Toutes les critiques de Après la vie

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Filmé caméra à l'épaule, Après la vie est une histoire de couple, décliné sous l'angle du mélodrame. Très proche de ses acteurs, Lucas Belvaux crée une intensité dramatique inattendue grâce aux deux remarquables comédiens que sont Dominique Blanc et Gilbert Melki.
    Pascal Manise (Gilbert Melki) est inspecteur de police à Grenoble. Il cherche à arrêter Bruno Le Roux, un terroriste échappé de prison et en cavale dans la région. En parallèle, et depuis quinze ans, il fournit sa femme Agnès (Dominique Blanc) en morphine grâce à un accord tacite avec le parrain local. Ces deux situations se retrouvent inextricablement liées et vont amener le couple au bord du précipice.La première image nous renseigne d'emblée sur l'ambiance de ce dernier volet : dans un téléphérique, un homme, Pascal Manise, plonge son regard vers la pénombre de la ville. Il la domine avant d'y être englouti. Le visage est fermé, soucieux mais déterminé. Il semble descendre vers les limbes. En bordure de l'enfer, cet homme cherche une forme de rédemption, au moins à ses propres yeux, mais ne sait pas comment s'en sortir. Tout au long du film, sa solitude l'accompagne plus fidèlement que la compagne de sa vie. Et pourtant, c'est bien une magnifique histoire d'amour, pleine de silence, de cris, d'angoisse et de fureur qui nous est dévoilée.Essentiellement portée à l'épaule, la caméra nous rapproche jusqu'à l'insoutenable de personnages sur le fil du rasoir. Difficile de ne pas penser à John Cassavetes filmant Gena Rowlands et sa souffrance sans apprêt lorsque, les traits tirés ou déformés par les symptômes de manque, Dominique Blanc apparaît, se contorsionne, souffre, lutte ou s'abandonne. Sa prestation est remarquable. Intense et juste à la fois. Celle de Gilbert Melki, dans un registre très différent, l'est tout autant. Alors qu'il nous apparaissait primaire dans Cavale et Un couple épatant, il est ici un type un peu perdu et dépassé par les événements, qui n'aspire qu'à des choses simples : ne pas perdre celle qu'il aime et détruit en même temps, se faire aimer, s'aimer lui-même. Cette simplicité est profondément touchante et rachète un personnage trop vite condamné. On apprécie en outre que ces deux remarquables performances fonctionnent à l'unisson et permettent de beaux instants d'émotion. Ainsi l'infinie tendresse qui lie le couple apparaît-elle criante de vérité au détour de petits gestes simples : la caresse sur le vêtement qu'elle lui offre, un regard éperdu, un câlin où les bras s'enchevêtrent pour sembler ne jamais devoir se séparer.La qualité de leur interprétation était nécessaire au bon fonctionnement de l'ensemble. En effet, Après la vie est un film qui vient libérer les hommes, leur fait confiance et s'appuie sur eux. La caméra se met au service des acteurs. Pas de mécanismes bien huilés ( de comédie pour Un couple épatant), ni de genre marqué (film noir pour Cavale) pour donner la direction de ce mélo. Ce sont les hommes et les femmes, de chair et de sang, qui l'emmènent et le portent. Le réalisateur, ses choix et ses manipulations semblent disparaître, s'effacer devant eux. L'humanité qui transpire à chaque instant l'emporte devant les principes narratifs. Le sujet s'impose, pour cette fois, à l'objet de manipulation.A ce titre, il est intéressant de revenir sur le personnage de Gilbert Melki, qui, de ridicule dans les deux autres volets, devient ici héroïque. Confronté à un dilemme insoluble, il s'élève au rang de héros tragique. La transformation de ce personnage, dont la perception par le spectateur se modifie radicalement d'un volet à l'autre, est la plus parlante des illustrations d'un des propos sous-jacents au projet de cette trilogie : ne pas condamner trop vite, porter attention à chacun, modifier son point de vue pour ajuster, au plus juste, sa vision des situations, des personnes. La dualité même des deux héros (flic et fournisseur de drogue pour lui/ prof et morphinomane pour elle) alimente, un peu plus, cette belle idée qu'un regard ne suffit pas à classer les êtres.Après la vie arrive donc comme une superbe conclusion à cet ambitieux projet mené de main de maître par Lucas Belvaux. Peut-être le plus réussi de la trilogie, à coup sûr le plus émouvant, ce film nous surprend et nous touche au plus profond grâce à deux comédiens remarquables qui réussissent à magnifier l'évident amour que le réalisateur porte à tous ses personnages.
    Après la vie
    Réal.: Lucas Belvaux
    Avec: Dominique Blanc, Gilbert Melki, Catherine Frot, Lucas Belvaux, et la participation d'Ornella Muti et François Morel.
    France-Belgique, 2h03, 2002
    Sur Flu :
    - Lire la chronique de la Raison du plus faible (2006)
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    - Lire la chronique de Cavale.
    - Lire la chronique de Après la vie.
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