Lovie Simone dans Selah And The Spades
Jomo Fray/ Amazon Prime

Un teen movie au scénario un peu attendu mais réalisé avec soin et remarquablement interprété.

Dans l’internat très élitiste de Pennsylvannie où elle suit ses études, Selah Summers fait partie des populaires cools. La preuve ? Elle est à la tête d’un des clans qui composent cette école. Et pas n’importe lequel, celui qui fournit ses camarades en alcools et drogues en tout genre pour les soirées festives. Bref, Selah fait partie de celles qu’on envie. Cassante, conquérante et a priori sans faille… Mais on sait qu'il faut toujours se méfier des a priori.

Pour son premier long métrage, Tayarisha Poe a donc choisi d’évoluer sur le terrain très codifié du teen movie. Et entre guerre des clans, ados au bord de la crise de nerfs, petits coups bas et perfides vengeances, son scénario reste en territoire connu. Mais si Selah & The Spades a tapé dans l’œil d’Amazon (qui va même le décliner en série) lors du festival de Sundance 2019, c’est pour une toute autre raison. Ou plutôt trois. D’abord pour Selah, ce personnage féminin fort, complexe et ambigu. Une jeune fille que jamais sa réalisatrice ne va nous forcer à aimer, bien au contraire. Une héroïne imaginée comme un croisement improbable entre la Alicia Silverstone de Clueless et le Pacino de Scarface. Une vraie chef mafieuse et girly. Mais girly au sens le plus moderne et féministe du terme : de la trempe de celles qui ne s’en laissent pas compter ni manquer de respect. Sauf qu'elle tient son clan d’une telle main de fer qu’elle va peu à peu se perdre dans son intransigeance. S’embrouiller avec son bras droit juste parce qu’il est tombé amoureux et lui semble alors soudain désinvesti à ses yeux. Devenir jalouse de celle qu’elle a pourtant choisie pour lui succéder mais dont elle se sent instinctivement rivale. L’écriture de ce personnage apporte au film la profondeur et la surprise dont son scénario dans son ensemble manque. Et elle permet de finalement vous embarquer grâce, en outre, à deux autres atouts majeurs. Une mise en scène qui assume ses effets et ses artifices et déploie sa puissance enveloppante lors des scènes de fête, superbement éclairées par Jomo Fray, le directeur de la photo de Port authority. Et une interprétation de très haut niveau d’où émergent Lovie Simone dans le rôle de Shela et Celeste O’Connor dans celui de sa disciple et bien involontaire rivale. Ces deux révélations là crèvent l’écran.