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Après l’exotisme, la romance s’empare de la comédie française.

 


 

Comme disait Gilles Lellouche hier soir pendant la présentation de Sous le même toit, l’Alpe d’Huez est un festival où tout le monde se croise, se parle, se tient chaud : spectateurs, acteurs, réalisateurs et journalistes se mêlent le temps de quelques jours avec une surprenante facilité. Un exemple : on avait rendez-vous pour des interviews au Chamois d’or et sur la terrasse, prenant le soleil et un café, Pierre Richard se prélassait face au massif répondant aux questions des curieux ; un peu plus tard, on pouvait voir la salle entière du palais du festival entonner un joyeux anniversaire à Audrey Lamy (initié par sa sœur), avant que Jérôme Commandeur ne se lance dans une déclaration d’amour pour le président... Omar.

L'ascension et Bienvenue au Gondwana transportent les festivaliers de l'Alpe d'Huez

L’amour c’est ça la clé : des torrents d’amour, des stalactites de bonheur qui dévalent sur le public. Il se dégage ici un climat affectueux qui n’est pas seulement lié à l’altitude mais aussi à ce mélange des gens, des genres et des films. C’est beau. Et ça tombe bien surtout pour le journaliste fatigué : l’amour était au cœur de la programmation du jour. Dominique Farrugia venait présenter sa nouvelle comédie, Sous le même toit, où il faisait revivre le couple Delphine 1 Yvan 0, le temps de les voir exploser en vol. Juste avant, on avait eu L’Embarras du choix, nouvelle comédie d’Eric Lavaine qui montrait les émois amoureux d’une femme incapable de choisir. Deux styles différents, deux tons, mais un même sujet : le couple (et ses petits tracas).

De la comédie à la mélancolie

Dans L’Embarras du choix, Eric Lavaine, qui a souvent tapé en dessous de la ceinture (les inénarrables pets de Cornillac au fond de la piscine dans Protéger et servir ou l’intégralité de Poltergay…) trousse une comédie cette fois-ci élégante qui raconte les déboires d’une jeune quadra incapable de prendre la moindre décision. Ca va du choix du yaourt à la coiffure (frange ou pas frange ?) en passant par les mecs. Evidemment ça devient très compliqué quand elle se retrouve à trois mois de ses deux mariages. Vraisemblablement inspiré par les classiques américains virevoltants des années 30 et 40 et les comédies UK pétillantes où chaque second rôle compte, L’Embarras du choix multiplie les quiproquos, les claquements de portes et fonctionne surtout grâce à son trio de filles explosif. Sabrina Ouazani incarne avec son rire communicatif la copine accro à Tinder et emmène le film sur les rives d’un Sex and The City à la française (plus goguenard, mais aussi bien looké) ; Anne Marivin, elle, joue l’amie rangée, le roc secrètement fragile, marié à un vieux garçon bonhomme. Et elles doivent accompagner Alexandra Lamy qui hésite donc entre un cuistot sauvage (Arnaud Ducret) et un écossais romantique. Lamy est étonnante – moins dans la construction de son personnage sexy que dans la manière dont elle tire parfois le film vers la mélancolie. Parce que sous les falbalas de la comédie, derrière les gags et les canapés de saumon, au fond des verres de vodka, se cache aussi une vraie amertume.


L’économie du couple

Après l’amour, la séparation. Sous le même toit commence quand Delphine décide de virer Yvan après que ce dernier l’a trompée. Reprenant les personnages de Delphine 1 Yvan 0 (après Julie Gayet et Serge Hazanavicius c’est Louise Bourgoin et Gilles Lellouche qui incarnent son couple moderne), Dominique Farrugia compose une comédie sociale dans l’air du temps. C’est parce qu’ils sont victimes de la crise qu’Yvan et Delphine doivent partager la maison malgré la séparation. Imaginez L’Economie du couple version comique et vous aurez une bonne idée du ton du film : alternant les plages de tendresse et les flashs de vacheries qui rendaient la salle hilare, le film slalome entre moments touchants, vrais délires et portrait générationnel. Farrugia semble chercher la veine d’Yves Robert et tous ces films français des années 60-70 où les problèmes de couple, les ennuis de potes et de domesticité, étaient le cœur de comédies incroyablement dialoguées et qui fonçaient vite à travers leur époque. Avec la patte de Farrugia (qui fait un caméo largement plébiscité hier), plus trash et plus brut. Si le film perd un peu son rythme dans sa dernière partie (quand il faut recoller les morceaux, et que les enfants prennent le pouvoir), tout le début qui chronique la relation de Delphine et Yvan obligés de cohabiter fonce à toute blinde et marche notamment grâce aux acteurs en surchauffe : Gilles Lellouche est impeccable en quadra incapable de grandir, et il compose un vrai con sympathique, capable du pire comme du meilleur. Louise Bourgoin est parfaite dans le rôle de cette fille larguée (dans tous les sens du terme) qui essaie de se reconstruire comme elle peut, entre tracas du quotidien et angoisse de la solitude. Et Manu Payet imperturbable copain, manie le second degré incisif de manière géniale.