Toutes les critiques de The Survival of Kindness

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thomas Baurez

    Dans son récit poétique, Espèces d’espaces (1974), Georges Perec écrivait : « L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner... » Ainsi posé, c’est toute une géométrie du monde qui se retrouve interrogée. Cette énigme, Rolf de Heer (10 Canoés, Charlie’s Country...), l’impose d’abord à nous spectateur (où sommes-nous au juste?), puis très vite à son héroïne, prisonnière dans une cage au milieu du vaste désert australien. L’immensité du dehors renforce l’absurdité et la violence du calvaire vécu dans cette prison dont la jeune femme à la peau noire, scrute chaque recoin pour tenter de s’y extraire. Puisqu’il y a « doute » (qui l’a emmené là et pourquoi ?), un territoire devra être conquis pour entrevoir un horizon possible. Enfin libérée, celle qui pourrait bien être la dernière humaine sur terre entreprend un long voyage et va faire l’expérience d’un univers où chaque espace traversé s’appréhende comme l’étape supplémentaire d’une épopée dantesque au pays des fous. Ici une milice équipée de masques à gaz traque les individus n’ayant pas la « bonne » couleur de peau. Tout est ici vécu à travers le regard d’une protagoniste dont la douceur offre un contraste saisissant avec la bestialité qui l’environne. Si avec ce survival abstrait et majoritairement muet, de Heer manie volontiers l’hyperbole, ce n’est pas tant le message qu’il cherche à délivrer qui passionne mais la force avec laquelle, par la simplicité sa mise en scène, son film questionne notre compréhension du monde.