Cailee Speany dans Civil War (2024)
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L’actrice américaine de 25 ans découverte dans Priscilla de Sofia Coppola fait partie de la mission suicide du Civil War d’Alex Garland aux côtés de Kirsten Dunst. Entretien.

Cailee Spaeny, 25 ans, a gagné ses galons à l’ombre du King. Dans Priscilla de Sofia Coppola, l’actrice américaine y tenait le rôle-titre, celle d’une jeune fille en fleur qu’Elvis Presley a choisi pour femme et retenu dans sa prison dorée de Graceland. Ce récit d’une douloureuse émancipation lui a valu la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la dernière Mostra de Venise. Speany réapparait aujourd’hui dans une prison plus vaste, les Etats-Unis, pays en proie à une guerre ouverte et décomplexée entre factions armées. Ce scénario du pire, c’est l’anglais Alex Garland qui l’a imaginé dans le bien-nommé et bien troussé Civil War. La jeune actrice est Jessie une photojournaliste qui va suivre son mentor Ellie (Kirsten Dunst) dans une expédition périlleuse à la rencontre du président des Etats-Unis. En attendant, Cailee Speany par visioconférence interposée, nous invite dans sa chambre d’hôtel à Austin, Texas où a eu lieu la première du film.   

Après Civil War, Alex Garland veut arrêter de réaliser des films

Civil War marque votre deuxième collaboration avec Alex Garland après la série Devs (2020). Ce film s’inscrit donc dans une continuité …  

Cailee Spaeny : Alex aime travailler avec les mêmes personnes de film en film et ça ne se limite pas seulement aux interprètes. Prenez, Rob Hardy, c’est le chef opérateur de quasiment tous ses films. Sur ses tournages, il y a un côté troupe de théâtre assez rassurant. Alex avait mon nom en tête en écrivant le rôle de Jessie. C’était aussi le cas de Stephen McKinley Henderson qui interprète Sammy. Bref, j’ai très tôt entendu parler du film d’autant plus que Civil War a mis du temps à se concrétiser. Alex a dû mettre ce projet de côté, le temps de réaliser Men (2022). Régulièrement nous nous croisions pour parler de Civil War afin de creuser toutes les problématiques soulevées par cette histoire… De mon côté, j’ai fait des recherches auprès de photojournalistes plus ou moins célèbres afin de comprendre leur manière de fonctionner, de cerner leur rapport au danger. Un danger directement lié à leur geste artistique. Lorsque vous avez la chance d’être impliquée de cette manière dans un projet, il se créait inévitablement un rapport affectif très fort.

Civil War a un profil atypique, sous ses airs de grosse machine guerrière se cache un film plus intimiste qui évite la surenchère… Comment Alex Garland vous a-t-il présenté les choses ? 

Connaissant le travail d’Alex, je savais que nous serions plus proche du film indépendant, du moins dans sa veine auteuriste que du blockbuster. Toutefois, nous ne parlions jamais du film en ces termes. L’idée était de savoir ce que nous voulions raconter et exprimer…

Cailee Speany et Wagner Moura dans Civil War (2024)
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… Justement, quelle vision du présent propose le film, selon vous ?    

Civil War est une pure fiction qui n’entend pas prédire quoi que ce soit. Le cinéma permet d’exorciser ses peurs et de poser des questions sur ce qui nous dépasse. Lorsque j’ai lu le scénario, j’ai été effrayé par cette vision du monde qui, si on accepte sa part fantasmagorique, trouve des correspondances avec notre présent. 

Qui est Jessie que vous incarnez ?

Une aspirante photojournaliste qui cherche à témoigner, à rendre compte du réel. Elle est prête à tout pour ça. Elle dédie sa vie à cette passion qui devient pour elle, une ligne de conduite. C’est intéressant de travailler un personnage au sein d’un film dont la fonction est de fabriquer des images. Il y a comme une mise en abîme vertigineuse. Avec Kirsten [Dunst] qui incarne mon modèle dans le film, nous faisions un parallèle entre nos personnages et notre rapport à l’industrie cinématographique, un monde basé justement sur le regard et l’image. Je suis la plus jeune qui regarde son aînée et cherche à apprendre à ses côtés…

Kirsten Dunst dans Civil War (2024)
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Entre Kirsten Dunst et vous, le point en commun est Sofia Coppola. On vous a en effet découverte dans Priscilla dont vous teniez le rôle-titre…

Précisons que j’ai tourné Civil War avant Priscilla. Lors des répétitions, j’ai rencontré Kirsten et si nous avons évoqué le travail de Sofia Coppola, je ne savais pas encore à ce moment-là que j’allais tourner avec elle. Rien n’était acté. C’est vers les derniers jours du tournage que je suis allée voir Kirsten pour lui dire que Sofia m’avait engagée. Elle m’a alors prise dans les bras : « Tu vas vivre des moments extraordinaires ! »  Elle m’a dit à quel point le travail avec elle avait été enrichissant et notamment dans sa manière d’aborder les personnages, de déceler le mystère qui émane d’eux et de construire sa composition à partir de ces zones d’ombre. Kirsten avait 23 ans quand elle a tourné Marie-Antoinette. J’en avais 24 au moment du tournage de Prisicilla. Il y a quelque chose de similaire dans notre destin.

Outre l’aspect psychologique, votre travail sur Civil War était, on s’en doute, très physique…

Le tournage avait quelque chose de très immersif. Alex a créé un espace dans lequel il était difficile de s’extraire. Le plateau de tournage était un monde en soi. Dès lors, il était impossible de se dérober. Des Navy Seals (commandos d’élite de l’armée américaine) nous encadraient en permanence. Nous devions les suivre. Les bruits de balles et d’explosions que vous entendez dans le film sont devenus pour nous la norme, une bande son quotidienne…

Civil War d’Alex Garland. Avec : Wagner Moura, Kirsten Dunst, Cailee Spaeny… Durée : 1h49. Sortie le 17 avril.