MEMENTO-TERESA ISASI / AD VITAM / PARAMOUNT PICTURES FRANCE

Ce qu’il faut voir cette semaine.

LES ÉVENEMENTS

 

EVERYBODY KNOWS ★★★★☆ 
D’Asghar Farhadi

L’essentiel
Des stars, l’Espagne et un suspens bergmanien : Farhadi pose ses caméras loin de l’Iran pour mieux réaffirmer son style et ses obsessions.

Rétrospectivement, Le Passé ressemblait à un film un peu asphyxié. En quittant l’Iran pour la banlieue parisienne, Asghar Farhadi semblait s’être égaré dans un drame hors du temps auquel il manquait sans doute la part « documentaire » qu’on trouvait dans ses œuvres précédentes. Sa force minérale et brute aussi, qui jusque là émergeait du bourbier de contradictions de ses personnages… Comme si le changement de territoire avait anesthésié sa mise en scène, comme si le passage à une autre langue impliquait forcément le délayage dans un esperanto glamour moins efficace. Après un retour au pays (Le balèze Client), il change une nouvelle fois de latitude.
Gaël Golhen

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PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE
De Christophe Honoré

Avant de partir vers d’autres cieux, Alain Resnais proposait d’Aimer, boire et chanter. Le bien vivant Christophe Honoré reprend à son compte une partie du programme et invite lui-aussi à exulter. Le temps de son film – les années 90 sur fond de Sida – est pourtant gris. La mort rôde. Elle s’annonce d’emblée via un poignant message sur un répondeur automatique de salon (oui, la chose a existé un jour !) que reçoit Jacques (Pierre Deladonchamps). La voix d’un ami à bout de souffle envahit le petit appartement, elle demande un peu d’aide, une place pour s’éteindre : « pas envie de mourir chez mes parents, trop déprimant. »
Thomas Baurez

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PREMIÈRE A AIMÉ

DEATH WISH ★★★☆☆
De José Padilha

Paul Kersey, chirurgien débonnaire et new-yorkais, voit sa vie basculer quand des voyous agressent sa famille, tuant sa femme et plongeant sa fille dans le coma. Il va prendre les armes pour les venger. En 2018, signer un remake d'Un justicier dans la ville, archétype du film de vigilante à l’époque incarné par Charles Bronson, c'est sortir sans gilet pare-balles dans un monde (disons : les Etats-Unis de Trump) où la présence des armes à feu est plus questionnée que jamais.
Sylvestre Picard

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RESTER VIVANT ★★★☆☆
D’Erik Lieshout, Arno Hargers, Reiner Van Brummelen

Partant d’un des premiers textes de Michel Houellebecq décrivant la nécessité de souffrir pour son art, le documentariste Erik Lieshout a réuni le poète-romancier et Iggy Pop, dont la chanson Open up and bleed est une variation sur le même thème. Leur rencontre témoigne de leur estime mutuelle, mais le film suit également quelques autres artistes qui illustrent chacun à leur façon comment la poésie leur a permis d’échapper à la souffrance tout en nourrissant leur créativité : un ancien chef d’entreprise rescapé de l’asile psychiatrique, une schizophrène elle aussi sauvée par la poésie, et l’illustrateur Robert Combas. Cette suite de moments forts, parfois drôles, toujours bien sentis, se termine par une belle image des poètes en marche à l’aube sur le boulevard St Germain, comme une armée d’éclopés à l’attaque.
Gérard Delorme

