Justice Climatique
Arte France

Réalisateur d'une docu-série en 4 épisodes, à voir sur Arte.tv, Zouhair Chebbale raconte comment il a suivi 4 épopées judiciaires à travers l'Europe. Quatre mouvements citoyens transformés en affaires d'Etat, pour lutter contre le réchauffement climatique. Ou le tribunal comme nouveau front de la bataille écologique.

PREMIÈRE : Comment est née cette idée de faire une série documentaire au cœur de la bataille juridique écologique ?
Zouhair Chebbale : Je suis quelqu'un qui s'intéresse à la société dans laquelle je vis. J'ai des enfants et donc tout ce qui est lié à l'écologie m'intéresse. Étant d'origine marocaine, les problèmes d'eau et de sécheresse sont des choses qui me parlent. Et puis un jour, j'ai vu passer dans l'actualité cette fameuse pétition « Notre Affaire à tous ». Je l'ai signée et j'ai été à la rencontre de Marie Toussaint, à l'initiative de « L'Affaire du siècle » et de ce procès contre l'Etat, pour lui soumettre l'idée de faire un documentaire, afin de faire écho à son engagement. À partir de là, j'ai tiré les fils des autres affaires. Parce que toutes ces affaires judiciaires sont interconnectées. Le service juridique d'Urgenda (aux Pays Bas), qui fut la première affaire européenne basée sur un contentieux climatique, a aidé « Notre Affaire à tous », les guidant dans leurs démarches juridiques. Ils ont aussi aidé les affaires des Portugais et des Suisses.

Justice Climatique
Arte France

Vous avez suivi quatre affaires emblématiques afin qu'elle soit découpée en quatre épisodes ?
Non, au départ, je pensais faire un film de 52 minutes classique racontant la justice européenne pour sensibiliser les gens. J'avais envie d'apporter des solutions et sortir du simple constat, pour donner un peu d'espoir. Quand le projet a été soumis à Arte, ils ont proposé que ça se transforme en série pour la plateforme Arte.tv. Et c'est vrai que ça s'y prêtait parfaitement, puisqu'on suit quatre affaires, en France, au Portugal, aux Pays-Bas et en Suisse. C'était logique de découper cela en quatre épisodes. D'autant que c'est un format qui touche plus facilement les jeunes, à savoir le public visé par la série ! Il a donc fallu que j'apprenne à écrire une série. Léa Ducré m'a beaucoup aidé là-dessus.

« N'importe quel citoyen de ces pays pourra aller devant les tribunaux pour demander une compensation financière à son propre État, s'il considère être lésé dans sa vie de tous les jours »

Concrètement, comment s'est passé le tournage ? Comment avez-vous promené votre caméra au cœur de ces affaires ?
Pendant près d'un an et demi, entre 2021 et 2023, j'ai pu aller à la rencontre de ces acteurs. On est d'abord allé au Portugal, ensuite aux Pays-Bas puis en France et enfin en Suisse. Ce sont quatre affaires vraiment différentes. Urgenda était la pionnière, la première à faire condamner son gouvernement national. Et l'Etat hollandais a joué le jeu. Il a accepté la décision de justice et a pris des mesures. C'était vraiment une collaboration et un signal positif que j'avais envie de raconter. L'affaire des Portugais m'a emmené sur une dimension complémentaire, parce qu'elle s'est déroulée à un niveau européen. Ils ont attaqué directement 33 États, sans passer par la justice de leur pays ! Quant aux Suisses, ce sont des séniors qui ont été déboutés à trois reprises à un niveau national. Alors ils sont allés devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Du coup, cela offrait un panel démographique et un panel d'affaires intéressants. Cela montre le spectre global de ce qui se passe en Europe en termes de justice climatique.


Quel est le message de la série finalement ?
On veut montrer qu'en menant la lutte collectivement, il est possible de faire avancer les choses. Aujourd'hui, la lutte doit se faire au niveau juridique. Mais pas sur le plan national. Il faut mener le combat devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Parce qu'une condamnation de la CEDH ne serait pas symbolique. Si elle intervient, tous les pays signataires de la convention des Droits de l'Homme seront contraints. N'importe quel citoyen de ces pays pourra aller devant les tribunaux pour demander une compensation financière à son propre État, s'il considère être lésé dans sa de tous les jours par rapport au changement climatique. Si cette condamnation arrive, l'Etat ne pourra plus se défausser.

Justice Climatique est lauréate du Fond Impact 2023 en partenariat avec le FIDADOC. Qu'est-ce que ça apporte à la série ?
Ce label permet à la série de rejoindre un circuit de distribution permettant qu'il soit vu par le plus grand nombre. Ce sera un tremplin. Ce qui me réjouit avec le Fond Impact, c'est justement qu'il sera montré à un maximum de monde. Et c'est ce que je veux. D'habitude, les films finissent sur une étagère à DVD ou aujourd'hui dans un fichier sur un ordinateur, après sa diffusion télé. Là, il n'y a pas d'histoire de droits. La série, telle qu'elle est, peut être diffusée autant que nécessaire. Pendant 1 an, Justice Climatique sera visible sur Arte.tv. Ce qui est très rare à la télévision. Le label Impact permet donc un écho supplémentaire.

Justice Climatique - Série documentaire de 4x15mn - Depuis le mardi 9 avril 2024 sur arte.tv, YouTube et les chaînes sociales d’ARTE