Kevin Costner entouré de ses actrices de Horizon
Abaca

Le (co)scénariste, acteur, réalisateur et producteur de Horizon a livré une masterclass sur la Croisette.

Si Kevin Costner  était très entouré hier soir sur le tapis rouge de la première partie de Horizon, une saga western particulièrement ambitieuse qu'il rêve de décliner en quatre films, il est venu seul à la conférence de presse animée par Didier Allouch. Pas d'actrices, cette fois, ni de membres de sa famille. Qu'il a tout de même tenu à saluer d'emblée :

"J'ai ressenti tellement d'amour, c'était totalement inattendu, dit-il en préambule à propos de la longue standing ovation d'hier soir. Tout cela en étant entouré de mes enfants... c'était extraordinaire."

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"J'avais besoin de sentir ma famille proche de moi"

Toujours à propos de sa famille, Kevin Costner répond alors à une femme lui confiant qu'elle a toujours voulu appeler son fils Kevin d'après lui.

"Tout a commencé pour moi en 1988 quand j'ai découvert ce personnage, Hayes Ellison. J'ai gardé en tête son prénom, comme faisant partie de mon propre parcours. Je ne sais pas ce que ça dit de moi, mais il y a quinze ans, je l'ai donné à mon fils. Puis je l'ai repris dans le film. Dans Horizon, il y a ce petit gars, qui ne quitte pas son père... Il est comme mon fils, il reste très proche de son père.

Si mes enfants ne s'étaient pas intéressés pas à ce film, je ne les aurais pas choisis par principe, car je sais que quelqu'un rêverait d'un rôle comme ça. Mais en même temps, j'avais besoin de sentir ma famille proche de moi. Cette idée de fils qui ne veut pas partir, qui suit son père plutôt qu'être en sécurité avec sa mère... C'est ce genre d'architecture de scènes qui me plait tant dans les westerns. Ces films permettent de traiter de situations compliquées, des sentiments profonds. Les histoires qui m'intéressent doivent avoir cette sorte de complication. C'est pour ça qu'ils sont si durs à écrire !"

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"Les films doivent avoir quelque chose de commun avec la réalité..."

Au fil des échanges se dessine la façon de concevoir le cinéma de Kevin Costner, qui tient à raconter des histoires ambitieuses, loin du grand spectacle manichéen.

"Le fait que les femmes aient les rôles les plus forts de ce film, les plus compliqués, ça a du sens pour moi. Mettre en scène une femme qui n'a pas les codes de l'Ouest, qui se sent salie par tout cela et qui veut à tout prix se laver. On m'a demandé ce que ce genre de scènes faisait dans le film, mais pour moi c'est très important. Les films doivent avoir quelque chose en commun avec la réalité, car si on ne se reconnait pas en eux, ils nous perdent.

(...)

Je ne peux pas cocher toutes les cases à chaque fois que je fais un film, mais j'ai pleinement conscience de ces questions de diversité. Je vis dans un endroit qui s'appelle Compton, c'est en Californie, et j'ai produit un film qui s'appelle Black or White. C'était ma façon de parler du racisme qui existe dans notre pays.
Alors oui, dans
Horizon, montrer ces personnes d'origine asiatique qui ont vécu dans l'Ouest, je trouvais que ça avait du sens.

(...)

Vous savez, pour moi, Danse avec les loups, ce n'est pas une histoire sur les Natifs Américains, c'est plutôt celle de mon personnage, qui est témoin de leur quotidien, qui observe leur culture.
Un film, c'est une aventure, je ne cherche pas à écrire
"du point de vue de". Oui, les Amérindiens sont représentés, mais je ne cherche pas à les intégrer à tout prix. Disons que je tente de faire les films les plus réalistes possibles. Sans être tout blanc ou tout noir.

(...) 

L'Amérique, il y a 200 ans, c'était comme le jardin d'Eden dans l'esprit des gens qui s'y rendaient. Ils y croyaient. Ceux qui rêvaient d'une nouvelle vie, y croyaient. C'était un mythe. Qu'ils viennent d'Europe ou d'Afrique, ils arrivaient en Amérique et il n'y avait rien, tout à construire. Ces terres, si vous étiez assez intelligent ou cruel, vous pouviez les conquérir, mais en même temps, c'était au dépens des gens qui vivaient là depuis des siècles. Cela a entraîné des conflits sanglants, ça a mené à la Guerre Civile. Voilà de quoi parle Horizon.