DAPHNÉ ★★★☆☆
De Peter Mackie Burns

Dans trente ans, lorsqu’on se demandera « À quoi ressemblait une jeune femme moderne en 2018 ? », Daphné sera une réponse. Trentenaire fêtarde, cérébrale et rétive à toute attache sentimentale, Daphné est témoin d’une agression qui va lui faire reconsidérer son incapacité à se lier. À fendre sa carapace martelée au cynisme contemporain. Le premier long de l’Anglais Peter Mackie Burns se regarde comme une double chronique. Celle du changement moral de son héroïne, évolution à hauteur de vie, à la fois juste, profonde et tout juste visible ; et chronique de son environnement urbain, traversé autant qu’elle par une douce mutation. Car Daphné vit à Elephant & Castle, un quartier métissé du Sud de Londres, joyeux melting-pot ébranlé par la gentrification et forcé, à l’instar de Daphné, de se réinventer. La ruche londonienne et le cerveau bouillonnant du l’héroïne se répondent ; personnage et ville se reflètent comme deux instantanés croisés de la Londres actuelle et d’une fille d’aujourd’hui. Cette fille, c’est Emily Beecham, la nouvelle petite Anglaise que l’on va adorer. Rousse incandescente au visage de camé pâle, Emily Beecham contourne son propre classicisme esthétique. Elle insuffle à Daphné sa grâce mais aussi une rudesse et un bagout qui corsent habilement sa plastique évanescente. Résultat ? Jamais décodée, sa psychologie singulière est montrée telle qu’elle, brutale, expurgée d’artifice et de minauderie cinématographique. Ce qui se produit alors est suffisamment rare au cinéma pour être signalé : Daphné est une fille telle qu’on en connaît dans la vie.
Anouk Féral

 

 

PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LÉO ET LES EXTRATERRESTRES ★★☆☆☆
De Christoph Lauenstein, Wolfgang Lauenstein et Sean McCormack

Ce premier long métrage d’animation met en scène un ado de 12 ans solitaire élevé par son seul père certes débordant d’amour mais surtout en total décalage avec le quotidien de ses congénères. Car ce père aux allures de savant fou est ufologue est moqué par toute la ville. De quoi forcément blesser son rejeton voire lui faire rejeter un paternel vivant vraiment trop dans son monde décalé de toute réalité pour lui permettre de vivre, lui, dans une normalité discrète. Jusqu’au jour où ce gamin est à son tour confronté à la vie extra- terrestre. Trois aliens au tempérament déconneur débarquent en effet et l’entraînent dans une succession de folles aventures. Il y a du Tex Avery dans la manière dont ce trio d’andouilles intergalactiques font souffler ci et là un vent de dinguerie dans un divertissement familial bien trop sage et convenu dans son ensemble. Tant sur la forme de son animation que sur le fond de ces aventures. Comme si le trio de réalisateurs refusait toute embardée et menait leur récit la main en permanence sur le frein pour ne perdre aucun public en route. Dommage car c’est précisément dans ses sorties de route que ce film d’animation séduit.
Thierry Cheze

LOS ADIOSES ★★☆☆☆
De Natalia Beristain Egurrola

Ce long métrage a a le mérite de nous familiariser avec une auteure peu connue et encore moisn reconnue de ce côté-ci de l’Atlantique : Rosario Castellanos. Considérée comme l’un des écrivains majeurs de la littérature mexicaine du 20ème siècle au spectre extrêmement large (romans, essais, poèmes, pièces…), elle fut aussi et surtout une figure majeure du féminisme dans son pays. Et c’est sur ce combat-là que se concentre plus particulièrement le film de Natalia Beristain Egurrola. O y suit la montée en puissance de cette jeune étudiante introvertie et sa lutte incessante pour se faire une place dans l’univers ultra machiste de la littérature de l’époque. Son principal adversaire ? Son mari, Ricardo Guerra, lui-même auteur très prisé qui accepte mal ce qu’il vit comme une concurrence insupportable ! Comme si la voir vivre harmonieusement ses vies de femme, de mère et d’écrivain lui semblait un geste de pure provocation uniquement ciblé contre lui. Mais ce portrait passionnant et concret du féminisme en action est hélas ici desservi par un manque, tant dans la conduite du récit que dans sa mise en scène. Un biopic bien banal au regard de la vie hors normes de son sujet. Comme un contresens maladroit.
Thierry Cheze

 

 

Et aussi
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Reprises
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