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Oscar, à quel point êtes-vous proche de Llewyn Davis?

Je n’ai pas du tout la même approche des relations humaines. Contrairement à Llewyn, je suis plutôt chaleureux et j’aime bien montrer clairement aux gens que je ne leur veux pas de mal. Pour choper l’attitude de Davis, je me suis demandé comment communiquer sans parler et sans sourire. Bon... un exemple : je peux sortir une vanne de manière très casual. Je ne vous dirai rien, et surtout pas que c’est censé être drôle. Si vous riez, si vous comprenez, alors on continuera de parler. Sinon... au revoir. Pour tester ça, je suis allé dans des soirées. Je ne souriais à personne, mais j’essayais quand même de communiquer. Croyez-moi, ça met les gens très mal à l’aise. Ils se demandent si je ne suis pas en train de les juger. Llewyn est comme ça, constamment. Et ça l’expose encore plus que s’il était ouvert et direct. Ca crée une tension émotionnelle constante.

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Qui était Dave Van Ronk, dont les Coen se sont inspirés pour inventer le personnage que vous jouez?

Van Ronk était un musicien qui révélait les gens, il les entraînait et il leur apprenait à jouer de la guitare. C’était un maître, un mentor pour toute une génération d’artistes dans les 60’s. Dylan par exemple a dormi sur son canapé. Mais s’il n’est pas devenu célèbre, Van Ronk n’était pas pour autant un loser. C’est juste qu’il n’était pas carriériste, et en cela, Llewyn lui ressemble beaucoup : il méprise les ambitieux qui ne marchent qu’au fric et au succès. Une attitude pareille est forcément très ambiguë : il croit en ses chansons, il aimerait que ses disques se vendent, mais en  même temps, il déteste l’idée de se vendre. C’était le postulat des Coen. Ne pas parler de Dylan, du génie qui joue au Gaslight, est repéré par la critique et transforme la musique folk pour toujours. Mais préférer celui qui faisait sa première partie. C’est cruel, mais c’est la vie.

Comment votre expérience de musicien vous a-t-elle aidé?

Pas tant que ça finalement, simplement parce que je n’avais jamais joué ce genre de musique. J’ai plutôt joué de la guitare rythmique. Quand j’avais 16 ans, j’ai étudié la guitare classique pendant 6 mois, ce qui m’a laissé des notions de fingerpicking. Mais je n’avais qu’une vague idée de ce qu’on appelle le “Travis”, ce jeu de guitare qui consiste à jouer la note de basse avec le pouce, alors que les autres doigts jouent le contrepoint et l’harmonie. C’est un peu comme jouer du piano. D’ailleurs, Van Ronk disait qu’il aurait dû faire du piano, même s’il détestait cet instrument à cause des nonnes qui, enfant, l’avaient obligé à faire ses gammes. Du coup, il a fallu que je m’entraîne ; j’ai été sur Youtube consulter des films de Dave Van Ronk où il enseigne son jeu de guitare et j’ai adopté son style - sans trop de difficultés. Mais c’est quand même très éloigné de mon style. Moi, j’ai joué avec des groupes punk hardcore, avant d’évoluer vers ce qu’on appelle l’indie rock.

Propos recueillis par Gérard Delorme

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