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PREMIÈRE : Revoir Möbius en Blu-ray procure une drôle de sensation...ÉRIC ROCHANT : Ah bon ? Racontez-moi, je ne l’ai pas vu.Ça ne vous intéresse pas ?Pas spécialement et, de toute façon, on ne m’a pas proposé de travailler dessus. Je suis surtout attaché à la sortie en salles. Pour les transferts vidéo, c’est mon chef opérateur qui s’est chargé de les finaliser. Mais je vous ai coupé... Qu’est-ce qui vous a procuré une drôle de sensation ?La facture du film a évolué depuis sa sortie. La lumière paraît encore plus soignée et élégante, mais les décors en studio, eux, ont par exemple l’air plus faux...Je vois. C’est tout le problème du Blu-ray : c’est un support impitoyable qui souligne la moindre imperfection. J’imagine que, du coup, les trucages ne doivent pas bien rendre.C’est effectivement un peu le cas...Je ne les trouvais déjà pas déments sur grand écran.A contrario, le piqué de l’image rend les scènes sensuelles encore plus troublantes. Les carnations sont splendides.Ça, c’est une bonne nouvelle. J’ai fait le film pour ces scènes-là. Ce n’est pas que le côté espionnage ne m’intéressait pas, mais raconter une histoire d’amour, tourner des scènes de lit, je ne l’avais jamais fait. C’était le gros défi, tant pour moi que pour les acteurs. Au moment de la sortie du film, tout le monde a félicité Cécile pour sa performance de femme adulte, forte, registre dans lequel on ne l’avait pas beaucoup vue jusqu’à présent. Mais au fond, ça, c’était surtout une question de maquillage et de coiffure. Pour elle aussi, le véritable challenge résidait dans ces scènes-là...Même si vous n’avez pas visionné le Blu-ray, vous savez quand même que vous êtes le grand héros des bonus ?J’ai vu et validé tous les bonus.Y compris ce moment incroyable où vous vous faites engueuler par Tim Roth sur le tournage ?Oui, même celui-là ! Mais qu’est ce que vous entendez au juste par « héros » ?Ils sont vraiment organisés autour de votre personne et de vos coups d’éclat sur Twitter (Rochant y racontait le déroulement du tournage presque heure par heure). C’est étonnant dans la mesure où les stars du film, Jean Dujardin et Cécile de France, passent quasiment à l'as...Vous exagérez ! On les entend quand même beaucoup parler.Oui, mais de vous...(Rire.) J’ai un côté pédago, peut-être un peu prof. C’est pour ça que je me suis mis à raconter le tournage sur Twitter, que j’analyse désormais le film séquence par séquence sur mon blog, et c’est sans doute aussi pour cette raison que le making of est plus orienté sur la fabrication de Möbius que sur le déballage promo. Même si, en l’occurrence, ce n’est pasde mon fait.Justement, en revoyant Möbius, je me disais, par exemple : « On sent effectivement que cette scène, celle où les trois mecs du FBI discutent dans le jardin, il ne savait pas trop où la mettre dans son film... » C’était lié au fait que vous en aviez parlé sur votre blog. Ce souci de pédagogie ne risque-t-il pas d’abîmer le film ?C’est sûr que ça peut nuire à la spontanéité du regard. Mais ça ne s’adresse qu’à un nombre très restreint de personnes qui s’intéressent de près au processus de fabrication d’un film. Par ailleurs, je peux vous assurer qu’à l’époque où j’étudiais le cinéma, j’aurais rêvé d’avoir tous ces documents à ma disposition. Là, entre Twitter, le blog et les bonus, je pense que c’est exhaustif et, je l’espère, éclairant.Ça l’est d’autant plus qu’à l’époque où vous racontiez le tournage sur Twitter, on avait l’impression que vous cherchiez à vous défausser de l’éventuel échec artistique du film. Vous vous plaigniez des plannings serrés, parfois de vos techniciens, de vos producteurs... On s’inquiétait presque pour la qualité du produit fini. Mais à l’arrivée, le film est très « propre » dans sa confection.C’est logique que vous ayez imaginé ça. Mais c’est parce qu’on n’a pas l’habitude qu’un réalisateur raconte son tournage en temps réel. Or je vous assure que ce j’ai vécu, chaque metteur en scène le vit sur chacun de ses films. C’est très commun, même si, à cause de mes tweets, il y a pu y avoir quelques coups de chaud sur le tournage...Vous allez refaire la même chose sur votre prochain film ?Aucune idée. En ce moment, je suis plongé dans l’écriture de ma nouvelle série pour Canal+, qui se passera à nouveau dans le monde du renseignement et dont j’ambitionne secrètement qu’elle devienne le The Wire français.Après, on verra bien...François GreletMöbius : la souffrance du cinéaste selon Eric Rochant