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"D’t’façon y’a pas plus ringard que le raciste,Ces terroristes veulent faire taire l’islam,Quel est le vrai danger : le terrorisme ou le taylorisme ?Les miens se lèvent tôt, j’ai vu mes potos taffer,Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo."Voici le couplet qui pose problème dans la chanson Marche créée par un collectif de rappeurs (Akhenaton, Disiz La Peste, Nekfeu, Kool Shen, Soprano…) et mené par le producteur DJ Kore à l’occasion de la sortie du film La Marche. Si le morceau ne fait pas partie de la BO du film de Nabil Ben Yadir, des éléments sonores et visuels ont été fournis par son producteur, Hugo Selignac, et sa boîte de production Chi-Fou-Mi, et la vidéo, habillée de la même typographie, est relayée sur le site de La Marche. La controverse atteint donc également la promo du film.Le nœud du problème ? Les paroles de Nekfeu à l’encontre de Charlie Hebdo. Dans ce morceau censé se placer dans la ligne de tolérance et antiraciste du film, il est question "d’autodafé" et de "chiens". Des termes particulièrement provoquant quand on sait que l’hebdomadaire a été victime d’un incendie criminel en novembre 2011 et que Charb, son directeur de la rédaction, est menacé de mort par Al-Qaïda à cause de l’affaire des caricatures.D’ailleurs ce dernier n’a pas tardé à réagir et, dans un communiqué, a dit "découvrir avec effarement la violence des paroles de la chanson Marche (...) qui reprend les propos que tient habituellement l’extrême droite musulmane lorsqu’elle évoque notre journal. (…) Pas de plainte, ni de demande particulière. J’aimerais simplement que la production m’explique le rapport entre une marche antiraciste et fraternelle en 1983 et un chant religieux communautariste qui appelle à brûler un journal satirique antiraciste en 2013". Remarque à laquelle Kore s’est empressé de répondre en prônant la liberté d’expression tout en reconnaissant "des paroles parfois violentes". Mais il émet certaines réserves : "Je comprends parfaitement que Charlie Hebdo s’offusque, mais ce n’est pas cette réaction que j’attends d’eux. Réagir comme ils le font, c’est jouer le jeu des extrêmes". D’ailleurs, il est possible d’imaginer que ces propos soit juste de l’ordre du « bon son » faisant ainsi rimer harmoniquement "potos taffer" et "autodafé". Ils n’auraient pas ainsi pour but d’être pris au premier degré mais bien au figuré signifiant qu’il ne faut pas laisser la parole aux propos racistes ou stigmatisant. Il n’en reste pas moins que la référence à l’autodafé, littéralement acte de foi, faisant écho aux exécutions par le feu lors de l’Inquisition, est particulièrement déplacée.Entre les deux, le producteur du film, Hugo Selignac tente de se justifier dans un communiqué de presse paru hier : "Nous avons été contactés il y a un mois par DJ Kore, un producteur de musique qui a eu l’idée de réunir plusieurs artistes de la scène rap et de faire un morceau qui rendrait hommage aux Marcheurs dans l’esprit de ce qui avait été fait en 1997 à l’occasion du lancement du titre 11'30 contre les lois racistes. Nous avons fourni des éléments sonores et visuels du film mais le morceau Marche ne fait absolument pas partie de la bande originale du film La Marche et n’est pas présent dans le film". Cette distance prise avec la chanson, dont ils affirment n’avoir jamais vérifié les paroles avant sa mise en ligne, ressemble davantage à une désolidarisation : "A l’opposé du message de la partie incriminée dans ce titre musical, le film prône la liberté d’expression et la non-violence. Il s’agit d’un projet totalement indépendant du film, et dont les bénéfices seront intégralement reversés à l’association des Marcheurs de 1983. Ni la production, ni le réalisateur Nabil Ben Yadir, n’ont été et ne sauraient être associés à l’écriture de ces textes, qui, nous le déplorons et le reconnaissons, peuvent choquer". Une division qui n’est pas très étonnante puisque cette controverse vient parasiter une promo bien rôdée basée sur la fraternité et un message apolitique, areligieux et tolérant. Car, il ne faudrait pas l’oublier, La Marche fait bien référence à la Marche des Beurs de 1983 où des personnes issues de plusieurs horizons avaient décidé de marcher, dans la paix, contre le racisme et pour un apaisement social. C’est ce qu’on appelle un faux pas.