Toutes les critiques de Appleseed

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Adaptation du manga éponyme de Masamune Shirow, Applespeed pose la question d'une humanité possible dans un monde essentiellement peuplé de machines. Avec une conscience de l'oppression technique, sublimée par une vision poétique, propres au peuple japonais contemporain.
    L'imaginaire japonais moderne est irrigué tel un réseau intarissable des questions que soulève le rapport entre l'homme et la machine. Rares sont les civilisations et les cultures de par le monde à être autant préoccupées d'un avenir commun, d'une coexistence possible entre l'homme et ses créations, ses machines et ses objets. Non pas qu'en Europe ou aux Etats-Unis, les questions n'aient jamais été posées, qu'il n'y ait eu d'importantes analyses hier et aujourd'hui ; mais au Japon semble exister, dans l'inconscient populaire, une autre forme de souci face à l'avenir.Cette interrogation plus spécifiquement japonaise semble démontrer une confiance possible (et parfois certaine) dans la modernité technique. Pour les Nippons, il n'y aurait pas de rejet, de visions funestes d'un avenir probable où l'homme vivrait en guerre avec ses machines, car celles-ci, en tant que projections de l'homme, peuvent recevoir le don de vie, ouvrant le champ à une possible communion. Dans ce pays qui a connu l'avènement apocalyptique de la modernité technique un mois d'août 1945 à Hiroshima et Nagasaki, pour qu'une nouvelle ère voit le jour, qu'un homme nouveau issu de la science et de ses outils puisse enfin vivre sur une terre sans conflit, il faut que l'humanité fasse d'abord la paix avec les créations qu'elle a engendrées.Tel est en résumé le sujet d'Appleseed, brève et simple adaptation du manga éponyme de Masamune Shirow, déjà créateur de Ghost in the Shell, adapté en deux volets au cinéma par Mamoru Oshii. On ne s'étonne donc guère de retrouver des thèmes similaires propre à la cybernétique. Ceux-ci hantent d'ailleurs l'imaginaire japonais, truffé de robots, de machines pensantes voire désirantes et qui bien souvent reprennent avec leurs spécificités les questions longtemps soulevées, entre autres, par le romancier de science fiction Philip K. Dick.Dans cette adaptation d'Appleseed, conçue presque entièrement en images de synthèse, la question se pose au travers d'un récit philosophique ponctué de références mythologiques plus ou moins légères, et d'une simili enquête suivant un schéma classique. Si la construction et l'enchaînement des situations restent sans surprise, la subtilité tient au parcours d'une héroïne partagée entre le fait d'être maîtresse de l'action et spectatrice d'un monde en devenir. Prise entre des hommes souhaitant éradiquer les machines pour assurer leur propre domination, et d'autres individus cherchant à supprimer l'homme afin que seules restent les machines et que la paix règne définitivement, la protagoniste principale représente celle par qui une conscience pacifique peut enfin advenir. Celle qui fait le lien entre l'homme et ses clones.Film à la beauté froide, presque mécanique, Appleseed séduit malgré un sujet que le cinéma japonais connaît bien. Pour quelques idées, telle la scène (bouleversante) où l'héroïne revit la mort de sa mère grâce à un procédé holographique, ou encore pour les visions d'un paradis urbain (Utopia) où l'homme vit en paix avec ces machines à qui il ne manque que l'amour, Appleseed, tout en mêlant l'intime et le collectif, continue cette interminable recherche théorique ouverte par la modernité. Sans la profondeur conceptuelle et métaphysique de Mamoru Oshii, mais avec une volonté spectaculaire plus affirmée (quoique pas toujours aboutie), Appleseed participe de ce rare cinéma qui parvient à se projeter dans le futur avec un souci poétique. Un futur qui n'est que l'hypothèse de notre présent et la somme de son passé ; soit une vision de l'homme, élaborée au sein d'un pays, le Japon, qui est le véritable épicentre du monde post seconde guerre mondiale, et par-là son laboratoire à fantasmes, à expériences ultimes.Appleseed
    Un film d'animation de Arakami Shinji
    Japon, 2004
    Durée : 1h45min
    Sortie salles France : 31 août 2005[Illustrations : Appleseed. Photos © Eurozoom]
    - Lire le mini-dossier Mamoru Oshii publié à l'occasion de la sortie de Ghost in the Shell (2002)
    - Consultez salles et séances sur le site Allociné.fr