Toutes les critiques de World Trade Center

Les critiques de Première

  1. Première
    par Nicolas Schaller

    Comment ne pas s’affliger de la manière dont Stone, cinéaste du cauchemar américain, restreint cet événement à une histoire de familles qui ont oublié de se dire «je t’aime»?
    Film de couples sur le 11-Septembre, de guerre sans guerre, d’Oliver Stone démago, World Trade Center accumule les paradoxes. C’est l’œuvre, à ce seul titre passionnante, d’un cinéaste controversé, partagé entre ses obsessions (la guerre, l’Amérique en crise, la démocratie…), la prudence, voire la bienveillance, que réclame un tel sujet, et son désir évident de se racheter une bonne conduite vis-à-vis de ses compatriotes.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Adaptant le témoignage de deux des derniers survivants des décombres des Twin Towers, Oliver Stone fait de World Trade Center, second film à épouser frontalement les événements du 11 septembre après Vol 93, une oeuvre ambiguë. Derrière son apparence patriotique et son attachement aux valeurs familiales se cache peut-être une vision critique de l'Amérique post-09/11 et de ses héros.
    - World Trade Center en images : la galerie photos
    - vos impressions ? discutez du film World Trade Center sur le forum cinémaCurieux film que World Trade Center. Il semble fait pour fédérer alors qu'il ne fera que diviser. Difficile d'abord de ne pas le confronter à Vol 93, tant ils semblent opposés. Là où Paul Greengrass partait du dispositif et du point de vue télévisuel (aspect docu-drama, impuissance de chacun devant l'événement) pour se tourner vers le cinéma et finalement regarder l'événement dans sa dimension universelle (anonymat des personnages, responsabilité collective), Oliver Stone semble choisir le contrepoint exact. Soit des héros personnifiés (John Mac Loughlin et Will Jimeno, policiers de l'autorité portuaire enfouis sous les décombres des tours), joués par des visages connus (Nicholas Cage et Michael Pena), à partir desquels Oliver Stone filme une tragédie où l'apparente bravoure et l'émotion ne cessent de s'articuler autour de l'image de l'Amérique post-09/11. Non pas pour proposer une justification morale, politique et idéologique aux conséquences des attentats (lutte contre le terrorisme, guerres en Afghanistan et en Irak), mais pour peindre un refuge des valeurs, sorte de crypte des symboles où la famille et l'amour seraient le centre de tout.Pour autant, entre Vol 93 et World Trade Center, c'est le second qui étrangement colle le mieux à la référence télévisuelle. Le film de Stone est une véritable oeuvre de cinéma. Son désir de récit comme sa volonté de dramaturgie appuyée et excessive démontre un constant recadrage de l'événement vers la fiction (comme un juste retour des choses après des attentats volontairement hollywoodiens). Néanmoins, il part du principe de dévoiler ce que la télévision n'a pu montrer : la dimension humaine, la souffrance, la catastrophe en direct depuis l'intérieur des tours (et plus succinctement, la déflagration télévisuelle). S'il fallait encore tenter une comparaison, dans le film de Greengrass, nous percevons le déroulement des attentats à partir de l' « après » (l'événement a eu lieu, voyons comment il s'est déroulé et regardons sa portée universelle et intemporelle), alors que chez Stone, nous éprouvons l' « après » depuis le « pendant » des événements (nous voyons comment l'expérience individuelle et physique des policiers traduit des valeurs américaines renforcées après coup).Une Amérique post-11 septembre figée dans ses propres clichés
    Par sa spirale quasi publicitaire des valeurs, World Trade Center finit par ressembler à une bondieuserie cachant son véritable sens. En n'hésitant pas à coller parfois à la mièvrerie ou au pathos (musique dégoulinante de sensiblerie, montage alterné entre les rescapés et leurs familles démunies dans l'attente face à leur téléviseur), à jouer avec des symboles outranciers (le film est d'abord le récit d'une résurrection où l'homme a éprouvé l'enfer, jusqu'à un plan de Nicholas Cage sortant de son tombeau), à tenter même le kitsch (apparition chromatique et mentale du Christ !), le film prend une tournure étrange et paradoxale. Sans douter de la sincérité d'Oliver Stone, on se demande comment ce qui semble dans une première lecture un éloge excessif des représentations américaines ne cache pas en fait autre chose. C'est là que World Trade Center se retourne comme un gant en délivrant son ambivalence.Oliver Stone combat le mal par la mal. A l'attaque du symbole que furent les Twins Towers, il répond par une systématisation des valeurs (famille, héroïsme, religion), avec une égale mesure de niaiserie et d'aveuglement, et finit par les inverser. Au final, le film apparaît comme une métaphore de l'enfermement où ces corps bloqués et épuisés, incapables du moindre acte héroïque (leur seul acte de bravoure est d'avoir survécu en pensant à leurs familles), traduisent l'idée d'une Amérique de l'après-09/11 figée dans ses propres clichés. Comme si les valeurs et leur imagerie étaient mises en boucle dans un incessant flash back malade. Dans l'oeuvre d'Oliver Stone, World Trade Center porte ainsi la trace d'une ambiguïté qui, pour une fois et malgré les apparences, pourrait bien laisser paraître une vraie radicalisation. Mais il faut la chercher loin.World Trade Center
    Réalisé par Oliver Stone
    Avec Nicolas Cage, Michael Pena, Maria Bello
    Etats-Unis, 2006 - 2h10
    Sortie en France : 20 Septembre 2006
    [Illustrations : © United International Pictures (UIP)]
    Sur Fluctuat :
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    - World Trade Center sur le blog ciné
    - Lire la chronique de Alexandre (2004)
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    - Lire le dossier le 11 septembre 2001 au cinémaSur le web :
    - Site officiel du film