J'espère que vous reverrez le film pour constater à quel point les mots sont importants pour moi. J'aimes les affrontements à l'écran, mais je fais attention aux dialogues. Ce film, c'est comme une carte postale, pour montrer aux générations futures que parfois, il est important de ne pas construire partout. Préservons ces rivières, ces montagnes..."

Kevin Costner Horizon
Warner Bros.

"Mon problème ? C'est que je vais jusqu'au bout !"

"Vous voyez pourquoi mes films sont si longs : je mets du temps à répondre aux questions !, s'amuse Kevin Costner, qui détaille effectivement ses réponses.

"Je ne sais pas pourquoi ça a été si dur à monter, confie-t-il aussi à propos du fait qu'il a lui-même investi près de 100 millions de dollars pour concevoir Horizon. Pourquoi j'ai eu du mal à intéresser des financiers. Je ne crois pas faire de meilleurs films que les autres, mais je ne pense pas non plus faire les pires. Mon problème, c'est que je vais jusqu'au bout quand je trouve qu'un scénario est bon. J'ai dû trouver des gens riches intéressés pour faire Horizon. J'ai littéralement interpellé des millionnaires, ici à Cannes, à Monaco, partout ! Je suis monté sur des bateaux pour tenter d'obtenir de l'argent (rires).

(…)

J'ai voulu absolument tourner quatre films pour retrouver le bonheur que je ressentais petit en voyant les rideaux du cinéma s'ouvrir. Ca n'existe plus, ça maintenant... Aller au cinéma, c'est avoir la chance d'assister à quelque chose de magique.

J'ai pris la décision de mettre mes maison en hypothèque, pas parce qu'elles ne comptent pas pour moi, bien sûr qu'elles ont de la valeur, mais je suis comme tout le monde, je n'ai pas besoin de quatre maisons. J'ai énormément réfléchi, avec mes enfants, à leur héritage, à ce que je voulais laisser.

Cannes m'aide à donner vie à mes films. Je ne vous remercierai jamais assez pour ça. Bien sûr, tout le monde peut écrire ce qu'il veut à propos de Horizon, et en l'occurrence, il y a eu des réactions si belles..."

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Rêver le cinéma

"J'aime la partie où l'on rêve des films, avant même de les écrire, explique-t-il enfin à propos de sa manière de voir le cinéma. Bien sûr, j'ai adoré le tapis rouge d'hier en compagnie de mes enfants, mais vous ne faites pas du cinéma pour ça. Pas uniquement pour le glamour ou les belles chambres d'hôtel. Même si la mienne est parfaite, merci beaucoup, d'ailleurs. Ce que je préfère, c'est quand on pense tout le temps au film qu'on va faire, que ça nous réveille la nuit.

Au départ, je n'avais pas d'argent pour assouvir ma passion. Par la suite, j'en ai peut-être eu trop ? Maintenant, j'investis le mien. Le truc, c'est que chaque jour en préparant ce film, il y avait ce moment où j'avais le sentiment d'avoir parfaitement géré cet argent. Par exemple en constatant qu'un plan était meilleur que prévu après avoir décidé de changer l'angle de caméra. Il y avait des instants comme ça où je voyais le résultat de tout cet investissement. Je sentais que ça valait le coup.

Croyez le ou non, j'ai déjà tourné trois scènes du n° 3 juste avant de venir à Cannes. Comme je vous le disais, c'était important pour moi de venir ici, dans un endroit où les films sont vus de façon très ouverte. Mais dès que je serai rentré, je vais m'y remettre, et je tournerai tout ce que je peux me permettre avec l'argent que j'y ai investi. Je suis certain que si on se rendait maintenant tous ensemble au port et qu'on se tenait devant un yacht, on arriverait à obtenir plus ! (rires)

C'est parfois dur, oui, mais j'ai eu de la chance d'évoluer dans ce métier. En regardant dans le rétro, je peux me dire que j'ai fait de mon mieux."