DR

Grossièreté, tendresse et science du gag :  Peter Farrelly revient sur le phénoménal B.A.T. - Bon à tirer, toujours en course pour le titre de meilleure comédie de l’année.Première: Dans la plupart des comédies US d’hier et d’aujourd’hui, les personnages féminins sont soit un peu nunuches, soit un peu nympho, soit utilitaires, soit ramenées à leurs rôles de mamans. Chez vous, elles sont mignonnes, drôles, cool, sympa…Peter Farrelly: ça fait plaisir d’entendre ça. Dans notre pays, on est haïs par les critiques de la presse féminine, qui nous pilonnent systématiquement en nous traitant d’enfoirés misogynes. Alors que rien n’est plus faux. L’héroïne quintessentielle de nos films, c’est Cameron Diaz dans Mary à tout prix. Une fille splendide, mais aussi rigolote, intelligente, fiable, aimant boire une bière entre amis ou fumer un petit joint. La femme parfaite, à la fois belle et bonne copine. On écrit nos personnages féminins de cette façon car on veut que nos héros puissent tomber amoureux d’elles.Dans Bon à tirer, c’est encore le même principe.Exact. Quand on a reçu le scénario de Pete Jones, on s’est marré comme pas possible et ensuite, on s’est mis à le réécrire en explorant toutes les idées qui nous venaient à propos de ces deux mecs (Owen Wilson et Jason Sudeikis) à qui leurs épouses offrent une semaine de liberté pour aller voir ailleurs. On rigolait bien mais quand j’ai montré une première version du script à ma femme, elle me l’a jeté à la figure en me disant : « Ce truc est minable. Minable et écœurant. »Mais pourquoi ?C’est ce que j’ai demandé. Et voici ce qu’elle m’a répondu : « Si tu avais un “bon à tirer”, crois bien que je ne resterais pas à la maison à me demander avec quelle fille tu es en train de passer la soirée. Si tu as un bon à tirer, j’en ai un aussi, et on verra qui restera comme un imbécile devant la télé à se ronger les sangs. » Là, ça a fait tilt. On n’est plus à l’époque de Elle de Blake Edwards, où Julie Andrews attend sans broncher que Dudley Moore franchisse le cap de sa crise de la quarantaine. Il fallait qu’on suive le concept jusqu’au bout : si on parlait de bon à tirer, il était fatal qu’à un moment ou à un autre quelqu’un passe à l’acte. Ça pouvait être l’un des deux types ou l’une des deux femmes, mais la réalité m’oblige à dire que si une belle fille a un bon à tirer, ça risque de faire mal un peu plus vite…C’est là qu’entre en scène le puritanisme du public américain…Complètement. Quand on a fait les projections tests, au moment où Christina Applegate passe à l’acte, on a pu sentir le malaise des gens dans la salle. Outrés. Ici, aux USA, on trompe sans doute aussi souvent nos femmes et nos maris qu’en Europe, mais c’est un truc qu’on n’assume pas du tout. Surtout dans les endroits les plus conservateurs du pays, comme le Sud religieux, où tout le monde préfère se voiler la face. Au moment de cette scène, les gens dans la salle étaient super mal parce qu’ils se disaient « Oh mon Dieu, elle vient de commettre l’irréparable, il n’y a plus de happy end possible. » C’est comme ça que ça fonctionne dans leur tête.C’est une des grandes forces de vos films : il n’y a pas que le gag, il y a aussi la conséquence du gag, à laquelle les personnages sont bien obligés de faire face.Quand on a débuté, les comédies enchaînaient les gags sans se soucier de cette continuité-là, ce qui faisait qu’à la fin, le public se fichait un peu de ce qui pouvait arriver aux personnages. On a toujours pensé qu’il valait mieux faire l’inverse. Réussir à ce que le public aime nos héros et les trouve touchants est aussi une façon de s’assurer qu’il rie à leurs mésaventures. C’est un équilibre permanent entre le gag hénaurme, la pure grossièreté, et une certaine tendresse. Des fois tu vas plus dans un sens, des fois un peu plus dans l’autre. Mais à la fin, c’est toujours l’émotion vraie qui doit l’emporter.Que pensez-vous de toute cette génération de comiques qui font partie de « l’écurie Apatow » et sont en quelque sorte vos héritiers ?Il y en a plein que j’adore. Apatow écrit des trucs fantastiques, pas de doute, il est très fort. Un autre dont je suis fan inconditionnel, c’est Sacha Baron Cohen. Borat et Brüno m’ont tué. Ce n’est peut-être pas pour tout le monde mais, en ce qui me concerne, ce type me fait hurler de rire.Interview Guillaume BonnetBon à tirer en DVD et blu-ray le 7 septembreBande-annonce du film :