Guide du 20 février 2019
Pathé / Mars Films / Warner Bros. France

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

LE CHANT DU LOUP ★★★★☆
De Antonin Baudry

L’essentiel
Le Chant du loup est une totale réussite dans son domaine, celui du cinéma d’action mental, épuré et humain. On adopte.

Au large de la côte syrienne, un sous-marin français attend de pouvoir récupérer une unité spéciale de nageurs de combat. Mais un autre submersible rôde, et seul le jeune Chanteraide, « l’oreille d’or » du navire français, est capable, à l’aide de ses écouteurs et de ses micros, de décrypter les bruits de la mer et de repérer le sous-marin ennemi. La tension est affolante, pourtant, c’est seulement la scène d’introduction du Chant du loup, et tout le film pourrait se tenir là, encapsulé dans son habitacle de submersible un peu bricolé : ces hommes d’équipage qui se serrent dans un espace réduit en utilisant un langage ésotérique, incompréhensible, bourré de chiffres et de symboles (« Trouve-moi une solution en 5-0-7 ! J’adopte ! ») qui donne une poésie inimitable (bien que militaire) à la moindre phrase.
Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A ADORÉ

GRÂCE À DIEU ★★★★☆
De François Ozon

Pour une fois, le cinéma a rattrapé la réalité. On écrit cette critique alors que le cardinal Barbarin répond au tribunal et que Bernard Preynat, prêtre pédophile, attend toujours de passer en jugement. Mais le film qu’a tiré François Ozon de cette histoire est déjà en boîte. Précisons tout de suite que son évocation minutieuse d’une des plus retentissantes affaires de pédophilie de ces dernières décennies est une oeuvre aussi puissante que subtile.
Gaël Golhen

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LES FUNERAILLES DES ROSES ★★★★★
De Toshio Matsumoto

Un sacré morceau de cinéma ressuscite en salles françaises, et c'est d'autant plus important que le film n'était jamais sorti en France : Les Funérailles des roses, réalisé par Toshio Matsumoto en 1969, raconte l'histoire d'Eddie (formidable Shinnosuke Ikehata, de son nom d'artiste Peter, qui jouera le Fou dans Ran de Kurosawa), un jeune travesti travaillant dans un bar gay tokyoïte, qui va se retrouver dans une sale affaire de pouvoir et de vengeance. 
Sylvestre Picard

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AMAL ★★★★☆
De Mohamed Siam

Sur une période de cinq ans, Mohamed Siam a filmé le parcours d’Amal, jeune fille révoltée, maltraitée par la police, au Caire, Place Tahrir, en 2011 alors qu’elle n’avait que 14 ans. “J’ai les cheveux courts parce que les police me les a arrachés”, dit-elle à son petit ami qui s’émeut de sa masculinité affichée. Siam recourt à un montage elliptique et fragmentaire qui rend à la fois compte de l’état émotionnel d’Amal et d’un pays en proie au chaos depuis la révolution égyptienne. Amal a en effet fait sienne les convulsions et les contradictions de ce grand pays arabe en pleine crise identitaire face aux aspirations démocratiques de ses citoyens. Habillée en garçon pendant son adolescence pour pouvoir manifester sans être inquiétée, la jeune fille joue alors au mec, parle fort, invective. “Tu es un voyou !” crie-t-elle au visage d’un policier, interdit, avant de s’embrouiller avec sa mère qui a longtemps soutenu Moubarak. En filigrane, Siam glisse des extraits de vidéos de famille montrant Amal enfant, filmée avec amour par son père, mort dans l’intervalle. Le fantôme de ce père chéri hante ce documentaire rageur et poignant à la fois, qui s’achève à la majorité d’Amal, à l’heure des choix -pour le moins surprenants. Puissant.
Christophe Narbonne

 

