Messieurs, le film de superhéros a des difficultés à exister en France. Pour quelles raisons ?SIMON ASTIER : Ici, les artistes comme les spectateurs ont du mal à conserver la naïveté qu’il faut pour apprécier tout ce qui est enfantin.THOMAS SALVADOR : En principe, ce genre, tout comme le western, ne peut exister qu’aux États-Unis. C’est le pur produit d’une époque, d’une histoire récente, de besoins idéologiques à un moment précis. Chez nous, on a des problèmes de codes, de vraisemblance et de croyance.Pourtant, les superhéros made in France existent. Xavier Fournier, vous en recensez plus de deux cents dans votre livre Superhéros, une histoire française...XAVIER FOURNIER : Aux XIXe et XXe siècles, la littérature superhéroïque est un phénomène international. Le Japon a par exemple sa « Chauve-souris d’or » au début du XXe siècle. En France aussi, la production est régulière. Cet élan se brise après-guerre : à cette époque, certains pensent qu’inventer des surhommes ou des gagnants veut dire recréer une génération de nazis. On s’est pris l’image des « vainqueurs » en pleine figure.Comment pourrait-on remédier aux réticences des cinéastes et du public français ?THOMAS : Simon parlait de naïveté, je suis d’accord. Pour faire ce genre de films, il faut avoir un côté enfantin. L’Amérique est un pays de croyance, c’est même écrit sur leurs billets de banque. Il n’y a que dans une production hollywoodienne qu’un adolescent peut, en trois jours, se transformer en superhéros, se poser la question de sa responsabilité vis-à-vis du monde puis, au lieu d’être gêné par son corps en mutation, décider de se fabriquer un costume.Sur le plan commercial, vous pensez qu’il y a des blocages typiquement français ?SIMON : Dans notre culture télé, les héros sont des flics. Je ne sais toujours pas comment j’ai fait pour mettre le pied dans la porte et réaliser une série de superhéros. C’est un combat quotidien depuis huit ans.THOMAS : Mes courts métrages ont un style très « auteur ». Tout le monde a donc été surpris que je veuille tourner un long mêlantcomédie, fantastique et même une séquence de poursuite, des éléments sur lesquels le public du cinéma d’auteur a généralement des a priori négatifs. Cela excitait les financiers mais, en même temps, ça leur faisait peur parce qu’on avançait en terrain inconnu.SIMON : On entend partout que « les films de superhéros ne marchent pas en France ».XAVIER : Si des réalisateurs s’étaient plantés trente-six fois,  je serais d'accord. Mais ce n’est pas le cas.>>> Hero Corp : c’est officiel, la saison 5 sera la dernièreLa suite de cet entretien est à lire dans le nouveau numéro de Première, avec Colin Firth en couverture :>>> Au sommaire de la nouvelle formule de Première : Kingsman, Colin Firth, Birdman, Marina Foïs, Star Wars, 50 nuances de Grey...En bonus, Xavier Fournier, Thomas Salvador et Simon Salvador ont révélé pour Premiere.fr quels étaient leurs films de superhéros préférés :SIMON : Le Batman de Tim Burton, pour son incapacité à ranger sa souffrance. Il en est esclave, du coup il s’impose une mission, tout en gardant une grande noirceur en lui. Mais bizarrement les Batman de Nolan ne m’ont pas emmené vers ça. Parce qu’il a des couilles de 8 kilos, un peu comme Superman. Moi je préfère le côté humain et c’est ce que j’essaie de faire dans Hero Corp, où je parle vraiment des gens, de la capacité à tenir debout. Ils ne peuvent sauver le monde que parce qu’ils ont une capacité humaine, le sens du groupe, de l’amitié.THOMAS : Incassable de Night M. Shyamalan, c’est hyper beau. C’est Américain, mais il y a quelque chose d’un peu « contre » l’aspect US, tout est un peu modeste, tout est « modestifié ». Il y a des séquences magnifiques, comme quand l’enfant qui est dans la culture des comics, et qui sait donc ce qu’est un super-héros, demande à son père de l’être. C’est très ancré, c’est très incarné. Sinon quand j’étais ado j’adorais Spiderman, la version téléfilm des années 1980 m’a marqué, et aussi les BD des X-Men, avec l’idée de collectif et de complémentarité.XAVIER : V For Vendetta. Il y a un bel équilibre entre le romanesque et la satire politique. Ça veut dire des choses même si au premier degré ça n’a pas de sens. C’est un film de paradoxes, qui fait comprendre à quel point la figure du héros, il faut la regarder, mais pas l’adopter – l’anarchiste « V » torture son ami pour lui faire comprendre ce qu’il a vécu… La BD avait été conçue par Alan Moore et David Lloyd dans les années 1980, c’était très anti-Thatcher, et ça a été remis au goût du jour de manière intelligente dans le film. Ce n’est pas un hasard si le masque a ensuite été repris par plusieurs mouvements. Il y avait une résonnance. Propos recueillis par Eric Vernay (@ericvernay)Bande-annonce de Vincent n'a pas d'écailles :