Toutes les critiques de Les Bonnes étoiles

Les critiques de Première

  1. Première
    par Gael Golhen

    Faut-il préférer le titre anglais Broker qui signifie « négociant » ou « courtier » et met l’accent sur le phénomène social au cœur du film (le trafic des bébés abandonnés en Corée du Sud). Ou bien le titre français qui traduit un certain optimisme et ramène surtout le film sur son terrain quasiment fordien (on pense beaucoup au Fils du désert) ? Centré sur la famille - amputée, décomposée ou reconstruite - la filmo de Kore-eda n’est souvent vue qu’à travers ce prisme presque rassurant des liens familiaux. Mais film après film, son travail propose aussi un regard de plus en plus acéré, amer et puissant sur nos sociétés et la manière dont elles divaguent. Ce dernier long (délocalisé puisque tout se passe en Corée, avec des acteurs coréens) poursuit ces deux veines-là mais de manière exponentiellement sentimentale.

    Un soir d’été, sous une pluie diluvienne, une jeune femme abandonne son bébé sur le trottoir d’une église. Deux trafiquants le récupèrent et décident de le vendre. Ils ne savent pas qu’ils sont observés par deux femmes flics et sur leur chemin vont récupérer la mère prise de remords… Enfermé dans le van avec les « voleurs », commence alors un voyage à travers le pays pour essayer de refourguer le nouveau-né…  Si l’aspect socio est au fond très rapidement évacué, si le vernis polar se craquèle rapidement il est bien question de parentalité, de la famille dont on hérite et de celle qu’on choisit (ou qu’on refuse). Pourtant Les Bonnes étoiles est d’abord un pur film de personnages, qui avance entre non-dits et silences, confessions chuchotées et déni. La mise en scène de Kore-eda, maître du cinéma miniature, fait éclore la vérité de ses héros dans des séquences tour à tour nocturnes ou lumineuses (baignée par le soleil des bords de mer), drôles ou déchirantes. Et à mesure que l’on découvre ses âmes meurtries qui vont faire un bout de voyage ensemble, une douce mélancolie s’installe, submergée par une vague d’émotions qui éclabousse l’écran dans une demi-heure finale irrésistible - la référence à Magnolia (qu’on vous laisse découvrir) n’a rien d’une coïncidence. On allait oublier de préciser que Song Kang-ho trouve ici l’un de ses meilleurs rôles et que Doona Bae est magistrale - mais ça, vous vous en doutiez.