PREMIÈRE A AIMÉ

EUFORIA ★★★☆☆
De Valeria Golino

Ça commence sur un air de Joe Dassin et finit par une chanson de Tuxedomoon. Le programme d’Euforiatient entre ces deux pôles : l’ébullition et la mélancolie, l’amour et la perte, ce qu’on veut retenir et ce qu’il faut laisser, les mensonges qu’on prononce pour les autres et ceux qu’on préfère à la vérité. Entre Matteo (Riccardo Scamarcio), homosexuel flamboyant qui mène une vie de lux(ur) e à Rome, et Ettore (Valerio Mastandrea), professeur provincial et époux malheureux, la fraternité reprend ses droits quand ce dernier tombe malade. Le temps qui manque précipite la réinvention des rôles, la déchirure de la pudeur, l’emphase des sentiments. Pur mélodrame à l’italienne, Euforia a les qualités d’une bonne pop-song : ça semble durer moins de trois minutes, mais ça reste en tête pendant longtemps.
Michaël Patin

LES AVENTURES DE RITA ET MACHIN 
★★★☆☆
De Junya Takagi et Pon Kozutsumi

Adaptation par des Japonais d’une BD française pour enfants, ce programme court (48 minutes), découpée en dix segments, relate la relation affectueuse et mouvementée entre une fillette et son chien. Chronique naturaliste du quotidien à la façon des albums Martine, le film montre nos deux héros à la plage, à la piscine, à l’école, aux courses, à un concert... Par son minimalisme esthétique (décors quasi absents, trait “enfantin”, couleurs pastel), le film évoque aussi un Mes voisins les Yamada pour les préscolaires. Joli.
Christophe Narbonne

LES MOISSONNEURS 
★★★☆☆
De Étienne Kallos

Etienne Kallos est un Sud-Africain d’origine grecque, mélange qui influence directement son premier long. L’Afrique du Sud en constitue le coeur ; plus précisément le monde rural des Afrikaners, où une fervente chrétienne ramène dans son foyer un orphelin et demande à son fils de l’accepter comme son frère. La Grèce en symbolise l’âme. C’est le pays de la tragédie au coeur de cet affrontement haineux et passionnel entre un ado sage veillant sur des terres qui lui appartiendront un jour et son exact opposé, rival inattendu qui le révulse autant qu’il le fascine. Sous influence « malickienne », la lumière de Michal Englert participe à ce trouble par sa manière d’éclairer ces peaux diaphanes comme les champs de maïs, épicentre de cet affrontement. Et malgré une entame longuette, le film frappe par sa maîtrise rarement prise en défaut.
Thierry Chèze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LA GRANDE AVENTURE LEGO 2 ★★☆☆☆
De Mike Mitchell

En 2014, Phil Lord et Chris Miller signaient avec La grande aventure Lego 2 un film d'animation familial et ambitieux, visuellement très dense et proposant au cours d'une intrigue à 200 à l'heure des réflexions bien senties sur la société de consommation. Les blagues fusaient, mais elles ne noyaient pas pour autant l'évolution du héros, Emmet, petit constructeur dont l'optimisme à toute épreuve finissait par donner la pêche aux spectateurs. Son mantra "tout est super-génial" y était pour beaucoup.

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BAGHDAD STATION ★★☆☆☆
De Mohamed Al-Daradji

Pour le cinéaste Mohamed Al-Daradji, 41 ans, son rapport à l’Irak est un éternel retour. Il a plusieurs fois quitté son pays natal en proie à une grande instabilité pour rejoindre l’Europe. Une chose n’a cependant pas bougé, c’est cette volonté farouche de filmer l’Irak, persuadé que la fiction ou le documentaire, peuvent remplacer les images d’actualité forcément réductrices et redonner à voir la réalité d’un pays sacrifié.
Thomas Baurez

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DESTROYER ★★☆☆☆
De Karyn Kusama

« Nicole Kidman comme vous ne l’avez jamais vue ». C’est écrit en gros sur l’affiche et c’est vrai : la star est méconnaissable dans le rôle d’une détective alcoolique dont le passé d’infiltrée (dans un gang de braqueurs) lui revient en pleine figure. C’est l’atout et la faiblesse du film, vampirisé par une Kidman que la caméra de Karyn Kusama (Girlfight) semble vouloir réinventer à chaque plan en méthode actress ultime – trop tard, le poste est déjà occupé par Charlize Theron. Indépendamment du cas Kidman, Destroyer se rêve en polar « fincherien », dark et nihiliste, mais se présente plutôt comme un épisode au féminin de Breaking Bad, avec son héroïne dépressive et antipathique qui tente vainement de rétablir des liens familiaux. Les rapports tumultueux avec sa fille fournissent d’ailleurs au film ses meilleurs moments.
Christophe Narbonne

