Toutes les critiques de May December

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thierry Chèze

    Todd Haynes aime les actrices… qui le lui rendent bien. Aux côtés de la fidèle Julianne Moore, Natalie Portman rejoint la liste impressionnante de celles que le cinéaste a dirigées. Et cette fois- ci, inspiré par l’affaire de la prof Mary Kay Letourneau (qui a défrayé la chronique à la fin des années 90), il organise un duo/duel entre Elizabeth, une actrice qui se prépare au tournage de son prochain film et Gracie, la femme qu’elle va incarner à l’écran, dont, des années plus tôt, son histoire d’amour avec un ado de 13 ans (devenu depuis son mari et le père de plusieurs de ses enfants) lui a valu un séjour en prison.

    Cinéaste des mélos déchirants, Haynes signe avec May december un film qui tranche avec ses habitudes, dans une ambiance sarcastique et revêche à souhait. Tant Elizabeth, en quête de vérité pour son rôle semble prendre un plaisir pervers à mettre à mal, à chacune de ses questions faussement innocentes, l’harmonie familiale brandie en étendard par Gracie comme pour s’auto-convaincre que son histoire d’amour est plus belle, plus forte et plus solide que toutes les autres, en dépit des obstacles mis sur son chemin.

    Aucun personnage n’est ici à sauver, trop petitement machiavéliques pour accéder à une quelconque grandeur ou trop bas de plafond pour ne susciter autre chose que de la pitié. Il y a un côté Affreux, sales et méchants – en mode ultra- policé - dans cette plongée en eaux troubles où Elizabeth se rapproche du mari de Gracie jusqu’à une scène d’ébats plus clinique que sensuelle, symbole de cette atmosphère poisseuse créée aussi par la lumière de Christopher Blauvelt (First cow) pour coller à l’univers des tabloïds dont Gracie a longtemps fait la une.

    Ce parti pris, des effets de style assumés (utilisation des zooms, cette idée d’une caméra qui veut rayer le vernis des apparences…) créent de fait une distance avec ses personnages et limitent la capacité de ce film à se déployer émotionnellement. Mais accompagnées par le thème créé par Michel Legrand pour Le Messager – porteur d’une ironie ludique - Natalie Portman et Julianne Moore s’y déploient, elles, avec finesse et intensité, tout comme leur partenaire masculin principal, l’excellent Charles Melton (Riverdale).