fans de foot et les fans de rugby.Ah ah, c’est vrai. Et devinez qui gagne à la fin ? Les rubgymen. C’est une question de physique.ACAB (All Cops Are Bastards) est sorti dans les salles françaises mercredi 18 juillet. Bande-annonce :