LA CHUTE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN 
★★☆☆☆
De Denys Arcand

Les décennies passent et Denys Arcand continue de poser son regard sarcastique sur nos sociétés. Cette Chute de l’Empire américain constitue le troisième volet d’un cycle entamé avec Le Déclin de l’Empire américain et Les Invasions barbares. Après le sexe et la mort, l’argent. Celui qui rend fou et aliène toutes les couches de la population. Celui qui tombe du ciel dans l’escarcelle de son héros, docteur en philo reconverti en chauffeur-livreur, « héritant » de sacs bourrés de billets après un hold-up raté. Cet argent va insidieusement faire voler en éclat toutes ses valeurs altruistes. Disparu des radars depuis 2007 (peu de films réalisés, aucun marquant), Arcand reprend ici du poil de la bête, mais sa réalisation sans relief ne rend pas grâce à son maniement toujours aussi acéré de l’art de l’ironie.
Thierry Chèze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

BLACK SNAKE, LA LÉGENDE DU SERPENT NOIR ★☆☆☆☆
De Thomas Ngijol et Karole Rocher

Projet très longtemps rêvé par son acteur et co-réalisateur Thomas Ngijol, Black Snake se passe dans les 70s et raconte les aventures de Clothaire, superhéros africain élevé par un maître en arts martiaux chinois mais plus porté sur l'alcool et les femmes que par un sens aigu de la justice. Il va quand même embrasser son destin de justicier face à un affreux dictateur à la main d'or, soutenu par des barbouzes français. Entre Black Dynamite -pour le côté rétro blaxploitation- et Kick-Ass -pour son côté comic book vulgos- Black Snake ne ressemble pas à grand-chose à l'arrivée.
Sylvestre Picard

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PARADISE BEACH ☆☆☆☆☆
De Xavier Durringer

Quinze ans après un braquage qui a mal tourné, Mehdi sort de prison pour rejoindre ses camarades qui, depuis, se la coulent douce dans le cadre paradisiaque de Phuket. Son but ? Récupérer sa part dont il va vite comprendre qu’elle est partie en fumée. Forcément, il ne va pas très bien le prendre et le Paradis va se métamorphoser en enfer... Ce n’est pas quinze mais neuf ans qui se sont écoulés depuis le dernier Durringer au cinéma : La Conquête sur le sacre Sarkozy à la présidentielle 2007. Mais son Paradise Beach semble, lui, tout droit sorti d’un autre âge. Montage saccadé tentant sans succès de faire oublier le train de sénateur auquel avance son récit, succession de répliques grandiloquentes impossibles à jouer, il se noie – tant sur la forme que sur le fond – dans un océan de clichés. Et ce, sans l’once d’un second degré qui lui donnerait au moins le charme de la parodie volontaire.
Thierry Chèze

RENCONTRER MON PÈRE 
★☆☆☆☆
D’Alassane Diago

Dans son deuxième documentaire, le cinéaste Alassane Diago quitte son Sénégal natal pour confronter celui qui l'a abandonné dès sa naissance. Avide de réponses, le jeune homme se retrouve dans la campagne gabonaise où son père a élu domicile. Ce dernier s'y est amouraché d'une autre femme et élève ses enfants sans se préoccuper de sa vie passée. Avec une sobriété assumée, Alassane Diago s'entretient plusieurs fois avec cet "étranger", muré dans un silence coupable, sans parvenir à l'atteindre. Les quelques bribes de conversations qui ressortent de ces entrevues fastidieuses ne sont pas plus éclairantes. Encore moins émouvantes. La seule chose qui ressort de ce documentaire aride est une expérience infructueuse, tant pour ses protagonistes que pour le spectateur.
Jean-Baptiste Tournié

 

Et aussi
Food evolution de Scott Hamilton Kennedy
La Liberté de Guillaume Massart
Le jeune Picasso de Phil Grabsky
Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares de Radu Jude
Plan Bee de Fabrice Poirier

 

Reprises
L’arc et la flûte d’Arne Sucksdorff
Tommy de Ken Russell
Les affameurs d’Anthony Mann
Les trois âges de Buster Keaton