Toutes les critiques de Il n'y aura plus de nuit

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thierry Chèze

    C’est au début des années 90 que tout a changé avec la première Guerre du Golfe dont les images semblaient sorties d’un jeu vidéo. Un conflit dont on ne voyait plus les morts, le sang répandu, mais juste des tirs de bombes comme des feux d’artifices. La guerre- spectacle dans toute sa splendeur… hollywoodienne. Trente ans ont passé, la technologie n’a cessé de progresser et l’inédit est devenu la norme. C’est d’ailleurs en tombant sur des images d’archives militaires de surveillance et de bombardements issues de caméras thermiques infra rouges qu’Eleonore Weber a eu l’idée de ce documentaire. Son film évolue dans un parfait équilibre entre ces images hypnotiques, la voix off jamais redondante de Nathalie Richard et les échanges radio entre le duo de pilotes de chaque avion (celui qui tient le manche et celui chargé de tirer) où l’on oscille entre surveillance, précision redoutable des tirs, angoisse des bavures et une certaine jouissance de l’acte accompli. Mais par- delà ce spectacle hypnotisant, ce documentaire pose la question du regard objectif. Chez le militaire en action comme chez le spectateur profane. Deux angles de vue distincts mais qui se retrouvent sur un point : plus on regarde, plus ce qu’on voit nous échappe. Car ces images censées mettre la vérité à nu ont, à l’inverse, tendance à halluciner le réel. Plus on nous donne à voir, moins on sait, raconte Il n’y aura plus de nuit. Une réflexion pertinente à l’aune de notre quotidien, loin des terrains de guerre, où la surveillance par drone tend à se développer. Une vraie œuvre politique.